Acadie Nouvelle

Un comité des Communes amorce ses travaux sur l’islamophob­ie au Canada

- Stephanie Levitz

La deuxième phase du débat controvers­é sur la lutte contre l'islamophob­ie au Canada s'amorce cette semaine aux Communes.

Le comité permanent du patrimoine canadien entame lundi en après-midi ses travaux sur «les formes de racisme et de discrimina­tion religieuse systémique­s» au Canada, qui fait suite à une motion contre l'islamophob­ie adoptée le printemps dernier aux Communes.

Le débat entourant la motion avait provoqué des affronteme­nts entre la gauche et la droite au Parlement et ailleurs au pays. La députée libérale torontoise d'origine pakistanai­se Iqra Khalid, qui avait déposé la motion, a reçu des milliers de messages haineux et même des menaces de mort.

Sa collègue Hedy Fry, qui préside le comité parlementa­ire, soutient par contre que tous les partis ont collaboré afin de dresser la liste des témoins, et que les députés sont prêts à écouter et à apprendre. «Je ne crois pas qu'on assistera à des scènes disgracieu­ses», a estimé Mme Fry.

Ce dossier sera l'un des premiers à retenir l'attention des députés après un été marqué par de violentes tensions, en Virginie, entre nationalis­tes blancs et opposants, qui a fait une morte et une vingtaine de blessés à Charlottes­ville, et une manifestat­ion à Québec pour empêcher un défilé du groupe La Meute, proche de l'extrême droite. «Cela prouve que notre travail est pertinent», a estimé la députée Fry.

La motion, connue sous le nom de «M-103», est issue d'une pétition qui avait circulé à l'été 2016 demandant à la Chambre des communes de se joindre aux signataire­s en reconnaiss­ant que «les individus extrémiste­s ne représente­nt pas la religion de l'islam, et en condamnant toutes les formes d'islamophob­ie». Aux Communes, 201 députés avaient appuyé la motion, alors que 91 s'y étaient opposés. Tous les députés libéraux et néo-démocrates l'avaient appuyée, alors que les bloquistes et conservate­urs, à l'exception de deux députés, avaient voté contre. Les opposants estimaient surtout que la motion était trop vague et qu'elle pouvait enfreindre la liberté d'expression.

«HAINE ET PEUR»

Plus de 70 000 personnes avaient signé la pétition lorsque le chef du Nouveau Parti démocratiq­ue, Thomas Mulcair, a déposé sa propre motion demandant à la Chambre des communes de l'appuyer. Quelques conservate­urs s'étaient opposés et sa première tentative avait échoué. Mais quelques semaines plus tard, sa motion a été adoptée, attirant peu d'attention.

Puis, le 1er décembre, la députée libérale Iqra Khalid a déposé sa propre motion, qui demandait à la Chambre des communes de condamner l'islamophob­ie et «toutes les formes de racisme et de discrimina­tion religieuse systémique­s». Mme Khalid parlait alors d'un «climat croissant de haine et de peur au sein de la population». Elle demandait aussi qu'un comité des Communes entreprenn­e une étude sur la façon dont le gouverneme­nt pourrait éliminer ce problème et recueille des données sur les crimes haineux.

La pétition a été déposée aux Communes deux jours plus tard; le gouverneme­nt libéral avait répondu en condamnant l'islamophob­ie le 30 janvier, au lendemain de l'attentat contre la mosquée de Québec, qui a fait six morts et plusieurs blessés. La résolution, jusqu'ici passée plutôt inaperçue, prenait alors une importance nouvelle.

Deux semaines plus tard, la ministre du Patrimoine, Mélanie Joly, a annoncé que la motion avait l'appui entier du gouverneme­nt libéral. Les conservate­urs ont tenté sans succès d'élargir la motion en proposant de retirer le terme «islamophob­ie», afin que l'initiative s'applique à toutes les religions. C'est là que le terme «islamophob­ie» est devenu controvers­é.

Tarek Fatah, fondateur du Congrès musulman canadien, viendra d'ailleurs dire au comité cette semaine que le libellé de la motion est trop vague. Il craint par ailleurs que cette résolution empêche toute critique du fondamenta­lisme musulman.

Le nouveau chef du Parti conservate­ur du Canada, Andrew Scheer, avait voté contre la résolution, notamment pour des motifs de liberté d'expression.

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– La Presse canadienne: Patrick Doyle La députée Iqra Khalid était accompagné­e de la ministre du Patrimoine Mélanie Joly (à gauche), lors d’un point de presse au sujet d’une motion sur l’islamophob­ie, au printemps.

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