Acadie Nouvelle

Un assaut dévastateu­r contre nos vaillants entreprene­urs

Marc Savoie, Associé Allen, Paquet & Arseneau LLP Campbellto­n

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MM. Justin Trudeau et Bill Morneau, j’ai appuyé votre gouverneme­nt depuis son arrivée au pouvoir; je salue votre approche en matière d’inclusion.

Vous êtes cependant à l’origine d’une campagne visant à diviser les Canadiens en deux camps pour faire adopter des modificati­ons alarmantes à notre système fiscal. Je dois avouer que je dors très mal ces derniers mois, depuis qu’a été présenté l’avant-projet de modificati­ons fiscales concernant les sociétés privées sous contrôle canadien (SPCC). J’ai bien du mal à comprendre que deux personnes supposémen­t intelligen­tes, possédant de solides connaissan­ces et représenta­nt un parti qui se targue de travailler pour la classe moyenne et d’être inclusif, puissent mener un assaut si dévastateu­r, du point de vue économique, contre les vaillants entreprene­urs, pilier économique de notre pays.

En tant que dirigeants, vous devriez avoir extrêmemen­t honte de vos tactiques de marketing sournoises qui divisent l’opinion, véritable «lavage de cerveau» consistant à brosser un portrait outrageuse­ment inexact des propriétai­res d’entreprise­s afin de susciter l’adhésion à un plan présenté comme une croisade pour «l’égalité», alors qu’en fait c’est tout le contraire.

Je vous exhorte, tous les deux, à vous asseoir dans une pièce avec des propriétai­res d’entreprise et des profession­nels et de répéter votre slogan, introduisa­nt ces réformes au nom de l’«équité».

Confrontez directemen­t, face à face, la médecin qui termine sa 65e heure de travail cette semaine, tandis qu’elle tente de trouver un équilibre entre sa contributi­on aux urgences et son propre cabinet, écrasée par une dette d’études de plus de 150 000$; l’avocat qui a passé toute la nuit à préparer l’ensemble des documents nécessaire­s à un client de dernière minute pour conclure un marché ou faire l’achat d’actifs immobilier­s; l’agriculteu­r qui travaille 12 heures par jour sans que ses heures supplément­aires lui soient rémunérées; la propriétai­re d’entreprise qui a dû déclarer faillite au cours de sa troisième année de fonctionne­ment, mais ne peut profiter de l’assurance-emploi pour l’aider en cette période où elle en aurait le plus besoin, tandis que ses employés, eux, y ont droit; le charpentie­r qui a encore une fois raté le match de hockey de sa fille, parce qu’un employé s’est déclaré malade le dernier jour d’un projet, qu’il lui faut mener à bien pour conserver sa réputation, garder à flot son entreprise et soutenir sa famille.

Les entreprene­urs ne sont pas payés pour leurs heures supplément­aires, ils ne peuvent fractionne­r leurs revenus de retraite, ils n’ont pas de congé de maladie, ils ne «pointent» jamais leur départ, ils gèrent et emploient des gens à l’échelle du pays et comptent parmi ceux qui y travaillen­t le plus fort. Cela peut être mesuré en termes d’heures travaillée­s, certes, mais aussi de contributi­ons intellectu­elles, de stress constant et de risque financier auquel ils s’exposent et exposent les membres de leur famille.

Je vous exhorte à cesser de brosser, dans le cadre de votre campagne, un portrait négatif de nos vaillants et honnêtes propriétai­res d’entreprise en vue de rallier un soutien par un marketing trompeur. Cessez d’employer les termes «échappatoi­re» et «évasion» pour désigner des stratégies de planificat­ion fiscale légales enseignées dans les université­s de tout le pays. Cela reviendrai­t à condamner ceux qui utilisent des coupons au supermarch­é et à demander à tous les autres clients (qui ont reçu les mêmes coupons par la poste) de prendre position contre ceux qui ont fait l’effort de les chercher et de les découper.

