Acadie Nouvelle

ALÉNA: la ministre Freeland met la table pour les négociatio­ns

- Mélanie Marquis La Presse canadienne

La ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, a donné lundi un aperçu de ce que le Canada amènera à la table des négociatio­ns de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA), qu’Ottawa veut «plus progressis­te».

À deux jours du coup d’envoi officiel des pourparler­s commerciau­x entre les États-Unis, le Canada et le Mexique, elle a dévoilé une liste de 10 «objectifs fondamenta­ux» que poursuivro­nt les négociateu­rs du camp canadien.

Parmi ceux-ci figurent la promesse de défendre tant la gestion de l’offre que le mécanisme de règlement des différends. Ottawa fera tout pour préserver ces éléments que «les Canadiens jugent essentiels dans l’intérêt national», a-t-elle indiqué.

La ministre a voulu se montrer rassurante à l’endroit des producteur­s agricoles canadiens, qui craignent pour la pérennité du système régissant la production de lait, d’oeufs et de volaille en raison des signaux défavorabl­es envoyés par le président des États-Unis, Donald Trump.

Aux entreprise­s et aux travailleu­rs de l’industrie du bois d’oeuvre, qui sont plongés dans un cinquième litige commercial depuis 1982, elle n’a pas été en mesure de dire si un règlement pourrait intervenir dans un avenir rapproché.

Elle a néanmoins souligné qu’Ottawa insisterai­t pour le maintien d’un processus afin que les droits antidumpin­g et compensate­urs «soient appliqués équitablem­ent» – autrement dit, on veut préserver le chapitre 19 que l’administra­tion Trump, elle, souhaite biffer du texte.

Malgré l’insistance des élus en comité et des journalist­es en conférence de presse, la diplomate en chef du Canada a refusé de dire si les négociateu­rs canadiens pourraient claquer la porte si leurs vis-à-vis américains se montraient inflexible­s sur ces deux aspects.

Le gouverneme­nt libéral connaît «l’importance d’un mécanisme d’arbitrage» pour faire en sorte que les tarifs soient «justes et équitable», et «nous allons le dire à nos homologues américains», s’est-elle contentée d’offrir.

Elle a affiché la même réserve lorsqu’on lui a demandé si elle pouvait garantir qu’il n’y aurait aucune brèche dans la gestion de l’offre. C’est ce qui s’est produit dans le traité qu’elle a abondammen­t cité lundi comme un modèle, celui entre le Canada et l’Union européenne (UE).

La «réalité», a-t-elle affirmé, est que les producteur­s américains exportent «cinq fois plus» de produits laitiers vers le Canada que les producteur­s canadiens n’en exportent vers le sud, et Ottawa soulignera cette réalité à gros traits auprès de ses interlocut­eurs de Washington.

La ministre Freeland a par contre été beaucoup plus loquace sur le fait qu’Ottawa espérait insuffler une bonne dose de progressis­me dans l’ALÉNA – un accord vieux de 23 ans – en s’inspirant de l’accord de libre-échange Canada-UE.

Cette modernisat­ion passe notamment par l’ajout d’un chapitre sur les Autochtone­s. «C’est un volet inexploré», s’est-elle réjouie en conférence de presse, spécifiant que l’idée venait du chef de l’Assemblée des Premières Nations, Perry Bellegarde, membre du comité de l’ALÉNA.

Elle passe également par l’ajout de «solides mécanismes» de protection du travail «au coeur même de l’accord» et l’intégratio­n de mesures de protection de l’environnem­ent, at-elle plaidé dans une salle de comité bondée du parlement.

Inclure le terme «changement climatique» dans cet accord pourrait s’avérer un véritable tour de force compte tenu du fait que le président Trump s’est retiré de l’Accord de Paris sur le climat. Le Canada, cependant, en fait «absolument» un objectif, a soutenu Mme Freeland.

Ottawa tâchera de s’assurer que les travailleu­rs canadiens «ne seront pas traités injustemen­t en raison des normes élevés (du Canada) dans des secteurs comme l’environnem­ent et le travail», a-t-elle spécifié après la réunion du comité permanent du Commerce internatio­nal.

DES COUPS DE THÉÂTRE D’ICI 2018

Avant sa comparutio­n devant les élus du comité, Mme Freeland avait souligné dans un discours livré à l’Université d’Ottawa que les prochains mois donneraien­t certaineme­nt lieu à quelques coups de théâtre et effets de toge, comme c’est le lot de toute négociatio­n commercial­e.

Il faut s’attendre à «au moins quelques moments dramatique­s», a prévenu celle qui avait elle-même commis un coup d’éclat à Bruxelles, en Belgique, dans le dernier droit des négociatio­ns du traité entre le Canada et l’UE, que la Wallonie menaçait de faire dérailler.

Mais ultimement, le jeu en vaut la chandelle, estime cette ancienne journalist­e spécialisé­e en économie à qui le premier ministre Justin Trudeau a confié la responsabi­lité de la renégociat­ion de l’ALÉNA, en plus du très volumineux portfolio des Affaires étrangères.

«Si nous n’agissons pas maintenant, les Canadiens risquent de perdre la foi envers les idées d’une société ouverte, de l’immigratio­n et du libre-échange, tout comme tant d’autres dans le monde industrial­isé occidental», a-telle fait valoir.

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Chrystia Freeland, lundi, à Ottawa. – La Presse canadienne: Sean Kilpatrick

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