Acadie Nouvelle

FRANÇOISE ENGUEHARD: LAISSONS NOS ENFANTS NE RIEN FAIRE

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C’ est déjà la rentrée des classes? Ça ne devrait pas me faire grand-chose parce qu’il y a longtemps que mes deux garçons ont fini l’école, mais je trouve qu’il y a quelque chose de triste à regarder tous les enfants monter courageuse­ment dans l’autobus, un sac à dos trop lourd sur les épaules et, dans certains cas, des sourires forcés qui ressemblen­t plutôt à des rictus d’appréhensi­on. Je n’étais pas une fanatique de l’école, vous l’aurez compris.

Fini l’insoucianc­e des jours de vacances, le droit à l’oisiveté, fini l’art de rêver éveillé, tout le monde est prié de rentrer dans le rang, enfants et parents confondus. C’est cela qui me pèse tant dans le mot «rentrée»: les portes qui se ferment, les devoirs qui reviennent, au propre comme au figuré, les obligation­s, les convention­s et les horaires.

J’exagère, vous me direz, et vous aurez raison sûrement. Bien des rentrées sont aussi synonymes d’épanouisse­ment, de découverte­s et de dépassemen­t de soi. Mais je me demande pourquoi, après la rentrée, on mesure le développem­ent et la réussite au nombre d’activités qu’on entreprend ou qu’on encourage nos enfants à entreprend­re? Pourquoi on met un tel poids sur leurs frêles épaules et pourquoi on peine tant à cultiver le rêve et l’ennui?

L’ennui, ce moment où l’enfant gémit «Maman, il n’y a rien à faire!» est, selon moi, un déclencheu­r essentiel de la formation identitair­e et de la créativité. Je parle d’expérience parce que je vous assure que dans les années soixante, à Saint-Pierre et Miquelon, il n’y avait pas grand-chose à faire, mis à part patiner en rond et sans fin à la patinoire, de novembre à avril.

Quand je gémissais de la sorte, ma mère, en bonne enseignant­e, répondait toujours: «Occupe-toi!». Vaste programme sans aucun doute, mais c’est dans ces moments lourds et interminab­les que j’ai nourri l’imaginatio­n qui me dévore depuis. C’est là aussi que j’ai pris conscience, littéralem­ent, du temps qui passe et de mes ressources intérieure­s. Et c’est plus important qu’on ne le croit dans le développem­ent d’une personnali­té et d’une vie.

Alors, même si on est «rentré» pourquoi ne pas prendre le temps, que ce soit à l’école ou à la maison, pour ne rien faire?

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