Philosopher dans la classe de Mme Sophie
Samuel: Manon, pourquoi faites-vous de la philosophie en 6e année alors que nous, en 4e, nous n’en faisons pas?
Manon: Parce que notre enseignante, Mme Sophie, a suivi une formation en Philosophie pour enfants. Elle a décidé de nous faire philosopher cette année.
Samuel: Papa souhaiterait que je sois dans la classe de Mme Sophie pour faire de la philosophie. Il dit que ça va m’aider à penser. Je ne comprends pas trop ce qu’il veut dire. Penser, c’est comme respirer. On n’a pas besoin d’un cours pour apprendre à respirer.
Manon: Je ne suis pas d’accord. Dans mon cours de flûte, Mme Christine nous montre des techniques de respiration. M. Derek, au gymnase, nous montre aussi des techniques de respiration lorsqu’on fait du yoga… C’est la même chose pour la pensée. On peut apprendre à mieux penser. Samuel: À l’aide de la philosophie? Manon: À l’aide de toutes les matières scolaires, mais la philosophie apporte une façon particulière de réfléchir. Samuel: Ah oui? C’est quoi la différence?
Manon: C’est une grande question. Mme Sophie nous a mentionné que beaucoup de philosophes ont essayé de définir ce qu’est la philosophie. Une fois, en classe, on est arrivé ensemble à la conclusion que c’était entre autres ça philosopher… chercher à comprendre le sens des idées et des mots qu’on utilise.
Samuel: Ha ha! Vous n’auriez pas pu simplement utiliser un dictionnaire?
Manon: Si tu veux des réponses, tu peux regarder dans le dictionnaire ou dans des encyclopédies. Mais quand on fait de la philosophie, c’est plutôt la recherche qui est importante.
Samuel: C’est comme quand maman dit que le voyage est aussi important que la destination? Manon: Exactement! Samuel: Donc, dans votre cours de philosophie,
vous jouez à inventer des définitions?
Manon: Pas vraiment. J’ai écrit une belle citation dans mon cahier. Je crois qu’elle va t’aider à comprendre. Mme Sophie nous a parlé du philosophe québécois Michel Sasseville qui pense que faire de la philosophie en classe, c’est participer à la création d’un monde commun, «habité par ceux et celles qui, vivant une expérience, peuvent comprendre ce qu’ils vivent. Comprenant ce qu’ils vivent, ils peuvent partager ce qu’ils comprennent. Et partageant ce qu’ils comprennent, peuvent s’entendre sur ce qu’ils partagent».
Samuel: Wow! C’est précisément ce qui me tracasse toujours! Comment est-ce que je peux être certain que ce que je comprends est la bonne façon de comprendre. Des fois, avec mon ami Mathieu, on a de longues discussions et on ne s’entend pas sur qui a raison et qui a tort.
Manon: Dans les années 1970, le philosophe américain Matthew Lipman (19222010) a pensé créer un programme de philosophie exprès pour les enfants. Il a pensé qu’il fallait mettre en place, en classe, une communauté de recherche philosophique où les enfants pourraient apprendre à penser par et pour eux-mêmes, tout en collaborant avec les autres.
Samuel: Génial! Comme ça, on peut savoir qui a raison…
Manon: Pas nécessairement. Une communauté de recherche, ce n’est pas un débat. C’est plutôt un dialogue, une délibération. Tu vois, le but n’est pas de convaincre, mais de tout simplement chercher la meilleure réponse ou la meilleure compréhension ou la meilleure question à se poser… en attendant d’en trouver une meilleure.
Samuel: Donc, on peut dire ce qu’on pense vraiment?
Manon: Si c’est fait avec respect, absolument. C’est la recherche de sens qui est importante. Il faut donc creuser à fond les idées qu’on a en nous.
Samuel: J’ai trop hâte de philosopher!