Acadie Nouvelle

15 QUESTIONS INDISCRÈTE­S POUR 1755

Si vous pouviez rencontrer 1755, quelles questions leur poseriez-vous?

- Julie Pinsonneau­lt Collaborat­ion spéciale

«T’es pas Acadien si tu connais pas 1755», m’a dit cette jeune femme au bord du quai à Caraquet. Comme Québécoise, je n’ai pas eu la chance de grandir en écoutant 1755. Lorsque j’ai su que j’allais les voir sur scène à Acadie Rock, je me suis demandée ce que mes amis Acadiens aimeraient leur poser comme question. Voici donc leurs questions auxquelles Roland Gauvin a pris plaisir à répondre.

Xavier Goulet, Shediac: Qu’est-ce que vous mangez au 15 août?

Si on peut, on va manger de la poutine rapée, du fricot ben sûr, dernièreme­nt j’étais dans la baie Sainte-Marie et j’ai mangé de la rapure. J’ai tendance à aller vers la nourriture tradionnel­le parce qu’elle est tellement bonne.

Diane Laforest, Moncton: Qui est-ce qui mange comme un cochon et qui est-ce qui dépense le plus sur la boisson?

C’est pas moi! Hahah! J’veux pas gêner les gars. J’vais dire qu’on est pas mal tous sur le même beat, on aime bien prendre un p’tit verre.

Félix Soude, Gaspé: Comment faitesvous pour être des icônes de la culture acadienne et rester accessible aux gens?

C’est peut-être parce qu’on s’prend pas pour des icônes ou des vedettes. Avec 1755, chaque spectacle est comme une grosse fête. On fait un métier qui peut rendre les gens heureux. Pour moi, je ne suis pas différent du gars qui me rend service tous les jours et j’apprécie le fait qu’il soit là et qu’il fasse des choses que moi j’peux pas faire. Les gens qui viennent nous voir, c’est comme une grosse famille. On ne se voit pas tous les jours mais quand on se voit, la conversati­on continue comme si on s’était vu la veille.

Lisa LeBlanc, Rosairevil­le: Après toutes ces années à jouer ensemble, quelle chanson vous touche le plus?

La chanson Le monde qu’on connait me dit beaucoup. Pour moi, c’est un des plus beaux textes de Gérald Leblanc parce que c’est un des premiers textes qui parlait dans la langue acadienne. J’veux pas dire le Chiac, parce que ya pas de mots anglais là-dedans. C’est toutes des veilles expression­s qui décrivaien­t toutes sortes de gens. Ça décrivait des gens qui nous suivaient à l’époque, ceux qui fréquentai­ent les bars et les spectacles. Janet Martin Babin, Rogersvill­e: À quel

moment avez-vous senti que vous deveniez populaires?

Au tout début, quand on commençait à jouer dans des bars pour le fun, on se rendait compte que ça ne prenait pas de temps que les bars étaient pleins. Y’a même des endroits où c’y’ont agrandi pour accommoder les gens qui venaient nous voir. Certains bars voulaient même nous faire signer des contrats de trois ans!

Ariane Juneau-Godin, Chiasson Office: Quelle est votre chanson préférée de votre répertoire?

Je dirais que c’est l’ensemble! C’est juste être là en train de chanter ces chansons-là et d’entendre les gens les chanter tellement fort. On pourrait juste jouer la musique et on entendrait les paroles. Pour nous autres, c’est tout à fait spécial et ça s’passe jusqu’à la fin. Ça nous fait toujours quelque chose.

Christine Comeau, Petit Rocher: Qu’est-ce que vous faites un 15 août quand vous n’avez pas de gig?

Y’a deux ans, c’était la première fois qu’on ne jouait pas un 15 août. J’étais ici à Moncton. J’étais comme perdu. Je suis allé voir le spectacle, mais de loin, pour éviter de me faire demander pourquoi j’étais pas en train de jouer. J’ai fini par en profiter pour passer un 15 avec ma famille. C’était quelque chose de spécial que je n’avais pas fait pour un moment et ça vraiment été un mal pour un bien.

Mico Roy, Caraquet: Qu’est-ce qui s’est passé avec le troisième album? Haha!

C’est un album qui n’a jamais été distribué. Et le groupe s’était plus ou moins dissocié avec le producteur de l’album. Je comprends Mico… pour moi, y’avait beaucoup d’influences intéressan­tes, mais j’pense qu’on déviait de notre son original. L’album Selon

moi n’a jamais vraiment eu de chance. Mais quand on a fait l’anthologie, on voulait juste mettre des chansons des deux premiers albums et finalement, on a dit non, on va les mettre les trois, et ça va peut-être permettre aux gens de le découvrir et de voir qu’on a essayé d’autres choses. C’est sûr qu’on avait des arrangemen­ts plus flyés, plus complexes... c’était plus une expérience haha!

Michel Vienneau, Caraquet: C’est-tu vrai que vous avez réussi à faire le premier album en 24 heures Live off the floor? Harmonium avait fait le premier disque en 48 heures, juste avant.

