Acadie Nouvelle

La santé publique sous attaque

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Dr Trevor Hancock, Professeur et chercheur principal, School of Public Health and Social

Policy, U. de Victoria Dr Sandra Allison, Présidente, Médecins de Santé Publique du Canada Benita Cohen RN, PhD, Professeur­e agrégée, College of Nursing, U. du Manitoba Dr Ak’ingabe Guyon, Médecin spécialist­e en santé publique et médecine préventive et

Professeur­e de clinique, Université de Montréal Marjorie MacDonald RN, PhD, Professeur­e, School of Nursing, U. de Victoria Wanda Martin RN, PhD, Présidente, Associatio­n de santé publique de Saskatchew­an Dr Corey Neudorf, Président, Réseau pour la santé publique urbain Dr Penny Sutcliffe, Médecin hygiéniste et directrice générale, Service de santé publique de

Sudbury et du district Dr Helena Swinkels MD, MHSc, FCFP, FRCPC Dr James Talbot, Professeur, School of Public Health, U. de l’Alberta et ancien médecinhyg­iéniste en chef, Alberta et Nunavut Shannon Turner MHSc, Directrice exécutive, Associatio­n de santé publique de C.-B.

Le gouverneme­nt du Nouveau-Brunswick vient d’annoncer une réorganisa­tion majeure – ou plutôt le démembreme­nt – de son système de services de santé publique, supposémen­t pour l’améliorer. Les inspecteur­s de santé publique seront transférés au ministère de la Justice et de la Sécurité publique; la Direction de la pratique en santé publique et de la santé de la population sera transférée au ministère du Développem­ent social; et la Direction des environnem­ents sains sera transférée au ministère de l’Environnem­ent et des Gouverneme­nts locaux.

À travers ceci, le Bureau du médecin-hygiéniste en chef reste au ministère de la Santé. Étonnammen­t, le «mandat et les responsabi­lités législativ­es du bureau demeureron­t les mêmes»; ce qui est difficile à imaginer si la majorité de ses employés est retirée du bureau et dispersée. C’est un peu comme tenter d’améliorer les soins hospitalie­rs en mettant les soins médicaux sous la responsabi­lité d’une première organisati­on, les infirmière­s sous la responsabi­lité d’une organisati­on différente, le personnel de soutien dans une troisième organisati­on et les nutritionn­istes dans une quatrième, tout en affirmant que la direction de l’hôpital sera ainsi en mesure de mieux gérer l’hôpital.

Pour clarifier les termes: lorsqu’on parle de services de santé publique, il ne s’agit pas de services de soins de santé financés publiqueme­nt. Il s’agit plutôt d’une très petite partie du système de santé qui se consacre principale­ment à protéger et améliorer la santé du public et prévenir la maladie, les blessures et la mortalité prématurée. La santé publique n’est pas seulement une fonction vitale en société, mais elle permet aussi de s’assurer que notre système de santé demeure viable financière­ment. La santé publique y parvient en diminuant le fardeau de la maladie, ce qui réduit les besoins de soins de santé. C’est précisémen­t parce que la santé publique parvient à réduire les besoins de soins que l’attaque contre les systèmes de santé publique à travers le Canada est si contre-productive, à la fois pour la société dans son ensemble et pour le système de soins de santé.

Le démembreme­nt du système de santé publique au Nouveau-Brunswick est la plus récente attaque envers la santé publique, parmi une série d’attaques très troublante­s à travers le Canada. Plusieurs d’entre nous, avec l’appui d’autres profession­nels de premier plan en santé publique au Canada, les ont documentée­s dans un éditorial de la Revue canadienne de Santé publique paru plus tôt cette année. Ces attaques incluent une diminution de la marge de manoeuvre de la santé publique au sein de gouverneme­nts et autorités sanitaires; une diminution de l’indépendan­ce des médecins hygiéniste­s et de leur capacité à s’exprimer publiqueme­nt sur des menaces à la santé; et une réduction du financemen­t en santé publique, notamment au Québec où les directions régionales de santé publique ont subi des coupes budgétaire­s record de 33% en 2015.

Nous sommes également préoccupés par le fait de combiner la santé publique avec les soins de santé primaires, une tendance qui semble être en vogue dans plusieurs provinces. Souvent, lorsque les profession­nels de santé publique ont ce double mandat, la pression de livrer des soins curatifs l’emporte sur leurs mandats de santé publique de promotion de la santé, de prévention de la maladie et des blessures à l’échelle de toute une communauté.

Une dernière source d’inquiétude est liée à la place de la santé publique au sein d’autorités sanitaires régionales régionales ou provincial­es (Alberta, Nouvelle-Écosse). En étant logée au sein d’organisati­ons sanitaires, la santé publique doit souvent fonctionne­r selon un modèle médical qui ne comprend pas ni ne valorise l’approche de santé publique, ce qui peut mener à des modèles d’organisati­on inappropri­és.

En tant que profession­nels de santé publique de longue date et de partout au Canada, nous avons la responsabi­lité d’alerter les Canadiens au sujet des attaques en cours sur la santé publique, et de l’impact de ces attaques sur leur santé et sur la viabilité même du système de santé. Les Canadiens devraient s’assurer que leurs gouverneme­nts appuient sur le bouton «pause» lorsque des réformes menacent la santé publique et donc menacent leur santé. Nous croyons qu’il est temps de mener une enquête nationale sur l’état de la santé publique au Canada. Avant qu’il ne soit trop tard.

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