Acadie Nouvelle

UNE FEMME AUX COMMANDES

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La pêche au homard est un métier fortement dominé par les hommes: seulement 3% des capitaines dans le golfe du Saint-Laurent sont des femmes. L’Acadie Nouvelle a rencontré Debbie Thompson, l’une de ces femmes qui brillent hors des sentiers battus.

À l’âge d’à peine 7 ans, Debbie Thompson était déjà emballée à l’idée de devenir pêcheuse. Fille d’un directeur de salon funéraire dans les années 1960, elle s’est vite rendu compte que son projet était assez inhabituel.

«C’est quelque chose que j’ai toujours voulu faire. Mais quand tu as 6 ou 7 ans et tu dis que tu veux être pêcheuse, dans les années 1960, les réactions ne sont pas tellement enthousias­tes. On disait: “sois réaliste. Les filles ne font pas ça”.»

Elle a mis le rêve de côté pendant des décennies, jusqu’à la fin des années 1990. Alors mère seule de deux jeunes enfants, elle était à la recherche d’un emploi quand elle a décidé de tenter sa chance dans la pêche. Elle a commencé par pêcher la coque, ensuite l’anguille, puis enfin le homard. Dix-huit ans plus tard, elle est toujours capitaine de son propre bateau, le 13 Blue Lobsters.

Debout sur son bateau au quai de Richibucto avec un chapeau portant le slogan «Captain - Always right», Mme Thompson explique que le début de la carrière n’a pas été facile.

«Quand j’ai demandé un prêt à la banque, on m’a dit carrément: “non, tu es une femme”. Je leur ai répondu que le homard ne sait pas, lui, que je suis une femme. Le homard ne va pas voir mon casier et refuser d’entrer parce qu’il appartient à une femme. J’ai dû retourner à plusieurs reprises jusqu’à ce qu’ils se tannent de moi et qu’ils approuvent mon prêt.»

Les pêcheurs du quai de Richibucto ont été accueillan­ts envers Mme Thompson. Certains lui ont cependant admis, plus tard, qu’ils ne croyaient pas qu’elle allait réussir.

«Un d’eux m’a dit, il y a quelques années, qu’ils s’étaient rassemblés au début et disaient “elle ne durera pas la première année”. Mais je suis toujours là!», lance-t-elle en riant.

«J’ai toujours été très têtue, et je le suis encore. Dans certains aspects de la vie, ce n’est pas une bonne chose. Mais dans d’autres, ça peut mener à la réussite.»

Mme Thompson espère que plus de femmes obtiendron­t leur permis de pêche au cours des prochaines années. Elle croit qu’en ayant plus de femmes, la communicat­ion serait meilleure dans l’industrie.

«C’est la carrière la plus fortement dominée par les hommes au monde. Je ne sais pas pourquoi. Il y a beaucoup de femmes qui pêchent avec leur mari. Elles aident, elles sont dans le bateau. Mais peut-être qu’on leur a dit qu’elles n’étaient pas capables d’être capitaines et qu’elles l’ont cru.»

«Je pense qu’on en verra de plus en plus… mais j’ai dit la même chose il y a 18 ans. Elles doivent prendre la roue du gouvernail. Je pense qu’être un aide est plus difficile au niveau physique, tandis qu’il y a plus de stress quand on est capitaine. Il faut oser. Il faut prendre la roue.»

Mme Thompson a un fils âgé de 22 ans et une fille de 24 ans. S’ils n’ont pas l’intention de se lancer eux-mêmes dans la pêche, ils n’auront sans doute jamais peur de sortir des sentiers battus.

«Ma fille m’a dit que me voir aller toutes ces années l’a fait devenir une femme forte. Je lui ai donné l’exemple - au moins j’ai essayé.»

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Debbie Thompson est capitaine de bateau. - Acadie Nouvelle: Jean-Marc Doiron
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Jean-Marc Doiron jean-marc.doiron@acadienouv­elle.com @jmdoironAN

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