CAP VERS LE NORD
Alors que la température de l’océan Atlantique fracasse des records de chaleur, de nombreuses espèces marines se dirigent vers le nord. Le phénomène transforme les écosystèmes et l’économie du Canada atlantique.
La forte présence de baleines noires de l’Atlantique nord dans le golfe du SaintLaurent et l’observation de grands requins blancs dans la baie de Fundy ont fait couler des flots d’encre au cours des dernières semaines.
Les deux espèces ne sont cependant pas les seules qui se déplacent vers le nord. Au cours des dernières années, les débarquements de homard ont atteint des sommets records au Canada atlantique et au Maine, alors qu’ils sont en chute libre dans les États plus au sud comme le Massachusetts, le Rhode Island et le Connecticut.
Au printemps, les pêcheurs de gaspareau ont vu leurs filets se remplir soudainement de bar rayé - espèce dont l’habitat s’étend jusqu’au golfe du Mexique. Parallèlement, des observateurs affirment que le stock de saumon de la rivière Miramichi - secteur sud de l’habitat du saumon - est en diminution.
Même le crabe vert, espèce envahissante aussi connue comme le crabe enragé, remonte progressivement la côte du Nouveau-Brunswick, le long du détroit de Northumberland.
Martin Mallet, directeur général de l’organisme de recherche et développement Homarus, parle d’un déplacement des aires de distribution.
«Il y a peut-être une tendance (chez la baleine noire), mais on le verra au cours des prochaines années. On voit une tendance au niveau d’autres espèces. Elles suivent les eaux froides, ce qui déplace les aires de distribution du sud vers le nord. On voit l’effet chez le homard, chez le bar rayé et chez plusieurs espèces.»
Le principal suspect, ce sont les changements climatiques, quoique les scientifiques hésitent à s’avancer sur une relation de cause à effet.
«On essaie de documenter les changements du mieux qu’on le peut, mais il y a tellement de paramètres au niveau de l’environnement qui peuvent affecter les différentes populations que c’est difficile de dire avec précision que ce sont les changements climatiques qui font que toutes ces espèces-là déménagent vers le nord. Mais il y a vraiment des signes qui démontrent que c’est ce qui se passe.»
Le déplacement des espèces pourrait être dû aux courants marins et à un phénomène nommé l’hypoxie, c’est-à-dire une réduction du taux d’oxygène dans l’eau. Quand une région reçoit une grande proportion d’eau provenant du Gulf Stream, où la concentration d’oxygène est plus faible, la vie marine est plus difficile. Au contraire, quand elle provient du courant du Labrador - riche en oxygène - la vie marine se porte bien.
Selon un rapport de l’agence américaine National oceanic and atmospheric administration (NOAA), des températures records ont été observées en juin 2017 dans des parties de l’océan Atlantique, plus spécifiquement dans les eaux de la côte est des États-Unis.
Globalement, la température des surfaces terrestres et marine en juin 2017 a été 0,82 degré Celsius au-dessus de la moyenne du 20e siècle, ce qui représente le troisième mois de juin le plus chaud depuis que des données sont compilées, il y a 138 ans. Seuls les mois de juin 2016 (0,92 degré au-dessus de la moyenne) et de juin 2015 (0,89 au-dessus de la moyenne) ont été plus chauds.
«Juin 2017 est le 41e mois de juin consécutif et le 390e mois consécutif où la température est au moins nominalement au-dessus de la moyenne du 20e siècle», peut-on lire dans le rapport.
La NOAA ajoute que l’étendue de la glace de la calotte polaire est 7,5% sous la moyenne de 1981 à 2010.