Droits métis: les avocats d’Ottawa réfutent les arguments de Jackie Vautour
Le gouvernement fédéral monte encore une fois aux barricades face à Jackie Vautour, cette fois devant la Cour suprême du Canada. Ottawa maintient que l’homme âgé de 88 ans n’a pas démontré qu’une communauté métisse a existé à Kouchibouguac.
Dans sa demande d’autorisation en appel, Jackie Vautour avance que ses échecs devant les tribunaux inférieurs sont dus aux critères trop restrictifs de l’examen utilisé au Canada pour trancher les questions de droits métis.
L’avocate du gouvernement fédéral, Carole Sheppard, rétorque que M. Vautour a tort de croire que l’examen, nommé le test Powley, est la raison de sa mauvaise fortune.
«Plutôt, c’est une réflexion de l’absence de preuves supportant l’existence d’un droit métis», affirme-t-elle dans sa réponse de l’intimée, déposé devant la Cour suprême, le 7 septembre.
Afin d’établir ses droits métis, M. Vautour doit prouver - entre autres - qu’il existait une communauté métisse à Kouchibouguac avant le contrôle effectif des Européens, en 1670.
Son avocat, Michael Swinwood, affirme que la tâche est compliquée par le Grand Dérangement de 1755. Selon lui, l’événement a créé une ambiance dans laquelle les individus craignaient de s’afficher comme Métis. Il allègue que le test Powley n’accorde pas à cette dynamique historique sa juste valeur. Me Sheppard répond que la déportation des Acadiens n’est «pas pertinente à l’analyse», puisqu’elle a eu lieu 85 ans après la date de «cristallisation» de la présumée communauté métisse.
«Il y a eu une période de 100 à 150 ans entre le premier contact (de Jacques Cartier en 1534) et le début du contrôle effectif (1670) afin qu’une culture métisse distincte se développe à Kouchibouguac et dans la région du Nouveau-Brunswick; cela n’a jamais eu lieu.»
Me Swinwood croit que Me Sheppard n’a pas compris le fond de son argumentation.
«L’idée que le Grand Dérangement n’a pas d’impact sur la question… c’est incroyable», a-t-il affirmé à l’Acadie Nouvelle en entrevue téléphonique, laissant entendre qu’un tel phénomène aurait pu mener à la destruction de preuves potentielles.
L’avocat de Jackie Vautour allègue que la problématique du test Powley ne touche pas uniquement son client. Il estime qu’il y a un nombre disproportionné de refus des revendications métisses à travers le pays, phénomène qu’il nomme «crise Powley».
Me Sheppard avance pour sa part qu’«il n’y a pas de crise Powley» au Canada. Elle affirme que Me Swinwood n’a pas offert de preuve suffisante pour démontrer le contraire.
Dans un document déposé devant la Cour suprême, elle braque les projecteurs sur des causes dans lesquelles les juges ont été flexibles dans leur application du test Powley.
Elle décrit, entre autres, le cas de Ron Laviolette, de la Saskatchewan, un homme arrêté pour avoir pêché illégalement.
L’homme a contesté la décision devant la Cour provinciale de la Saskatchewan. Il a eu gain de cause après que le juge ait accepté un témoignage d’expert selon lequel les Métis ont un sens de communauté qui transcende les distances géographiques.
Le dossier de Jackie Vautour remonte à 1999, quand il a été trouvé coupable de pêche illégale de myes à Kouchibouguac. La Cour provinciale, la Cour du Banc de la Reine et la Cour d’appel du NouveauBrunswick ont toutes tranché contre l’homme de Kouchibouguac.
L’avocat de M. Vautour prépare une réplique à la réponse de Me Sheppard. La Cour suprême du Canada décidera dans les mois suivants si elle accepte d’entendre l’appel.