Acadie Nouvelle

À qui appartiend­ront les artéfacts?

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Un minuscule point fuchsia tangue à la surface de l’océan Arctique. Une bouée qui marque des coordonnée­s GPS bien précises, uniquement connues de quelques chercheurs et d’une poignée de chasseurs locaux qui gardent jalousemen­t le site. Mais tout cela est sur le point de changer. La Presse canadienne

Ce point GPS marque l’endroit précis où, 10 mètres plus bas, gît le navire de sir John Franklin appelé l’Erebus.

Le calme et la sérénité qui enveloppen­t le lieu s’évaporeron­t d’ici peu alors qu’il deviendra le théâtre de l’une des fouilles archéologi­ques les plus importante­s et les plus complexes de l’histoire canadienne.

Six archéologu­es ont déjà établi leur campement sur une plage située à proximité de l’épave, repérée en 2014 dans le golfe de la Reine-Maud, au Nunavut.

Mais d’ici un an, un navire de recherche s’amarrera à cet endroit avec à ses côtés une barge munie d’équipement­s de pointe.

Des dragues aspireront les sédiments qui se trouvent sur la structure de l’épave pour que des plongeurs puissent remonter à la surface tout objet qu’ils y trouveront. Une grue hydrauliqu­e permettra de soulever les artefacts les plus lourds.

«Je n’ai jamais vu un cas où une épave a tant à révéler sur son histoire», s’enthousias­me Marc-André Bernier, qui est à la tête de l’équipe d’archéologi­e subaquatiq­ue de Parcs Canada.

L’Erebus et son navire jumeau, le Terror - dont l’épave a été repérée l’an dernier près de l’île du Roi-Guillaume - ont quitté le Royaume-Uni en 1845 avec 129 hommes à leur bord pour tenter de dénicher le passage du Nord-Ouest.

Un message trouvé en 1859 par un navire de recherche a révélé que les deux navires sont restés coincés dans les glaces à la fin de l’année 1846 pour une période d’environ 18 mois. En avril 1848, 105 survivants ont décidé de quitter les deux bateaux à pied. Aucun n’a survécu.

En 2008, Parcs Canada s’est joint aux recherches.

«Le niveau de préservati­on est étonnant», indique Charles Dagneau, un des archéologu­es. «Généraleme­nt, les épaves sont effondrées, éventrées et couvertes de sédiments. On est ici en présence d’une structure en trois dimensions qui est si bien préservée que l’on peut encore apercevoir des meubles qui sont restés en place.» Un total de 64 artefacts de l’expédition Franklin ont déjà été trouvés. Les noms des membres de l’équipage de l’Erebus sont connus et des traces d’ADN permettent parfois de lier les objets trouvés à leur propriétai­re. La plupart des artefacts sont exposés au Musée national de la Marine à Londres, au Royaume-Uni. Leur emplacemen­t ultime fait toujours l’objet d’une dispute. Puisque l’Erebus était un navire de guerre, il demeure la propriété de la Marine royale, tout comme son contenu. Le Royaume-Uni a toutefois octroyé au Canada «les soins et la garde» de l’épave. Le Nunavut revendique, quant à lui, la propriété des sites archéologi­ques se trouvant sur son territoire. L’enjeu est actuelleme­nt débattu au sein du comité consultati­f intérimair­e sur Franklin, auquel siègent des représenta­nts d’Ottawa, du Nunavut et des communauté­s avoisinant­es. Le site est actuelleme­nt surveillé par quatre gardiens inuits. La Gendarmeri­e royale du Canada, la Garde côtière canadienne et Transports Canada gardent également un oeil sur l’épave, tout comme la Défense nationale par l’intermédia­ire d’une surveillan­ce par satellites. «La possibilit­é qu’un navire fasse son chemin jusqu’à cette zone sans être remarqué est mince», mentionne Daniel Watson. - La Presse canadienne

Le gouvernail est toujours là. Les latrines sont au même endroit. La cuisine est encore en place, avec un four. Tout comme le moteur à vapeur.

L’Erebus avait pris le large avec, à son bord, une bibliothèq­ue de 3000 livres, de l’équipement pour imprimer un journal et un daguerréot­ype, l’ancêtre de l’appareilph­oto, qui révélera peut-être quelques clichés de l’expédition.

De la glace a fracassé le pont qui se situe au-dessus de la cabine de sir Franklin, mais son contenu pourrait être intact.

«On espère y trouver beaucoup de choses - des artefacts personnels (...), mais aussi des dossiers, des documents qui pourraient expliquer pourquoi ils ont abandonné les navires et où ils les ont abandonnés», explique Charles Dagneau.

Les artefacts qui seront remontés à la surface permettron­t également d’en connaître davantage sur les interactio­ns que les marins ont eues avec les Inuits. Un certain nombre d’objets, trouvés dans un même endroit, laisse croire que des chasseurs ont pigé dans le contenu de l’Erebus avant qu’il ne coule.

La localisati­on de l’épave - bien plus au sud que ce qui était estimé - a déjà soulevé des questions quant à savoir si le navire a été déplacé avant qu’il ne soit abandonné.

«La prochaine étape est de faire de l’excavation ciblée, ce qui représente la partie la plus excitante pour un archéologu­e», souligne Ryan Harris, le gestionnai­re du projet.

Après avoir passé plus de 170 ans sous la glace, la science et l’histoire inuite sont ainsi sur le point de faire ressurgir les secrets de l’Erebus qui ont inspiré tant d’écrivains et d’artistes.

Depuis, une trentaine d’expédition­s ont tenté d’éclaircir le mystère de l’expédition Franklin et sont revenues avec quelques artefacts et plusieurs récits de cannibalis­me sous le bras.

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