Acadie Nouvelle

«JE SUIS UNE FEMME TRANS»

- pascal.raiche-nogue@acadienouv­elle.com @raichenogu­e

Joselyn O’Connor vivra un moment fort, samedi à Moncton, lorsqu’elle sera la maréchale de la parade annuelle de la Fierté LGBTQ+. À l’approche du grand jour, cette militante transsexue­lle nous raconte son coming out. Entrevue.

L’après-midi tire à sa fin dans un café achalandé du nord-ouest de Moncton. Les clients entrent et sortent à pleines portes.

Joselyn O’Connor nous attend dans le fond. Elle est vêtue d’un chandail mauve, de la même couleur que ses lunettes. Un casque de vélo et une pile de journaux sont sur sa table.

D’entrée de jeux, nous lui demandons comment elle se définit. La question est directe et très personnell­e, mais incontourn­able. Mieux vaut la poser en début d’entrevue que de se mettre le pied dans la bouche plus tard.

«Je suis une femme. C’est ça, à 100%. Ça adonne que je suis une femme trans. J’ai été assignée en tant qu’homme quand je suis née et ils se sont trompés. C’est OK», répond-elle.

Il y a quelques années, elle n’aurait pas du tout eu la même réponse. Elle portait un autre nom et se présentait au reste du monde comme un homme hétérosexu­el.

À l’époque, elle savait déjà que quelque chose clochait, mais elle ne pouvait mettre le doigt sur le problème. Plus le temps filait, moins bien elle se sentait dans sa peau et moins elle pouvait ignorer son malaise.

«J’étais totalement dissociée de moimême. Je me regardais dans le miroir et la personne qui me rendait le regard, ce n’était pas moi. C’était quelqu’un portant un costume de viande.»

Elle a fini par se donner la mission de découvrir qui elle était vraiment. Au terme d’une période d’introspect­ion, elle s’est dit qu’elle était probableme­nt transsexue­lle.

«Mon premier instinct a été de me dire que ça ne pouvait pas être le cas, que c’était une mauvaise chose. Ma connaissan­ce des personnes trans, d’après l’informatio­n que j’avais, c’était qu’elles étaient des vilaines, des perverses ou de mauvaises personnes, des gens chez Jerry Springer (l’animateur de télévision sensationn­aliste). Mais je n’étais rien de tout ça.»

Elle a donc poussé sa réflexion. Étaitelle homosexuel­le? Était-elle autre chose? Il y a trois ans, après s’être remise en question de fond en comble, elle est revenue à son hypothèse de départ.

Cela lui a fait le plus grand bien, raconte-t-elle. «Quand j’ai réalisé que j’étais trans, ça a été un énorme soulagemen­t.»

Après en être arrivé à cette conclusion, Joselyn O’Connor s’est donné une semaine pour franchir une autre étape; parler de son parcours à son épouse.

«J’étais très, très, très préoccupée. (...) Tous les jours que je ne le lui disais pas, je lui mentais.»

Elle s’est donné une semaine pour plonger. L’occasion s’est enfin présentée quelques jours plus tard alors qu’elles revenaient du chalet en voiture et qu’elles débattaien­t en rigolant de qui était la plus étrange. Soudaineme­nt, Joselyn est devenue plus sérieuse.

Au cours des semaines suivantes, elle a fait son coming out auprès de ses proches et de ses collègues. Aujourd’hui, elle s’estime chanceuse d’avoir pu compter sur l’aide de sa conjointe.

«Je lui ai demandé de le dire à nos amis. On avait le même cercle social. Dans notre cas, ça s’est bien bien passé.»

Tout ne s’est cependant pas passé comme sur des roulettes.

«Ça n’a pas été facile avec tout le monde. Il y a des membres de ma famille qui ont pris plus de temps à l’accepter. Et il y en a encore qui ont de la difficulté à utiliser le bon nom, le bon pronom. Ça fait très mal quand les gens se trompent.»

Depuis, Joselyn O’Connor fait son bout de chemin. Elle est en instance de divorce, mais assure que son coming out n’est pas à blâmer. Elle suit un traitement d’hormonothé­rapie et se prépare à subir une chirurgie de confirmati­on de genre.

Elle espère qu’elle pourra passer sous le bistouri bientôt.

«Évidemment, c’est une grosse opération et c’est un peu épeurant. Mais pour moi, c’est une chose de plus qui va m’aider à me sentir bien. Ça va m’aider à me regarder dans le miroir et à ne pas me dire “euh...c’est quoi ça?”»

En attendant, elle continue de militer au sein du groupe de soutien aux personnes trans UBU Atlantic et UBU Moncton ainsi que d’oeuvrer à parler de son expérience à l’ensemble de la population.

Samedi après-midi, ses efforts seront reconnus par la communauté LGBTQ+, alors qu’elle sera la maréchale de la parade annuelle de la Fierté dans les rues du centre-ville de Moncton.

Joselyn O’Connor voit cette responsabi­lité comme un grand honneur. Elle croit que cette visibilité donnée à une personne trans comme elle lancera un message d’espoir à tous ceux et celles qui vivent des moments difficiles qu’il est possible de s’en sortir.

La parade se mettra en branle à 13h30 au coin des rues Main et Foundry. Elle descendra ensuite la rue Main jusqu’à la Downing et prendra fin au parc Riverain.

«Je lui ai dit que je suis trans. Elle a bien réagi. Elle m’a posé des questions. Je lui ai montré les résultats de ma recherche. On est sorties et on est allées m’acheter de nouveaux vêtements. On est passé au travers ensemble.»

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 ??  ?? La maréchale de la parade de la fierté LGBTQ+ de Moncton, Joselyn O’Connor. - Acadie Nouvelle: Pascal Raiche-Nogue
La maréchale de la parade de la fierté LGBTQ+ de Moncton, Joselyn O’Connor. - Acadie Nouvelle: Pascal Raiche-Nogue
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