Cannabis récréatif: «Je suis en état de choc que ce modèle a été adopté»
Le PDG d’une chaîne néo-brunswickoise de dispensaires de cannabis illégaux critique vertement la voie empruntée par Fredericton dans le dossier du pot récréatif. Il n’exclut d’ailleurs pas la possibilité de se lancer dans ce nouveau marché à compter du 1er juillet 2018.
Le gouvernement provincial a récemment annoncé quelques détails du modèle néo-brunswickois la semaine dernière, à l’approche de la légalisation du cannabis récréatif prévue le 1er juillet prochain.
En gros, les libéraux ont décidé de confier la supervision de la vente de pot récréatif à une nouvelle société de la Couronne. Ils ont aussi conclu une entente avec deux producteurs, qui lui fourniront 9000 kilogrammes de cannabis par année.
La société de la Couronne, dont on ignore le nom pour l’instant, ne sera pas chargée de la vente aux consommateurs. Elle s’entendra plutôt avec une ou plusieurs entités, à qui reviendra la responsabilité de gérer la vente.
Le PDG de HBB Medical Inc., Hank Merchant, n’en croit tout simplement pas ses yeux. Cet entrepreneur, qui opère quatre dispensaires de cannabis nonautorisés en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick (voir l’encadré plus bas) croit que Fredericton fait fausse route.
«Je suis en état de choc que ce modèle a été adopté. Personne d’autre dans le monde n’utilise une société de la Couronne. Pourquoi, au Canada, pensons-nous même à une société de la Couronne?», se demande-t-il en entrevue téléphonique avec l’Acadie Nouvelle.
En ce moment, on ne sait toujours pas qui vendra le cannabis récréatif au Nouveau-Brunswick. Le gouvernement provincial pourrait imiter l’Ontario et opter pour la vente dans des dispensaires gérés par Alcool NB. Il pourrait aussi arrêter son choix sur un modèle hybride publicprivé ou complètement privé.
Lorsqu’on demande à Hank Merchant quel modèle il préfère, il répond que l’on devrait simplement imiter les quelques États américains, comme le Colorado, où le cannabis récréatif est vendu dans des commerces privés ayant obtenu un permis du gouvernement.
Mais peut-on vraiment comparer les provinces canadiennes aux États américains, vu qu’ils n’encadrent pas du tout les substances contrôlées de la même manière?
Par exemple, au Canada, les gouvernements ont tendance à jouer un rôle bien plus important dans la vente et la distribution d’alcool qu’aux États-Unis.
Selon Hank Merchant, il ne faut pas comparer des pommes et des oranges. Dans le cas de l’alcool, les sociétés de la Couronne ont souvent le monopole, mais cela ne sera pas le cas pour le cannabis récréatif, dit-il.
«Combien de compétition les sociétés des alcools ont-elles? Rien. Nada. Combien de compétition auront-elles avec ceci (le cannabis récréatif )? Énormément. Ils (les gouvernements provinciaux du Canada) ne savent pas ce qui les attend», dit-il.
Cette concurrence dont il parle est le marché noir. Selon lui, il ne reculera pas autant que prévu si le cannabis n’est vendu que dans des commerces gérés par le gouvernement.
«Le marché noir va être mort de rire.»
Si Fredericton décide d’imiter l’Ontario et de bouder le secteur privé, on peut se demander si les dispensaires qui défient les autorités à l’heure actuelle se lanceront eux aussi dans la vente libre de cannabis récréatif.
Lorsqu’on demande à Hank Merchant si cela est dans les cartes pour HBB Medical Inc, il ne ferme pas complètement la porte.
«On va devoir voir en temps et lieu. (...) Si on vend du cannabis récréatif, on construira de nouveaux magasins. Ce ne sera pas dans les mêmes magasins», dit-il.
Selon lui, les milliers de clients de son entreprise n’ont pas du tout le goût d’acheter leur cannabis dans un environnement qui ressemble à celui d’une succursale d’Alcool NB.
Ils veulent se procurer leur drogue à des fins médicinales et ne souhaitent pas côtoyer des gens qui souhaitent simplement fumer des joints pour le plaisir, affirme-t-il.
«Au final, ils veulent faire profil bas. (...) Ils ont des troubles physiques et mentaux. Ils ont des problèmes qui doivent être mitigés. Et c’est pourquoi ils viennent nous voir.»
SAUT DANS LE MARCHÉ RÉCRÉATIF: «ON VA VOIR EN TEMPS ET LIEU»