Acadie Nouvelle

L’anglais prend une trop grande place

- Alain Otis Dieppe

J’ai entendu à la radio (Format libre, 21 août) un mini-débat sur la place du français, alimenté par une chanson, en anglais, au spectacle du 15 août à Caraquet. Comment se fait-il qu’une chanson en anglais s’invite à la fête nationale de l’Acadie? Nos artistes acadiens produisent et se produisent beaucoup en anglais, il est vrai, mais viendra-t-il un moment où il y aura de la place pour l’anglais dans les fêtes du 15 août?

Pour moi, la question ne se pose même pas. La réponse est donc évidente. Non, pas d’anglais le 15 août. En fait, si j’étais méchant, je dirais que l’on devrait s’en passer le plus possible le reste de l’année, mais il faut quand même être réaliste. Après tout, on est au Nouveau-Brunswick, la seule province bilingue du Canada.

En fait, au lieu de se demander s’il est acceptable d’avoir des chansons en anglais aux spectacles du 15 août, il faudrait plutôt se demander, tout simplement, si on vit en français. Quand on vit en français, on parle français, on lit en français, on écrit en français, on s’instruit en français, on consomme des produits culturels en français, on s’informe auprès des médias en français. Pas uniquement, mais en très grande partie. Et on ne se demande pas s’il y a lieu d’entendre de l’anglais aux spectacles du 15 août.

La vérité, c’est que l’anglais a une grande place, trop grande. Le stade de l’ouverture à l’anglais est dépassé depuis longtemps, on en est maintenant à la cohabitati­on, et même plus. Si on consomme beaucoup d’anglais, si les sources d’informatio­n sont les médias de langue anglaise, ça ne gêne pas beaucoup d’entendre de l’anglais, même aux fêtes du 15 août. Il y aurait 50% d’anglais et ça ne gênerait sans doute pas.

Ce qui peut sembler anodin est en réalité une question très sérieuse. Selon moi, tout le monde doit comprendre que l’Acadie vit en français et se présente au monde en français, autrement, ce n’est pas l’Acadie. Ce qui fait la particular­ité de l’Acadie, ce qui la caractéris­e véritablem­ent, ça s’exprime en français. Si on l’exprime en anglais, on le fait «pour la visite», mais une grande partie de son sens est perdu.

À Caraquet, ça se passe en français. Au Nouveau-Brunswick, il y a deux collectivi­tés, dont une de langue française. Notre province et notre pays devraient comprendre qu’il ne faut pas passer à l’anglais pour se présenter à nous-mêmes, un 15 août!, ni aux autres qui partagent avec nous le territoire néo-brunswicko­is et canadien.

D’ailleurs, que nous vaut cette prétendue ouverture? Pas grand-chose. Voit-on du français aux grandes messes anglophone­s? Penserait-on à mettre des chansons en français à une fête des Loyalistes? Jamais. Même si, dans un instant d’égarement, on pensait à le faire, le poids d’une chanson en français à un spectacle d’anglophone­s, si inclusif soit-il, ne sera jamais le même que celui d’une chanson en anglais un 15 août.

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