Sur la route
Deux projets de construction routière majeurs ont fait leur apparition dans l’actualité en l’espace de quelques jours. Ils ne sont pas inintéressants. Nous ne risquons toutefois pas d’assister à une cérémonie de première pelletée de terre de sitôt.
Comme pour bien d’autres sujets au Nouveau-Brunswick, la construction routière est un enjeu qui divise la population sur une base Nord-Sud, rural contre urbain et entre les régions.
La construction d’une autoroute, spécialement à quatre voies, coûte une fortune au trésor public, si bien qu’il est impossible de satisfaire tout le monde.
Quand un projet est approuvé, le ministre reçoit un accueil triomphal là où auront lieu les travaux, mais est en même temps accusé d’avoir laissé tomber les régions qui doivent encore attendre leur tour.
Il y a une dizaine de jours, des maires et des gens d’affaires du Nord-Est ont réclamé la construction d’une route qui joindrait Caraquet à Janeville, non loin de Bathurst.
C’est ce projet qui a été balayé du revers de la main par le premier ministre et ministre responsable de Saint-Jean, Brian Gallant. Il avait soutenu que la région avait déjà reçu «des millions et des millions et des millions de dollars», une déclaration qui passe très mal.
Quelques jours plus tard, le maire d’Edmundston, Cyrille Simard, ressuscitait un vieux rêve en demandant que soit construite une voie d’évitement du centre-ville d’Edmundston. Présentement, tout véhicule qui arrive de la Transcanadienne et qui souhaite se rendre dans le Haut-Madawaska doit d’abord traverser le coeur d’Edmundston. On estime que de 500 à 800 camions poids lourds circulent quotidiennement par là.
Ce dossier est fascinant du fait qu’il avait reçu l’appui d’Ottawa… il y a près de 30 ans! Le ministre fédéral Bernard Valcourt a perdu son titre, les libéraux de Jean Chrétien ont pris le pouvoir en 1993 et les priorités ont changé. L’argent a été dépensé ailleurs.
On aurait cru qu’après être passé si près d’obtenir leur «route corridor» (comme on l’appelait à l’époque), les citoyens d’Edmundston et du Haut-Madawaska n’auraient pas abandonné le morceau. Or, l’enjeu a plutôt pratiquement disparu du discours public.
Le gouvernement Gallant n’a pas répondu officiellement à cette requête du maire Simard. Nous ignorons donc si le Madawaska a lui aussi reçu trop de millions, selon l’analyse du premier ministre, au point de le disqualifier d’office de projets d’infrastructures. Quel sera la suite des événements? D’abord, un rappel que la construction d’autoroutes et de voies d’évitement est un enjeu d’abord et avant tout politique. Ce sont rarement les considérations pratiques qui prennent le dessus. Le chef du Parti progressiste-conservateur, Blaine Higgs, a d’ailleurs l’habitude de dire que nous avons construit de magnifiques autoroutes et que tout ce qui leur manque, ce sont des automobilistes!
Prenons l’exemple de la voie de contournement de Caraquet, qui est accessible depuis l’automne 2016. C’est un secret de Polichinelle qu’elle est peu utilisée. Mais quel est le nombre d’automobilistes qui l’utilisent? Quel impact cela a-t-il sur la circulation au centre-ville de Caraquet et sur le transport des marchandises? Quels étaient les objectifs du gouvernement et ont-ils été atteints?
Le ministère des Transports est incapable de répondre à ces questions. Et il ne sera pas plus capable de dire si la construction d’une nouvelle route vers Bathurst aurait un impact sur le flot de circulation et sur l’économie.
Si l’histoire nous a appris quelque chose, c’est que la meilleure façon pour les citoyens d’une région d’obtenir ce qu’ils veulent est de s’organiser, puis de tordre le bras des gouvernements.
La Coalition pour les routes du Nord représente le meilleur exemple d’une telle concertation dans les dernières années. Elle réunissait des maires du Restigouche, de la région Chaleur et de la Péninsule acadienne dans le but d’inscrire les routes 11 et 17 dans le réseau routier national afin d’obtenir plus de financement provincial et fédéral.
La Coalition avait un porte-parole (le maire de Bertrand à l’époque, Gildard Chiasson), organisait régulièrement des assemblées publiques et a été partie intégrante de l’actualité de 2002 à 2004, notamment en présentant des analyses et des études sur le sous-financement de ces artères. En février 2003, le premier ministre Bernard Lord et trois ministre importants (Dennis Furlong, Paul Robichaud et Elvy Robichaud) avait assisté à l’assemblée générale du regroupement.
La Coalition avait réussi à convaincre les ténors du gouvernement du N.-B. de devenir son allié. Ensemble, ils ont réussi à faire plier le gouvernement fédéral.
En 2017, nos élus font face à une situation différente. Devant un premier ministre devenu ministre responsable de Saint-Jean et un chef de l’opposition qui a déjà fait savoir qu’il ne construira pas de nouvelles routes, ni dans le Nord, ni dans le Sud, une conférence de presse ou quelques déclarations ici et là ne seront pas suffisant pour faire bouger les choses.
Il faut des chiffres. Il faut des analyses. Et il faut un mouvement capable de rendre cet enjeu incontournable.
Pour le moment, rien de tout ça n’a été accompli.