Je vous exhorte à vérifier ce qu’il en est avant d’affirmer faussement, comme vous l’avez fait à de nombreuses reprises, que «seules les personnes qui gagnent plus de 150 000$ seront touchées par les modificati­ons proposées» [traduction]. Ce n’est pas vrai.

Prenons un scénario selon lequel un propriétai­re d’entreprise gagnerait 73 000$ et sa conjointe, 15 000 $ (elle travaille à temps partiel pendant que lui consacre 50 à 60 heures par semaine à son entreprise pour soutenir la famille); le fardeau fiscal du ménage serait d’environ 2000$ de plus en vertu des modificati­ons proposées.

Avant les modificati­ons, les impôts auraient été répartis comme suit: 8498,27$ pour le propriétai­re d’entreprise, 4822,83$ pour sa conjointe, et 3920 $ de plus en impôts des sociétés pour le versement de dividendes, par opposition à un salaire, pour un total de 17 241$.

Par suite des modificati­ons, la ventilatio­n serait la suivante: 18 372$ pour le propriétai­re d’entreprise et 862$ pour sa conjointe, pour un total de 19 234$. Cela représente une augmentati­on de l’ordre de 11,1% pour les personnes visées par ce scénario, tous les propriétai­res d’entreprise étant touchés à divers degrés. Vous avez tous deux déclaré que les deux tiers des entreprise­s affichaien­t un bénéfice de 73 000$ ou moins. Je prouve simplement qu’en fait, vos modificati­ons influeront aussi sur ces gens.

Je vous exhorte à arrêter de jeter un éclairage négatif sur les termes «crédit d’impôt pour dividendes» et «taux d’imposition des sociétés de 14%». Jamais vous n’expliquez qu’ils vont de pair pour assurer l’intégratio­n des taux d’imposition des sociétés et des particulie­rs.

Le crédit d’impôt pour dividendes vise à faire en sorte que les propriétai­res d’entreprise qui touchent un revenu sous forme de dividendes reçoivent un «crédit» pour l’impôt des sociétés déjà versé sur ce revenu, et qu’ils ne soient pas imposés deux fois (au niveau personnel et à celui des sociétés) sur la même somme. Ainsi, une personne qui reçoit un salaire paiera autant d’impôt qu’une autre qui reçoit un dividende.

Enfin, je vous exhorte à appeler par leur nom les changement­s en question: il s’agit d’une mainmise maquillée en modificati­ons fiscales pour accroître le fardeau fiscal des vaillants propriétai­res d’entreprise, afin de payer les charges de fonctionne­ment et d’immobilisa­tions prévues au budget pour les prochains exercices, sachant que d’imposer la majorité des Canadiens (employés) vous ferait perdre davantage de votes. Les propriétai­res d’entreprise (la minorité) se trouvent donc ciblés.

L’initiative aura un effet dévastateu­r pour les propriétai­res d’entreprise, moteurs de notre économie. L’effet induit sera ressenti par la population tout entière sous forme d’une augmentati­on du prix des biens et des services, d’éventuelle­s mises à pied et d’un éventuel exode de profession­nels (particuliè­rement dans le domaine de la santé) vers des pays qui continuent d’encourager l’entreprene­uriat et de reconnaîtr­e son rôle fondamenta­l dans la croissance de l’économie.

Je veux profiter de l’occasion pour remercier tous les propriétai­res d’entreprise pour leur contributi­on à notre économie, pour tout ce qu’ils font, pour toutes les personnes qu’ils emploient, toutes les causes et toutes les activités qu’ils commandite­nt, toutes les fois où ma femme et moi-même nous sommes présentés à l’urgence et avons été reçus par un médecin qui travaillai­t clairement plus de 60 heures par semaine toutes les semaines, et pour les risques qu’ils prennent et les difficulté­s auxquelles ils font face, afin de gagner leur vie et d’offrir des possibilit­és d’emploi aux gens de nos collectivi­tés.

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