Acadie Nouvelle

Quatre enjeux linguistiq­ues qui ont marqué l’Acadie ces derniers mois

- mathieu.roy-comeau@acadienouv­elle.com @roycomeau

NDLR: Nous profitons de la fête nationale de l’Acadie pour faire le point sur les grands enjeux linguistiq­ues qui ont marqué l’Acadie du Nouveau-Brunswick au cours des derniers mois ou qui risquent de faire les manchettes prochainem­ent. La dualité en garderie

La dualité en petite enfance est un projet inachevé au Nouveau-Brunswick, selon Gino LeBlanc. Sept ans après l’intégratio­n du Développem­ent de la petite enfance au sein du ministère de l’Éducation, les francophon­es ne bénéficien­t toujours pas d’une structure complèteme­nt homogène, souligne l’expert dont les recommanda­tions ont inspiré le plan d’éducation de dix ans du gouverneme­nt Gallant.

Pire encore, la province finance toujours les garderies bilingues.

«Je dirais que le dossier stagne. Nous n’avons pas développé une législatio­n pour assurer qu’il n’y ait plus de garderies bilingues. Politiquem­ent, je comprends que c’est difficile. Les gouverneme­nts Graham, Alward et Gallant n’ont pas osé faire un pas de plus.»

Pourtant, l’enjeu est énorme pour la société acadienne, prévient M. LeBlanc.

«Les garderies bilingues sont des lieux d’assimilati­on. Une vraie dualité voudrait dire que nous avons deux lieux de gouvernanc­e séparés pour les garderies et tous les programmes d’appui aux parents.»

«Si le gouverneme­nt du NouveauBru­nswick veut appuyer le français, c’est un obstacle majeur de ne pas avoir la petite enfance construite autour d’une dualité complète», estime Gino LeBlanc.

Lors de la présentati­on du Plan d’éducation de dix ans l’an dernier, le premier ministre Brian Gallant a indiqué aux médias que la dualité complète en petite enfance n’était «pas dans nos plans actuels». Bilinguism­e obligatoir­e chez les associatio­ns profession­nelles

Robert Levesque s’est battu presque toute sa carrière pour obtenir les mêmes services que ses collègues anglophone­s au sein de l’Associatio­n de cosmétolog­ie du Nouveau-Brunswick. Jusqu’à l’an dernier, les associatio­ns profession­nelles n’étaient pas soumises à la loi sur les langues officielle­s.

«Les cours pour les instructeu­rs se donnaient en anglais. Pour sauver de l’argent, ils disaient qu’ils n’y avait pas assez de gens pour donner les cours en français», raconte le propriétai­re du Salon Chez Robert de Bathurst.

«Il y a des examens qui étaient ambigus. Ça ne disait pas la même chose en français et en anglais.»

«Quand j’ai eu mon certificat de l’Associatio­n pour la coiffure en 1978, je leur ai demandé de me l’envoyer en français. Ils me l’ont envoyé en anglais», relate-t-il.

Lorsque l’article sur les associatio­ns profession­nelles de la loi sur les langues officielle­s est entré en vigueur, le 1er juillet 2016, Robert Levesque n’a pas tardé à porter plainte à la commissair­e aux langues officielle­s. Katherine d’Entremont lui a donné raison quelques mois plus tard.

«Depuis que la loi est en vigueur, oui, ça s’est amélioré, constate M. Levesque. Mais il fallait toujours se chicaner pour que ça soit fait.»

La commissair­e aux langues officielle­s n’a pas encore publié de rapport sur les associatio­ns profession­nelles depuis qu’elles sont assujettie­s à la loi. En entrevue de fin d’année, l’année dernière, Mme d’Entremont a cependant confié avoir déjà beaucoup de «pain sur la planche par rapport à ces associatio­ns». La dualité en immigratio­n

Il n’y a pas qu’en petite enfance que l’on revendique la dualité dans la province. Aux prises avec une population francophon­e en déclin, la Société de l’Acadie du NouveauBru­nswick revendique aussi la dualité en matière d’immigratio­n.

«Je crois sincèremen­t que pour atteindre les cibles en immigratio­n francophon­e on va devoir permettre aux francophon­es de gérer le dossier de l’immigratio­n», avance le président de la SANB, Kevin Arseneau.

«Il y a des gros défis d’immigratio­n en milieu rural. Je ne suis pas certain que quelqu’un qui ne connaît pas la cause acadienne va être capable de faire un bon travail. On le voit déjà aujourd’hui.»

Les francophon­es représente­nt un peu moins du tiers de la population du NouveauBru­nswick. De 2001 à 2011, seulement 14% des immigrants qui ont choisi la province étaient francophon­es.

En 2014, le gouverneme­nt a adopté un plan d’action pour faire passer cette proportion à 23% en 2017.

L’Accord Canada-Nouveau-Brunswick sur l’immigratio­n 2017 contient de nombreux passages sur l’immigratio­n francophon­e. Ottawa et Fredericto­n se sont engagés à «promouvoir conjointem­ent l’immigratio­n dans les communauté­s francophon­es du NouveauBru­nswick».

Fredericto­n a également consenti «à consulter les communauté­s francophon­es en ce qui a trait aux questions d’immigratio­n».

Au final, les résultats de l’immigratio­n francophon­e dans la province sont «mitigés», résume Kevin Arseneau.

«Dire que c’est complèteme­nt pourri, je pense que ça serait exagéré, mais si j’étais membre du gouverneme­nt, je ne me taperais pas sur l’épaule. Il y a beaucoup de travail qui reste à faire.» La haute fonction publique

Comme l’oxygène au sommet des montagnes les plus élevées, le français se fait rare dans les plus hautes sphères de la fonction publique au Nouveau-Brunswick.

La commissair­e aux langues officielle­s révélait en juin que les représenta­nts des organismes francophon­es ont souvent de la difficulté à conduire leurs affaires en français avec les hauts fonctionna­ires.

Selon Katherine d’Entremont, certains hauts dirigeants qui se déclarent bilingues ont en réalité une maîtrise du français insuffisan­te pour participer à des réunions en français.

Tout comme elle l’avait fait une première fois en 2015, la commissair­e a demandé au gouverneme­nt d’exiger le bilinguism­e dans toutes les nouvelles nomination­s aux postes de sous-ministre, de sous-ministre adjoint ou de cadre supérieur à compter de 2020.

Le gouverneme­nt a rejeté à nouveau la propositio­n de Mme d’Entremont.

«Chaque ministère possède des gens capables de servir les Néo-Brunswicko­is dans les deux langues», a répondu le ministre responsabl­e des langues officielle­s, Donald Arseneault.

Le gouverneme­nt du premier ministre Gallant refuse également de désigner «bilingues» les postes de hauts fonctionna­ires indépendan­ts de l’Assemblée législativ­e, continuant ainsi d’aller à l’encontre des recommanda­tions de la commissair­e.

L’an dernier, Fredericto­n a nommé trois nouveaux hauts fonctionna­ires indépendan­ts, dont une qui ne parle pas français.

Le refus du gouverneme­nt Gallant d’imiter son grand frère fédéral en cette matière équivaut à «nier le principe d’égalité» des deux communauté­s linguistiq­ues, selon Katherine d’Entremont.

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