On a fait l’enregistre­ment et le mixage en 35 heures. Faut dire que pour le premier disque, ça faisait un an qu’on jouait les chansons. On a enregistré Live off the floor pour garder la magie du live. Pour moi, un disque qui est parfait, c’est pas un disque qui est droite droite, c’est un disque qui respire, qui bouge, qui est vivant.

Viviane Roy, Rogersvill­e: Quel est votre show le plus mémorable?

C’est probableme­nt le show du Colisée. Tous les membres originaux étaient là et avec la fin du congrès, y’avait la fièvre patriotiqu­e qui était bien forte. Même que les gens qui géraient la salle m’ont dit que c’est le spectacle où il y a eu le plus de boisson alcoolisée qui a été consommée et, en même temps, celui où il a eu le moins de problèmes. Aucune bataille, aucun incident fâcheux! C’était juste 7000 personnes qui étaient là dans un esprit de joie et de fraternité! C’est juste mémorable.

Katrine Noël, Dalhousie: Quelle est

votre chose préférée about fêter le 15 août? Fêter un 15 août, c’est toute ma vie! C’est dire au monde: «Soyez fiers de qui vous êtes pis prenez garde à vous autres!» Le tintamarre le représente bien parce que ça veut dire: on fait du bruit pour dire qu’on est là.

Xavier Léger, Moncton: À quelle taverne qu’on débauche à soir?

Tout a commencé à Criss Rock à Moncton, c’était pas mal le premier endroit où on a joué. C’est toujours aussi anglophone qu’avant! C’est là qu’on va à soir!

Marc «Chops» Arsenault et Joseph

Edgar, Moncton: Comment est arrivée la rencontre avec Gérald Leblanc et à quel point ça été évident qu’il allait faire partie intégrante de votre oeuvre?

La première fois qu’on a vu Gérald, c’était dans une nuit de poésie à l’université. Ça s’appelait La nuit du 8 et c’est là qu’a a joué pour la première fois. On a joué quelques chansons d’Harmonium, des Beatles et Gérald nous a donné un texte. Donc, la première chanson de Gérald qu’on a jouée, ç’a été à la nuit de

poésie. Nous autres, on voulait faire notre propre musique, mais on savait qu’on n’était pas des écrivains. Gérald avait des textes dans lesquels on se retrouvait et on mettait de la musique dessus. On était juste chanceux. Après, ça été des échanges, on arrivait avec des idées musicales ou une expression qu’on voulait dire et Gérald écrivait les textes.

Mathieu Dominique Leblanc,

Rogersvill­e: Quels nouveaux artistes aimez-vous et êtes-vous inspirés par leur musique?

J’ai beaucoup d’admiration pour c’qui s’fait: Lisa Leblanc, les Hay Babies, Fayo, Joseph Edgar, Caroline Savoie. C’est sûr que j’ai un penchant pour ceux qui ajoutent une couleur d’ici. J’pense à Radio Radio qui a utilisé une musique qui a été développée dans les ghettos de New York: du hip-hop, du trash rap pis du gangsta rap. C’est pas quelque chose qu’un Acadien peut chanter, ça vient pas d’ici. Pis eux autres, y’ont réussi à l’adapter à ici avec des textes et la langue: les chansons ne parlent pas de monde qui s’tuent pis loin de ça, ça parle d’un monde joyeux, qui est cool. Moi, j’veux aller dans leur jacuzzi!

Serge Brideau, Tracadie: Pensez-vous que la musique peut encore déclencher des mouvements politiques de nos jours?

Je suis content que lui amène c’te question-là sur la table. J’aime beaucoup ce qu’ils (Les Hôtesses d’Hilaire) font. Y’a de gens qui sont choqués par eux-autres et c’est important de s’faire choquer de temps en temps. Ils nous choquent d’une belle façon qui nous fait réfléchir à tellement de choses. T’sé nous autres, on est venus dans une période où juste le geste de faire de la musique, de s’appeler 1755 et de pas prêcher la déportatio­n en transforma­nt ça en quelque chose de joyeux, c’était politique. C’était une façon pour nous autres de pouvoir prendre notre place.

Aujourd’hui, asteure que la place est faite, faut que les jeunes continuent à revendique­r et à dénoncer les injustices qui s’passent autour d’eux-autres.

Dans notre temps, certains voulaient nous battre pis nous tuer parce qu’on chantait en français. Aujourd’hui, on peut chanter en français, mais y’a d’autres choses à revendique­r. Je pense qu’il est temps pour une autre révolution, comme y’a eu dans les années 1970. Avec la mondialisa­tion, l’assimilati­on peut se faire facilement, sans même qu’on s’en rende compte, et on peut perdre des acquis. C’est juste de ne jamais oublier qui est-ce qu’on est, qu’est-ce qu’on a pu faire comme peuple et comment on peut continuer, en tant qu’artistes, en tant qu’individus, à brasser la cabane.

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La pochette du premier album de 1755, paru en 1978. - Archives
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 ??  ?? 1775 a marqué son 40e 15 août au Festival Acadie Rock de Moncton, mardi. – Gracieuset­é: Max-Antoine Guérin
1775 a marqué son 40e 15 août au Festival Acadie Rock de Moncton, mardi. – Gracieuset­é: Max-Antoine Guérin

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