Rivière Restigouche: le projet de parc linéaire refait surface
Proposé initialement il y a deux décennies, le projet de création d’un parc linéaire pour la rivière Restigouche est de nouveau sur la sellette.
L’idée de doter la rivière Restigouche d’un cadre législatif plus rigoureux, plus précisément de créer un parc linéaire, a fait sursauter plusieurs usagers lorsque le premier ministre Brian Gallant a évoqué cette possibilité tout dernièrement. Qu’à cela ne tienne, le projet n’est pas nouveau en soi.
Ancien opérateur touristique spécialisé dans la location de canots, André Arpin est l’un des premiers à avoir proposé, en 1995, la création d’un espace de conservation afin de protéger le bassin hydrographique de la Restigouche. S’il se réjouit de voir que l’idée semble vouloir se concrétiser deux décennies plus tard, il avoue que les choses ne vont pas encore assez vite à son goût.
«Ça aurait dû être fait il y a longtemps», exprime-t-il, espérant cette fois la classe politique ira jusqu’au bout.
«Lorsqu’on protège un habitat, on s’assure de sa pérennité. Dans le cas contraire, on risque de voir des dérapages. Et ça, je crois que nous en avons vu amplement sur nos cours d’eau et en bordure de ceux-ci au fil des dernières années», estime-t-il, se souvenant notamment avoir dû rappeler à l’ordre certaines forestières coupant trop près ou encore à l’intérieur des zones tampons prescrites.
Le dossier du parc linéaire a repris de la vigueur en 2010 lorsqu’il s’est retrouvé sur la planche à dessin du Conseil de gestion du bassin versant de la rivière Restigouche (CGBVRR). À l’époque, on ne parlait toutefois que de la portion frontalière avec le Québec, soit une quarantaine de kilomètres.
«Nous avons eu plusieurs demandes pour que les tributaires de la Restigouche fassent également partie du projet», explique le directeur de l’organisme, David LeBlanc.
Aujourd’hui, le projet à l’étude fait 235 km, soit du pont interprovincial de Matapédia aux tributaires des rivières Kedgwick et Upsalquitch. Une zone d’exclusion de 200 m pour toutes opérations forestières serait appliquée le long des cours d’eau visés.
«Depuis le dépôt de notre concept et de notre plan d’affaires (en 2015), on entendait peu parler du projet. Cela dit, les échos que nous recevions étaient qu’il faisait tranquillement son chemin au sein de l’appareil politique. Et là, il semble y avoir un réel intérêt pour qu’il voit enfin le jour. On est très content de ces développements, bien que l’on demeure réaliste. On est encore loin d’avoir eu le feu vert», prévient M. LeBlanc, notant qu’il faudra encore des études et des consultations avant de voir le parc devenir réalité.
Cette option (création d’un parc) a d’ailleurs été préférée à d’autres comme, par exemple, la mise en place d’une aire naturelle protégée, plus limitative en terme d’utilisation.
«Changer tout cela risque de prendre du temps. C’est très complexe puisqu’il faut modifier la loi sur les parcs. Le message que le gouvernement envoie aujourd’hui est toutefois important, il prend au sérieux la nécessité de mettre en place un concept afin de protéger la rivière, de diminuer les conflits entre usagers et d’améliorer les services dans un contexte de développement durable. En ce sens, on vient de franchir un pas immense», ajoute le directeur.
Selon David LeBlanc, le concept du parc s’est imposé de lui-même à la suite de la hausse du nombre des usagers sur la rivière, mais également – et surtout – à la suite de la hausse du nombre de mauvais comportements liés à cette augmentation de fréquentation.
«Les consultations publiques que nous avons menées à l’époque ont clairement démontré la nécessité d’accroître la présence d’une certaine forme d’autorité sur la rivière, question de mieux encadrer ce qui s’y passe. On veut également augmenter les services offerts et leur qualité afin d’améliorer l’offre touristique», indique-t-il.
Les problèmes les plus communs? Vitesse… Mauvais comportements… Pollution et destruction des sites de campings. Mais aussi des cas beaucoup plus sérieux liés à la préservation, comme le braconnage ou la récolte illégale de bois près des cours d’eau.
Selon M. LeBlanc, les gens qui critiquent la création éventuelle d’un tel parc comprennent mal la proposition et ses enjeux. D’autres font tout bonnement partie de la clientèle problématique.
«J’ai vu de nombreux commentaires positifs face au projet, mais aussi des négatifs. Et souvent, ceux qui parlent contre le projet de parc sont justement ceux qui ne veulent pas que la rivière soit surveillée», note-t-il.
Il persiste en affirmant qu’en aucun cas les utilisateurs respectueux ne devraient craindre la mise en place d’un parc.
«La base du projet n’est nullement de restreindre l’utilisation et l’accès à la rivière. Mais on doit être conscient qu’elle se désagrège et on est rendu à une étape où son modèle de gestion doit évoluer», mentionne-t-il.
Il va de soi qu’un nouveau parc impliquerait des coûts pour le gouvernement. L’une des composantes importantes du projet consistait justement à faire en sorte qu’il soit autosuffisant ou, à tout le moins, peu coûteux pour le gouvernement.
«Il faut comprendre qu’il y a des coûts pour entretenir une rivière. On doit simplement trouver un bon équilibre», dit M. LeBlanc, notant qu’une partie des fonds nécessaires seraient fournis par les usagers de la rivière, par exemple par le biais de permis de navigation.
«Le plan opérationnel n’est pas encore défini, mais on a un plan d’affaires qui propose différents tarifs. Le but ce n’est pas de faire de l’argent sur le dos des usagers ou de remplir les coffres de Fredericton. C’est plutôt d’offrir un service adéquat, de réinvestir localement afin d’améliorer la protection et la conservation de notre joyau et même de créer de l’emploi», exprime-t-il.