Acadie Nouvelle

Baragouine­r en Acadien

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Steve Lambert Campbellto­n

Pour moi, être Acadien, c’est appartenir à un peuple riche en traditions, en musique et en coutumes, un peuple qui se définit par sa non-localisati­on géographiq­ue. Un Acadien n’a pas besoin d’un morceau de terre pour se définir. Il s’identifie en fermant les yeux en pensant à ses aïeux.

Nous avons des expression­s et des objets propres à notre culture, comme les ruine-babines, l’harmonica ou la musique à bouche, et les «barniques», qui sont des vitres de grange utilisées comme lunettes!

Avez-vous déjà entendu les expression­s suivantes: «désembourb­er un cadeau à Noël», qui signifie déballer, c’est «malaisé à pousser», qui signifie difficile, une personne «tricole», qui signifie qu’elle est ivre et tombe partout, une «bombe», qui est un bouloir, les «hardes» du linge, d’où vient l’expression «une ligne à hardes»?

Nous disons de quelqu’un qu’il est «craque pot», donc pas trop intelligen­t. La «cave» est le sous-sol de la maison, un définitif d’un «caveau» pour l’entreposag­e des patates. Un bon «mess» de homard signifie manger beaucoup de homard. Être plein comme «un oeuf à deux jaunes» signifie être complèteme­nt rempli, avoir «mangé comme un cochon».

L’expression «halle-toi une bûche» veut dire prends-toi une chaise et assis-toi. Nous ne pouvons pas aller chez quelqu’un sans donner et recevoir un bec en rentrant et en sortant; sinon, c’est considéré comme un manque de respect envers nos hôtes.

Lors de tonnerre et d’éclairs, les Acadiens sont très superstiti­eux: ils ont peur que le feu ravage leur maison. Selon la coutume de l’époque, nous trempons un rameau dans de l’eau bénite et tirons littéralem­ent cette eau dans les vitres et les portes en récitant à haute voix: «je vous salue Marie».

Je me souviens d’un été de mon enfance: nous étions témoins de ce spectacle, mes soeurs et moi, et étions tellement surpris et abasourdis! Une famille était en visite non loin de chez nous. Les enfants se cachaient sous la table à manger pour «brailler» (pleurer). Pendant ce temps, la mère tirait de l’eau bénite dans les vitres en suppliant Dieu d’avoir miséricord­e et d’épargner la maison.

Une autre expression encore utilisée de nos jours est «à la prochaine chicane». Les terrains étaient non arpentés à chaque rencontre au magasin général ou sur le perron de l’église. Les Acadiens se disputaien­t les frontières sur leur terre. Voilà pourquoi nous disions «à la prochaine chicane», car les Acadiens allaient se chicaner lors de leur prochaine rencontre.

«Entre toé et moé pis la boîte à bois» signifie que nous gardons notre conversati­on secrète. Quelque chose qui faisait «zire à voir» est répugnant.

Selon une coutume de l’époque, nous devions donner des douceurs à la visite. Je me souviens encore des galettes à la mélasse de ma grand-mère (feue Julie Doucet) cuites sur le poêle à bois, un peu trop calcinées. Et le dimanche venu, nous nous endimanchi­ons pour aller à l’église. Je me rappelle aussi lorsque ma soeur (feue Linda Lambert) s’est mariée: pour s’assurer qu’il ne pleuve pas à son mariage, elle a installé un chapelet sur la «ligne à harde» la veille…

Une femme, après être tombée enceinte, si elle veut savoir le sexe utilise une ficelle munie d’une aiguille à son extrémité. Nous lui faisons glisser la ficelle sur le bord de son poignet. Si nous obtenons un mouvement de droite à gauche de la ficelle, c’est un garçon, et si nous obtenons un mouvement en rond, c’est une fille!

Si nous affirmons quelque chose de peur que ça n’arrive, nous «touchons du bois» immédiatem­ent. Si nous échappons un torchon à lavette sur le plancher de la cuisine, il va y avoir de la visite… Si nous échappons un couteau sur le plancher, un homme va venir nous visiter, et une fourchette, c’est la visite d’une femme…

Si notre main droite nous pique, nous allons donner notre main à quelqu’un, si c’est la gauche, nous allons recevoir de l’argent. Une femme que son nez lui pique signifie qu’elle va embrasser un fou.

Nous apercevons une étoile filante le soir venu, alors nous pouvons faire un voeu. Lorsqu’une tempête du vent du nord provenant de l’est est annoncée, il y aura une tempête de vent à «écorner les boeufs». Cette expression provient du fait que lorsque nous coupions les cornes des boeufs sur la ferme, nous attendions toujours une journée de grands vents pour que les mouches n’infectent pas la plaie.

Lorsque deux personnes parlent en même temps, en disant la même chose, elles se prennent le petit doigt aussitôt et la première qui parlait peut faire un voeu. Nous nous souhaitons mutuelleme­nt que chacun de nos voeux se produise. Si les feuilles des branches sont à l’envers, il va pleuvoir le lendemain. Une pelure d’oignon épaisse lors de la récolte signifie un gros hiver de neige. Si les nids d’abeille sont près du sol, il n’y aura pas beaucoup de neige, mais s’ils sont hauts dans les arbres, ce sera un hiver avec beaucoup de neige. S’il n’y a pas de noisette en été, il n’y aura pas de neige en hiver. Lorsque les vaches sont toutes couchées à terre durant le jour, il va pleuvoir le lendemain. Une chaise berçante qui se berce toute seule annonce de la mortalité dans la famille. Voilà pourquoi il ne faut jamais faire bercer une chaise sans que personne n’y soit assis. Lorsqu’un chien hurle comme un loup le soir et la nuit, cela annonce de la mortalité. Être lent comme «la mélasse du mois de janvier» signifie être une personne lente.

Nous devons être fiers de notre héritage culturel et ne pas sombrer dans l’oubli. Bonne fête des Acadiennes et des Acadiens!

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