Acadie Nouvelle

Le point sur le glyphosate

- MIKE LÉGÈRE Fredericto­n Directeur général de Forêt NB

On dit que la persévéran­ce est payante. Si le récent éditorial de François Gravel dans l’Acadie Nouvelle appuie un moratoire sur l’épandage d’herbicides à base de glyphosate est une indication, le groupe Stop Spraying New Brunswick a connu une année très productive.

Si un moratoire était sérieuseme­nt considéré, les résultats seraient beaucoup moins rentables pour des milliers de Néo-Brunswicko­is et des douzaines de communauté­s qui dépendent de la foresterie.

Dans son éditorial, M. Gravel, comme tant d’autres, a succombé à un mouvement populiste qui s’appuie sur les réactions émotives des gens touchés par des maladies sérieuses et qui cherchent une raison qui pourrait les aider à rationalis­er pourquoi ils (ou un être cher) sont affligés. La majorité peut comprendre ces émotions, y compris moi-même. Il est facile de comprendre qu’un produit chimique comme un herbicide largement utilisé puisse devenir une cible convenable et acceptable.

De plus, il est peut-être facile de choisir comme cible les activités de grandes entreprise­s forestière­s anonymes.

Mais l’industrie n’est pas anonyme et les entreprise­s forestière­s ne sont certaineme­nt pas toutes grandes.

Oui, Forêt NB est une associatio­n qui représente plusieurs entreprise­s, quelquesun­es sont de grandes corporatio­ns, mais d’autres sont de petites entreprise­s comme des scieries, ou encore des fabricants moyens de produits forestiers. Nos employés demeurent et travaillen­t dans plusieurs communauté­s à travers la province, y compris les forestiers profession­nels, les technicien­s, les ingénieurs et les biologiste­s. Ils prennent leurs obligation­s profession­nelles de la gestion de forêts durables au sérieux et ils adhèrent aux règlements sévères entourant l’utilisatio­n de produits comme les herbicides. Personne ne peut avoir un plus grand intérêt dans l’utilisatio­n de produits sécuritair­es; ils sont ceux qui sont dans les bois tous les jours.

Le glyphosate a été étudié de façon approfondi­e et son usage a été approuvé par l’Agence de réglementa­tion de la lutte antiparasi­taire de Santé Canada. Au Canada, ce produit est énormément utilisé en agricultur­e pour faire pousser les aliments que nous mangeons. Plusieurs d’entre nous l’utilisent pour contrôler les mauvaises herbes dans nos jardins. Et bien entendu, il est aussi utilisé en foresterie. Il est sécuritair­e, son usage est approuvé et ce n’est pas un mélange fait au hasard pour réaliser des marges de profits irresponsa­bles.

M. Gravel fait erreur sur un point – il n’y a pas un seul pays de l’OCDE (organisati­on représenta­nt plus de 40 pays des plus développés à travers le monde, incluant tous les États de la communauté européenne) qui a carrément banni l’usage du glyphosate.

Oui, il y a des usages restreints et les opposants ont vite fait de mentionner la Nouvelle-Écosse et le Québec comme exemples. Soyons clairs. Ces juridictio­ns ont limité en partie l’usage de l’herbicide sur les terres de la Couronne, mais le produit est largement utilisé sur les lots boisés privés, en agricultur­e et pour l’éliminatio­n de la végétation en bordure des routes et des lignes électrique­s. La Nouvelle-Écosse et le Québec ont tous les deux limité l’usage de l’herbicide en réponse aux pressions d’un groupe minoritair­e; ils en payent un lourd prix.

Selon le scientifiq­ue retraité du Service canadien des forêts, Doug Pitt, au Québec, les rendements de croissance des forêts sont deux fois et demie moins élevés au Québec qu’au Nouveau-Brunswick.

La Nouvelle-Écosse a étudié l’effet des herbicides sur la régénérati­on des terres boisées. Elle a observé que sur les terres qui n’avaient pas été arrosées, 80% des arbres plantés n’atteignaie­nt pas le standard exigé par la province.

Les forêts du Nouveau-Brunswick sont les plus productive­s au pays en partie grâce à l’utilisatio­n discipliné­e d’outils de gestion comme l’herbicide pour contrôler la végétation. En en croire ce qu’on raconte, toute la province subit un arrosage chaque année. En fait, seulement 0,3% des régions boisées du Nouveau-Brunswick sont soumises à un traitement d’herbicide durant une année donnée. C’est beaucoup moins que ce que les opposants veulent vous faire croire.

Le gouverneme­nt du Nouveau-Brunswick a démontré de la persévéran­ce en ne cédant pas à ceux qui ont maintenant un discours facile et qui utilisent la peur pour mobiliser leur entourage, pour faire face aux conséquenc­es plus tard.

En citant des preuves similaires à celles du groupe Stop Spraying New Brunswick, M. Gravel, en rapportant les faits, semble agir comme un gérant d’estrade. Il y a un fragment de bien-fondé, mais le discours s’est arrêté bien avant que l’informatio­n complète soit communiqué­e.

Par exemple: M. Gravel déclare que Nouveau-Brunswick est le deuxième plus grand utilisateu­r de glyphosate à des fins forestière­s au Canada, mais échoue à faire la distinctio­n entre la taille de nos forêts respective­s.

Quand vous considérez que le N.-B. a une base de terrains boisés représenta­nt le douzième de celle du Québec ou le neuvième de celle de l’Ontario, cela met l’évaluation de deuxième place dans toute autre perspectiv­e. Nous avons une base de terrains boisés relativeme­nt petite. Cela fait en sorte que nous devons nous débrouille­r, mais le résultat est que nous cultivons plus de bois par hectare que tous les autres provinces.

M. Gravel, veuillez noter que le Nouveau-Brunswick est la province dont l’économie dépend le plus de la foresterie au pays. Ce secteur représente 3,5% de son PIB, bien devant le Québec, où il représente 1,7%.

Il ne fait aucun doute que les activistes du groupe Stop Spraying New Brunswick sont des gens passionnés et que cette cause procure un sens du devoir à quelques-uns, mais le public doit prendre en considérat­ion les raisons d’être des législateu­rs, des scientifiq­ues, des agents de la santé, des forestiers profession­nels et des technicien­s, des biologiste­s et des ingénieurs et il doit faire la part entre la crédibilit­é des spécialist­es et un groupe d’activistes à temps partiel muni d’une pétition et d’un rapport sur internet utilisés comme preuves définitive­s des dangers causés par le glyphosate. Ce sujet est trop important pour que les gens du Nouveau-Brunswick, dont la croissance de leur communauté dépend de la foresterie, se contentent de moins.

Je suggère à M. Gravel et à ceux qui ont un intérêt sincère à ce sujet de consulter le site web www.forestinfo.ca et prendre connaissan­ce d’une présentati­on détaillée des principaux scientifiq­ues canadiens concernant les faits et les preuves de ce dossier.

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Seulement 0,3% des régions boisées du Nouveau-Brunswick sont soumises à un traitement d’herbicide par année. - Archives

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