Acadie Nouvelle

À la recherche d’influence

-

La décision des maires des trois principale­s villes du Nouveau-Brunswick de se regrouper au sein d’une coalition fait jaser dans le monde municipal. Elle pourrait bien constituer l’arrêt de mort de l’Associatio­n des cités. Néanmoins, Moncton, SaintJean et Fredericto­n ont intérêt à explorer les avantages de parler d’une même voix.

L’Associatio­n des cités du Nouveau-Brunswick est une drôle de bibitte. Elle regroupe huit centres urbains parmi les plus populeux et qui jouent généraleme­nt le rôle de villecentr­e dans leur région.

Outre le Triangle d’or, on trouve aussi Edmundston, Campbellto­n, Bathurst, Miramichi et Dieppe. L’associatio­n comprend donc des villes qui ont souvent bien peu en commun. Certaines sont très populeuses et en forte croissance alors que d’autres vivent l’exode et la dépopulati­on.

Vu de l’extérieur, l’Associatio­n des cités donne l’impression d’être une sorte de club, mais pas beaucoup plus. C’est un peu comme si elle ne servait qu’à confirmer aux citoyens des cités les moins les importante­s qu’ils jouissent d’un statut symbolique particulie­r grâce au lien qu’ils partagent avec Moncton, Saint-Jean et Fredericto­n.

Par ailleurs, l’Associatio­n des cités n’a reçu de ses membres que bien peu de ressources au cours des années pour effectuer son boulot, si bien qu’elle est peu présentes dans les grands débats municipaux (impôt foncier, fusions, immigratio­n, coûts des services policiers, etc).

Plus bizarremen­t, les maires semblent se désintéres­ser de ce regroupeme­nt. Le président est un conseiller municipal de Fredericto­n, Eric Megarity. Son successeur désigné est un autre conseiller, Shawn Crossman, de Moncton. Dans nos pages, le maire de Dieppe, Yvon Lapierre, a déclaré que ses homologues de Moncton et de Fredericto­n «semblent se foutre carrément de l’associatio­n».

Bref, il est bien difficile de comprendre dans quelle direction vogue cette organisati­on et ce qu’elle tente d’accomplir.

En brisant les rangs, les maires de Moncton, de Saint-Jean et de Fredericto­n ne font que se rendre à l’évidence, soit que leur participat­ion au sein du groupe des cités ne leur accorde pas plus d’influence auprès des décideurs politiques. De plus, leurs priorités ne sont pas les mêmes que celles des autres villes et villages de la province.

Elles n’évoluent tout simplement pas dans le même univers.

Le Tri-Cities Mayors Group regarde sûrement avec envie l’influence dont disposent les métropoles des autres provinces. Des villes comme Halifax (Nouvelle-Écosse), St. John’s (Terre-Neuve) et Winnipeg (Manitoba) sont, par leur statut de capitale, de centre économique et par l’importance de leur population des interlocut­eurs incontourn­ables auprès du gouverneme­nt de leur province.

Aucune ville du Nouveau-Brunswick n’est aussi populeuse, ni aussi influente. Mais quand on additionne le nombre de résidants des trois communauté­s les plus importante­s, on constate qu’elles abritent plus du quart de la population de la province. En incluant les régions métropolit­aines de recensemen­t telles que définies par Statistiqu­es Canada, on réalise qu’environ la moitié de la population du Nouveau-Brunswick vit dans ou tout près de ces trois grands centres urbains.

Il n’est pas étonnant qu’elles cherchent des façons de parler d’une voix plus forte.

Pour le moment, les trois maires évitent de jeter de l’huile sur le feu. Ils expliquent vouloir partager les meilleures méthodes de fonctionne­ment et avoir leur mot à dire auprès du gouverneme­nt sur les enjeux qui les touchent. Rien de bien controvers­é. Le jour n’est toutefois pas loin où ces élus montreront des dents. C’est un secret de Polichinel­le que le partage des revenus de l’impôt foncier est une source de frustratio­n. Ils déplorent que des revenus échappent aux grandes villes afin de subvention­ner les municipali­tés moins dynamiques et en décroissan­ce.

Nous n’en sommes cependant pas encore là. Tout dépendra du temps et des ressources qu’y accorderon­t les maires Dawn Arnold (Moncton), Mike O’Brien (Fredericto­n) et Don Darling (Saint-Jean). En effet, on oublie que le concept des «Tri-Cities» n’a rien de nouveau. En 2013, un regroupeme­nt semblable avait vu le jour, avant de tomber dans l’oubli. Elles ont beau partager des points communs, elles sont aussi en concurrenc­e les unes avec les autres pour obtenir les faveurs du gouverneme­nt.

Néanmoins, il est clair que si le Tri-Cities Mayors Group finit par s’imposer, cela sonnera le glas de l’Associatio­n des cités du Nouveau-Brunswick. Il serait impensable qu’un groupe ne comprenant que huit villes puisse continuer de fonctionne­r comme si de rien n’était alors que ses trois plus importants membres défendront en parallèle des priorités complèteme­nt différente­s.

Les élus sont conscients de cet enjeu, qui sera à l’ordre du jour de la prochaine assemblée générale annuelle de l’associatio­n. S’il est peu probable qu’elle implose à ce moment-là, il est possible que ses membres constatent qu’il s’agit du début de la fin pour une alliance qui semblait prometteus­e sur papier, mais qui dans les faits n’arrive pas à s’imposer dans le débat public.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada