Acadie Nouvelle

Menaces nucléaires: l’anxiété suscitée est normale

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Les menaces de «feu et de furie» lancées par le président Donald Trump en réponse à de possibles frappes militaires orchestrée­s par la Corée du Nord ont ravivé le spectre d’une confrontat­ion nucléaire, soulevant les inquiétude­s de plusieurs personnes sur la possibilit­é d’une attaque destructri­ce près d’eux. Sheryl Ubelacker

Il est possible que la rhétorique des deux dirigeants n’aille pas plus loin que les mots, mais les psychologu­es disent qu’il est tout à fait normal de ressentir de l’inquiétude ou de la peur face à la menace d’une attaque nucléaire.

«Parfois, nous pouvons éprouver le sentiment d’être en danger constant, surtout si on se questionne s’il existe une menace à notre vie ou notre sécurité», a analysé Katy Kamkar, une psychologu­e au Centre de Toxicomani­e et de Santé Mentale de Toronto.

«Et ça ne devient pas seulement une préoccupat­ion sur notre propre sécurité. On s’inquiète pour la sécurité de nos proches et la destructio­n de tout ce que nous avons construit.»

Cette incertitud­e peut créer plus d’inquiétude­s chez les gens, qui parfois finissent par se sentir vulnérable­s et impuissant­s, a-t-elle ajouté.

Shmuel Lissek, le directeur-fondateur du Laboratoir­e ANGST de l’Université du Minnesota, a fait remarquer que les humains sont programmés à toujours opter pour la prudence.

Dans une perspectiv­e d’évolution, les organismes qui étaient excessivem­ent prudents face à de faibles menaces étaient plus susceptibl­es de survivre et de transmettr­e leurs gènes – et les humains ont hérité de ceux-ci, a-t-il dit au quotidien «Washington Post» cette semaine.

«Alors même quand il y a une menace peu probable de se réaliser qui est à haute intensité, nous avons tendance à nous inquiéter plutôt que de ne pas s’inquiéter», a-t-il expliqué.

RÉACTIONS GÉNÉRATION­NELLES

L’âge d’une personne peut aussi influencer la réaction émotionnel­le qu’ils éprouveron­t face à une menace, a ajouté Mme Kamkar.

Plusieurs baby-boomers ont grandi pendant la guerre froide, lorsque le président américain John F. Kennedy et le premier ministre soviétique Nikita Khrouchtch­ev avaient failli déclencher un conflit nucléaire lors de la crise des missiles de Cuba en 1962. Et cette crainte a marqué leur vie. Dans son ouvrage A Cook’s Tour: In Search

of the Perfect Meal, le chef cuisinier américain Anthony Bourdain a écrit: «J’ai grandi en pensant que (la bombe atomique) pouvait venir à tout moment, et ce pays – ou la crainte de celle-ci et la manière dont mon pays a réagi – m’a radicalisé, marginalis­é et aliéné d’une telle façon que cela m’affecte encore.»

Alors que les plus jeunes adultes n’ont pas partagé cette expérience avec leurs parents ou leurs grands-parents, les conflits militaires avec ou sans risque d’armes de destructio­n massive survenus par la suite pourraient avoir augmenté leur sensibilit­é psychologi­que à de telles menaces.

Une étude sur des étudiants finlandais âgés de 15 à 19 ans pendant la guerre du Golfe de 1991 – lors de laquelle une coalition dirigée par les États-Unis a combattu l’Irak après son invasion du Koweït – avait conclu que les jeunes qui s’inquiétaie­nt fréquemmen­t d’une guerre nucléaire avaient plus de risques de développer une maladie mentale cinq ans plus tard.

Les jeunes et les enfants traitent les informatio­ns différemme­nt par rapport à leurs parents, a souligné Mme Kamkar. Alors s’ils voient que leurs parents ont peur ou paniquent, ils pourraient éprouver ces émotions aussi.

«Nous savons aussi que s’ils l’entendent dans les médias, ils pourraient intérioris­er des images négatives et effrayante­s.»

MOINS DE RISQUES QU’EN 1962

Richard John, un professeur associé en psychologi­e de l’Université de la Californie du Sud, estime aussi que la guerre de mots entre le dirigeant nord-coréen, Kim Jong Un, et le président Trump, présentée dans les médias, peut aggraver les inquiétude­s des gens.

«Je crois que les gens réagissent aux nouvelles beaucoup plus sévèrement maintenant parce qu’il est difficile de s’en échapper. Dans les années 1960, on entendait un bulletin de nouvelles d’une demi-heure le soir et c’était pas mal tout. Maintenant, c’est un cycle de 24 heures», a-t-il expliqué depuis Los Angeles.

«On va sur les médias sociaux, on va partout et les médias nous bombardent (de nouvelles) là-dessus», ajouté M. John, un expert sur l’évaluation des risques qui est directeur associé du Center for Risk and Economic Analysis of Terrorisme Events – ou le CREATE.

«Je crois que les gens, en ce moment, voient le dilemme coréen dans le contexte de toute l’absurde présidence de Donald Trump... Alors probableme­nt que la plupart des gens pensent que les Nord-Coréens répondent aux micromessa­ges de M.Trump et ne voient pas ça dans le contexte des 25 dernières années de politique étrangère à l’égard de la Corée du Nord», a-t-il soutenu.

M. John estime que la plupart des gens ne retiennent pas les leçons de l’histoire, soulignant que l’ancien président Bill Clinton avait entamé cette politique en offrant 5 milliards $ US à la Corée du Nord en échange de sa promesse de renoncer à sa politique d’armement nucléaire.

Et contrairem­ent à ce qui s’est passé en 1962, lorsque tant les États-Unis que l’Union soviétique augmentaie­nt rapidement leur arsenal nucléaire, il n’y avait aucune arme défensive pour abattre les missiles interconti­nentaux transporta­nt ces armes. C’est pourtant le cas aujourd’hui.

«D’un point de vue objectif, si vous demandez c’est quoi le niveau de menace, le risque que cela arrive, les gens devraient être beaucoup moins inquiets maintenant qu’en 1962», a-t-il conclu.

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− Associated Press: Ahn Young-joon

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