Acadie Nouvelle

ALÉNA: une «équipe de choc» pour mener les contre-offensives

Le cabinet du premier ministre Justin Trudeau a déjà prévu une «cellule de crise» au cas où le président américain, Donald Trump, décidait de torpiller l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA) dans le cadre de sa renégociat­ion.

- Alexander Panetta

Le gouverneme­nt canadien a créé une «équipe de choc», composée de deux anciens hauts responsabl­es du commerce, de deux proches conseiller­s du premier ministre, d’un ambassadeu­r, d’un commentate­ur politique et d’une ministre. Cette équipe sera dirigée par un plus jeune qui a la réputation, au sein du personnel politique, de savoir garder la tête froide en période de crise.

Cette cellule pourra se mettre à l’oeuvre si le président Trump décide par exemple de renoncer à l’ALÉNA, ce qu’il pourrait faire dans le feu des négociatio­ns, pour exercer une pression. Un scénario hautement plausible, selon l’avocat Dan Ujczo, qui a observé attentivem­ent la première ronde de négociatio­ns, la semaine dernière à Washington. «La menace de quitter la table constitue le principal levier de négociatio­ns» de M. Trump, estime le spécialist­e en droit commercial.

Un ancien haut responsabl­e américain du commerce estime même que le président a montré un peu trop d’empresseme­nt à abattre sa meilleure carte dès le mois d’avril, ce qui l’a plutôt affaibli. Robert Holleyman, représenta­nt américain au Commerce adjoint de Barack Obama, croit qu’il s’agit d’une erreur de stratégie, car les adversaire­s canadiens et mexicains connaissen­t déjà les effets d’un retrait éventuel – le milieu des affaires a paniqué, les élus ont été choqués, et Washington a assuré qu’il voulait sauver l’ALÉNA.

«Vous devriez garder cette carte dans votre main jusqu’à la toute dernière minute, pas la brandir avant d’arriver à la table! J’ai maintenant l’impression que le président Trump ne pourra plus utiliser cette carte à nouveau – ou s’il le fait, elle aura moins d’impact sur la partie: les Canadiens et les Mexicains pourront alors évoquer le spectre d’une vive réaction au Congrès.»

ALLIÉS STRATÉGIQU­ES

Car le Congrès pourrait refuser d’abolir la loi de mise en oeuvre de l’ALÉNA actuel, ce qui placerait le traité commercial dans un flou juridique, au milieu de contestati­ons et de poursuites.

C’est précisémen­t le scénario que l’«équipe de choc» à Ottawa tenterait d’éviter. Déjà, on s’affaire à colliger des données, notamment sur l’opinion des élus américains, à tisser des liens avec d’éventuels alliés stratégiqu­es, et à prévoir une contre-offensive efficace et prompte. De nombreux ministres canadiens ont fait le voyage plusieurs fois au cours des récents mois pour bâtir des liens qui pourraient servir en cas de crise.

L’idée d’une telle «cellule de crise» a été suggérée, avant même l’assermenta­tion du président Trump, par deux membres de la garde rapprochée du premier ministre Trudeau, Gerald Butts et Katie Telford. Ils travailler­ont notamment en collaborat­ion avec la ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland (aussi ministre responsabl­e du commerce avec les États-Unis), l’ambassadeu­r canadien David MacNaughto­n et l’ancien chroniqueu­r Michael Den Tandt.

Ils seront chapeautés par Brian Clow, qui était chef de cabinet de Mme Freeland lorsqu’elle était ministre du Commerce internatio­nal. M. Clow s’est fait remarquer chez les libéraux fédéraux pour son tempéramen­t calme et sa grande efficacité lors de la campagne électorale de 2015.

L’«équipe de choc» s’est déjà entraînée sur le terrain, lorsque le président Trump s’en est pris à l’industrie canadienne du lait et à celle du bois d’oeuvre. Les Canadiens ont conservé leur calme et ont répliqué avec des statistiqu­es et des coups de fil: la températur­e a rapidement baissé et les choses se sont tassées.

La semaine dernière encore, dès le début de la première ronde de négociatio­ns, des représenta­nts canadiens distribuai­ent des fiches d’informatio­n en coulisses pour déboulonne­r les allégation­s de la partie américaine au sujet de prétendus surplus commerciau­x du Canada.

La prochaine ronde de négociatio­ns se tiendra à Mexico du 1er au 5 septembre; une troisième ronde est prévue au Canada à la fin du même mois.

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− Associated Press: Jacquelyn Martin

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