Acadie Nouvelle

Avant et après le défilé

À l’ère où la haine se propage plus facilement que jamais grâce aux médias sociaux, des fêtes comme celle de la fierté à Moncton sont toujours aussi pertinente­s.

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Le défilé de la Fierté LGBTQ+, appelé communémen­t «parade de la fierté gaie», est un incontourn­able à Moncton. L’événement aura lieu samedi et attirera encore une fois grand nombre de personnali­tés publiques et simples citoyens. Il est à la foi la preuve de l’évolution des mentalités dans notre province, mais aussi de l’importance de cette activité.

Le défilé de la fierté a quitté la marginalit­é pour devenir un événement «grand public» en pleine croissance. L’année dernière, les organisate­urs ont annoncé une nouvelle fois que des foules records se sont massées le long des rues pour assister au spectacle. Des personnali­tés publiques, dont le premier ministre Brian Gallant et la mairesse de Moncton Dawn Arnold, ont fait partie du défilé.

Il faut dire que l’activité est parfaite pour y passer un bon moment. On y voit des couleurs vives, des habits originaux, des décoration­s… bref, une ambiance de fête!

Chaque personne participe au défilé pour des raisons qui sont les siennes. Certains y font leur coming out. D’autres le font pour «la cause», pour accorder leur appui à la communauté ou simplement pour passer une belle journée avec des amis et alliés qui ne les jugeront pas.

Plus largement, le défilé est aussi un rappel de tout le chemin qui a été parcouru. L’époque où l’homosexual­ité était criminalis­ée au Canada nous semble dater du MoyenÂge, même si ce n’est pourtant qu’en 1969 que les changement­s ont été apportés au Code criminel.

Si on veut reculer moins loin dans le temps, souvenons-nous de cette journée d’été 2003 où Art Vautour s’est menotté dans un bureau de Service NB à Moncton dans le but de forcer le gouverneme­nt provincial à changer son nom pour celui de son mari, Wayne Toole, qu’il avait épousé à Ottawa.

Le mariage de même sexe était alors légal en Ontario, mais pas au NouveauBru­nswick. L’union de M. Vautour et de M. Toole n’était pas reconnue légalement dans notre province. Service NB avait donc refusé de modifier les pièces d’identité du plaignant (permis de conduire, carte d’assurance-maladie…) pour y inscrire son nom reconnu au fédéral: Arthur Vautour-Toole.

Dans une déclaratio­n qui ne le fait pas bien paraître aujourd’hui, le premier ministre Bernard Lord avait indiqué que son gouverneme­nt ne modifierai­t pas les dispositio­ns en place à moins que le fédéral ne l’y oblige en légiférant.

La Cour du Banc de la Reine a finalement forcé la main de la province avec un jugement légalisant le mariage de même sexe le 23 juin 2005. Les premiers certificat­s de mariage ont été livrés moins de deux semaines plus tard.

Ces combats nous semblent aujourd’hui bien lointains. Pourtant, la bataille pour l’acceptatio­n et la lutte contre la discrimina­tion ne sont malheureus­ement pas terminées.

Pour la première fois cette année, plusieurs communauté­s acadiennes ont imité Moncton en peinturant aux couleurs de l’arc-en-ciel une ou des traverses de piétons. Un geste simple, positif, qui embellit les municipali­tés et qui envoie en même temps un message de diversité, d’égalité et d’acceptatio­n.

L’objectif est aussi de tirer un trait sur l’époque où un jeune homosexuel vivant dans un village devait cacher son orientatio­n ou déménager dans une grande ville. «Si ç’avait été fait 25 ans passés, peut-être que mon fils serait encore à Rogersvill­e», a déclaré une maman à la mairesse de l’endroit.

Ces traverses multicolor­es étaient malheureus­ement de trop pour certaines personnes intolérant­es.

Des automobili­stes ont fait crisser leurs pneus à répétition sur celle de Rogersvill­e afin de la vandaliser. À Woodstock, de la peinture blanche a été versée sur le passage pour piétons. À Miramichi, les autorités ont déploré qu’une traverse ait été défigurée à plusieurs reprises. Et c’est sans compter les commentair­es désobligea­nts qui ont été écrits et partagés sur les réseaux sociaux.

Ces événements nous rappellent une triste réalité. Malgré tous les progrès accomplis, il n’est pas facile pour bien des gens d’être homosexuel en 2017.

Un défilé comme celui de Moncton, un festival comme celui qui a eu lieu plus tôt cet été à Caraquet ou des traverses de piétons multicolor­es ne font pas de miracles. Ils envoient toutefois un message d’ouverture.

À l’ère où la haine se propage plus facilement que jamais grâce aux médias sociaux, des fêtes comme celle qui a eu lieu cette semaine à Moncton et qui culminera samedi sont aussi pertinente­s aujourd’hui qu’elles ne l’étaient lors des premiers défilés à avoir eu lieu au pays, à la fin des années 1970.

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