Sciences infirmières à l’U de M: les finissants délaissent l’examen en français
La majorité des finissants de l’Université de Moncton en sciences infirmières se tournent vers la version anglaise de l’examen d’admission à leur profession. Simon Delattre
Depuis 2015, les associations infirmières professionnelles au Canada ont mis en place un examen informatisé, le NCLEX, qui a remplacé le test sur papier utilisé depuis deux décennies.
Confrontés à un taux d’échec élevé, plusieurs étudiants avaient alors dénoncé la qualité de la traduction de cet examen mis au point par une entité américaine. Ils s’estimaient désavantagés.
Deux ans plus tard, les résultats sont toujours aussi désastreux pour les étudiants francophones.
Seulement 35% des finissantes en sciences infirmières de l’Université de Moncton ont réussi l’examen administré en juin et en juillet. De leur côté, les étudiantes de l’Université du Nouveau-Brunswick ont connu un taux de succès de 71%.
La réussite de cet examen est nécessaire pour devenir infirmière ou infirmier autorisé et pour travailler sans supervision.
Pierre Godbout, directeur de l’École de sciences infirmières, estime que ses étudiants sont toujours confrontés à plusieurs «injustices». Les logiciels et les manuels pour se préparer au test sont uniquement disponibles en anglais.
Ce manque de ressources en français pousse de plus en plus de candidats à tenter leur chance dans la langue de Shakespeare. Sur les 49 diplômés du campus de Moncton, seulement six ont choisi l’examen en français cette année, déplore M. Godbout.
«C’est assez inquiétant, commente-t-il. Les étudiants vont se demander “Pourquoi étudier en français si les ressources sont pour les anglophones de toute façon?”»
Comme la plupart de ses camarades de classe, Danika Schlosser, a estimé que concourir en anglais lui donnerait de meilleures chances. Elle fait partie du petit nombre de finissants à avoir réussi le test dès la première tentative, mais elle juge la situation problématique.
«On a étudié pendant quatre ans en français et, à la fin, on doit tout réapprendre en anglais, dit-elle. Moi, je connais les deux langues, mais mes collègues du Nord et les étudiantes internationales ont davantage de difficultés.»
Danika Schlosser craint que le faible taux de réussite ne décourage les jeunes à entreprendre une formation d’infirmier ou d’infirmière en français.
L’Association des infirmières et infirmiers du Nouveau-Brunswick est chargée d’approuver les programmes provinciaux de formation et de réglementer l’accès à la profession. Liette Clément, directrice du service de la pratique, reconnaît qu’il est difficile d’expliquer précisément pourquoi il existe un tel fossé entre les deux universités.
«On croit qu’il y a plus d’une raison pour expliquer cette différence et on continue d’essayer d’identifier les causes, dit-elle. Il n’y a aucune preuve qui nous démontre que la cause est l’examen en tant que tel, c’est multifactoriel.»
Dans le cadre de l’ancien examen, le taux de réussite variait de 15% à 20% entre les francophones et les anglophones. Cet écart s’est agrandi avec la mise en place du nouveau test informatisé.
Pour le moment, il n’est pas question de développer un autre examen que le NCLEX, administré dans toutes les provinces sauf le Québec qui a ses propres exigences. L’association laisse tout de même la porte ouverte à un test alternatif à l’avenir.
«Pour permettre la mobilité de nos infirmières, il faut que leur formation soit approuvée à travers le Canada, insiste Liette Clément. Le Nouveau-Brunswick veut s’assurer que les diplômés sont compétents et que les soins qu’ils prodiguent sont sécuritaires.»
L’association a travaillé avec le National Council of State Boards of Nursing, l’organisme qui conçoit l’examen afin de créer un guide préparatoire en français. Ce document sera en vente à partir de 2018.
Les trois campus de l’UdeM ont collaboré avec d’autres universités offrant un programme francophone pour créer des outils pour leurs étudiants.