Coupable, même si ses droits linguistiques ont été brimés par un policier de Bathurst
Bien que les tribunaux reconnaissent que les policiers sont tenus de proposer un service dans les deux langues officielles, cette obligation est un peu plus nuancée lorsqu’un accusé demande le rejet des procédures judiciaires sous prétexte que ses droits linguistiques ont été brimés. Béatrice Seymour
La Cour provinciale de Bathurst a déclaré, vendredi, un jeune homme coupable de conduite en état d’ébriété, même si l’agent qui a procédé à son arrestation a omis de lui faire une offre active.
L’incident remonte à une soirée de décembre 2015. La Force policière de Bathurst est avertie qu’un conducteur est ivre. Le gendarme Martin Doucet aperçoit le véhicule dans un stationnement commercial.
Il cogne sur la fenêtre du conducteur qui dort, Anthony Zoël Gautreau, mais n’obtient pas de réponse. Il ouvre la portière en disant en français «Police. C’est la police», sans toutefois provoquer de réaction.
Sentant une odeur d’alcool, le policier appréhende l’accusé en lui déclarant qu’il est en «état d’arrestation pour
pour avoir conduit, pas conduit, mais être en possession d’un véhicule avec les facultés affaiblies».
Dans l’auto-patrouille, il lui lit ses droits en lui posant auparavant la question «Tu veux ça en français?» M. Gautreau signifie que oui et tous leurs échanges se déroulent dans la langue de Molière.
Lors du procès, l’avocat de l’accusé a demandé l’arrêt des procédures ou l’exclusion de la preuve du fait que le policier n’avait pas demandé à l’accusé s’il voulait se faire servir en anglais ou en français quand il a entamé la première discussion.
En rendant son verdict, le juge Ronald LeBlanc a concédé que les exigences de la Loi sur les langues officielles n’avaient pas été respectées. Il a cependant statué que même si «l’agent a agi de façon négligente et insouciante», que ce n’était pas de «mauvaise foi».
Il note que l’accusé n’a pas subi un préjudice parce que le policier a choisi de lui parler en français, puisqu’il comprenait les directives.
«Il ne s’agit pas d’une conduite répréhensible qui risque de continuer à l’avenir ou d’une situation où la poursuite des procédures choquera le sens de la justice. (…) Un arrêt des procédures constitue une forme de réparation drastique, qui est réservée aux cas les plus graves ou les plus manifestes. (…) Le simple fait que l’État se soit mal conduit à l’égard de M. Gautreau ne suffit pas, en soi, à justifier une suspension des procédures», écrit le magistrat dans sa décision de 27 pages.
De plus, le juge fait valoir que les éléments de preuve obtenus ne sont pas reliés au non-respect des obligations linguistiques du service de police. En fait, c’est un témoin qui a dénoncé l’ivresse au volant de l’accusé et l’agent a pu constater par lui-même l’état de celui qui semblait fortement intoxiqué.
«L’offre active fait partie des obligations importantes dans notre société, une qui a opté pour le bilinguisme institutionnel. Le gendarme Doucet était au courant de cette obligation et dans sa pratique habituelle faisait l’offre. Il a utilisé la langue française pour tenter de réveiller l’individu qui dormait au volant et a tout simplement continué à utiliser cette langue durant leurs discussions. Il s’agit d’un bris important, mais, compte tenu de tous les facteurs, l’évaluation du système de justice dans son ensemble, à long terme, serait touchée défavorablement par l’exclusion des éléments de preuve», soutient le juge LeBlanc.
Parce que son droit linguistique n’avait pas été entièrement respecté, le magistrat a infligé à M. Gautreau l’amende minimale, soit 1000$, en plus d’une sanction compensatoire de 300$. Il a également écopé d’une suspension de permis d’un an.