LA SURPRISE DE KEVIN ARSENEAU
RINO MORIN ROSSIGNOL
Étonnante nouvelle que celle de la démission du président de la Société de l’Acadie du Niou-Brunswick. En effet, Kevin Arseneau veut troquer ses salopettes de fermier pour le costard de député! Vivement un egoportrait!
Ce qui m’étonne le plus dans cette affaire, c’est que je le croyais plus à gauche sur l’échiquier politique, et pensais qu’un tel positionnement allait lui être utile à la SANB pour requinquer les forces vives de l’Acadie.
D’où ma surprise de le voir se joindre au Parti libéral du Niou-Brunswick qui est tout, sauf de gauche! C’est un parti conservateur au sens littéral du terme: conservateur dans sa philosophie, dans ses politiques et dans ses réalisations.
Cela est manifeste au gouvernement provincial actuel: inféodation au pouvoir fédéral, soumission envers les grosses compagnies, tiédeur culturelle, et surtout, le pire, refus obstiné de défendre corps et âme le fait français.
Venant d’un gouvernement qui a justement été élu en grande partie grâce aux votes de la communauté francophone, cette attitude ressemble quasiment à un déni de justice. On est loin de Louis Robichaud!
Conservateur, dis-je. En effet, quelle est la différence entre un gouvernement libéral qui promet d’assainir les finances publiques en procédant à un resserrement des dépenses et un accroissement des revenus de l’État et un gouvernement conservateur qui promet de faire la même chose? L’emballage!
N’y voyez pas un reproche au Gallant gouvernement: c’est le simple constat que depuis la fin des règnes Robichaud et Hatfield (de 1960 à 1987), la pensée politique au Niou-Bi est entrée dans une phase de stagnation.
En effet, depuis 1987, les grands débats sur les grandes questions, les grands chantiers sur les grands dossiers, les grandes avancées sur les grands idéaux, tout cela a été relégué aux oubliettes par tous les gouvernements provinciaux. Vous pouvez oublier le fameux «projet de société».
On ne voit plus la forêt devant parce qu’on ne focalise que sur une talle de branches à la fois. On ne distingue plus la ligne d’horizon au loin parce qu’on marche la tête entre les deux jambes.
Et ces gouvernements successifs ont pu se désengager d’autant plus aisément que, pendant cette même période, la communauté francophone concentrait ses énergies sur la transformation de ses structures associatives.
Entre, d’une part, une enfilade de gouvernements qui fuient tout ce qui se rattache aux droits collectifs et qui manifestent une peur bleue du concept de dualité institutionnelle et, d’autre part, une communauté francophone qui, elle-même, délaisse les enjeux collectifs pour se recentrer sur le développement communautaire ou régional, il y a une sorte de convergence des hasards.
Résultat de cette convergence: la fin d’une mobilisation citoyenne à grand déploiement laissant le champ libre aux gouvernements qui se sont évidemment empressés de ne rien faire. Le but: ne pas modifier le sacro-saint statu quo politique, quitte à le tripoter de temps à autre dans les médias pour donner l’impression qu’on s’active à y mettre un terme, qu’on se creuse les méninges pour concocter une nouvelle vision de l’avenir.
C’est ce qui explique que peu importe le chef et le parti au pouvoir, au NiouBrunswick, depuis 1987, ce sont toujours les mêmes apothéoses chimériques futures qu’on promet, les mêmes corrections comptables simplistes qu’on propose, les mêmes réflexes partisans qui priment et les mêmes aspirations collectives qu’on galvaude.
C’est l’ère «bonnet blanc et blanc bonnet».
«Que diable allait-il faire dans cette galère?», fait dire Molière à son personnage Géronte, dans les Fourberies de Scapin.
On peut se poser la même question quand on apprend que le président Arseneau de la SANB préfère le Parti libéral au Parti vert ou au Parti néo-démocrate, compte tenu de son engagement affiché pour la cause environnementale et pour une justice sociale qui ne craint pas de s’opposer aux perversions de la mondialisation.
Enfin, l’histoire dira s’il est sélectionné comme candidat libéral, s’il est élu député, s’il devient ministre et surtout s’il portera la cravate! En attendant, on lui souhaite bon succès en formulant le voeu qu’il puisse éventuellement infuser à l’Assemblée législative cette adrénaline politique qu’il n’est malheureusement pas parvenu à insuffler à la SANB.
Pour une fois plus rapide que son ombre, la SANB lui a déjà trouvé un remplaçant. En effet, Joey Couturier a été nommé nouveau président intérimaire. Avec les bouleversements récurrents que connaît l’ancien organisme phare de l’Acadie, on finira par croire que tout ce qu’il reste de permanent à la SANB, c’est ce qui est intérimaire! Je profite donc de l’occasion pour souhaiter au nouveau président bon succès, bonne chance et, surtout, longue vie!
Entre-temps, clin d’oeil du calendrier, un autre organisme acadien autrefois prestigieux a renouvelé son exécutif. En effet, la Société nationale de l’Acadie a une nouvelle présidente en la personne de Louise Imbeault, bien connue dans les hautes sphères de l’intelligentsia acadienne.
Grâce à sa riche expérience de tout ce qui grouille et grenouille dans les arcanes du pouvoir, elle connaît déjà les louvoiements et autres contorsions à faire pour redorer le blason de cet organisme dont on se demande s’il n’est pas en train de trépasser.
Heureusement, la convergence venant encore une fois à la rescousse de l’histoire, il se trouve qu’en plus du fédéral, les quatre provinces de l’Atlantique sont à l’heure actuelle gouvernées par des premiers ministres libéraux, ce qui devrait lui faciliter grandement la tâche, car, apparemment, les libéraux trippent fort sur la cause acadienne.
Certes, la francophonie des quatre provinces atlantiques qui leur sont assujetties depuis toujours se morfond, se dépeuple et tire le diable par la queue, mais c’est l’intention qui compte, non?
Malgré ce contexte quasi ubuesque, nul doute que la nouvelle présidente de la SNA saura tirer son épingle du jeu avec brio. On lui souhaite donc bon courage dans cette nouvelle aventure à la barre d’une Acadie à quatre voix qui ne sait plus dans quelle langue dire sa fierté française afin d’être bien comprise. Bon courage! Han, Madame?