Acadie Nouvelle

Moments de clartés

C’est comme un pèlerinage que nous faisons depuis quelques années. Chaque été, on prend la clé des champs pour aller ailleurs. C’est un prétexte pour être ensemble. Parfois, c’est dans notre cour: Maisonnett­e ou Miscou. D’autres fois, on s’éloigne de notr

- Serge Comeau scomo@nbnet.nb.ca

Les terres de Cocagne qui évoquent la joie de vivre s’étendent au-delà des limites de cette communauté rurale. Nous avons donc mis le cap sur Moncton pour aller visiter des amies à la maison-mère des religieuse­s de Notre-Dame-du-Sacré-Coeur (NDSC). Et nous avons été nourris autant par la générosité de leur table que par les conversati­ons. Les saveurs étaient autant dans les assiettes que dans les souvenirs échangés.

Attablés avec plusieurs religieuse­s qui ont oeuvré dans le nord de la province, nous avons évoqué avec elle la vie communauta­ire dans leurs couvents entre Bathurst-Est et Petit-Rocher. Elles racontaien­t, avec une fierté légitime, leur engagement au service du chant choral et de l’éducation qui continue de donner leurs fruits dans la région Chaleur. Elles s’informaien­t de ce qu’était devenu celui-ci, et celle-là. Elles nous révélaient la beauté des lieux et des personnes qui font désormais partie de leur histoire.

Après le repas, une visite de la maison et une énième discussion au parloir, nous quittons avec la promesse de rester unis dans la prière. Notre deuxième destinatio­n n’est pas trop loin. Nous allons à une autre résidence de la communauté rendre visite à Viola Léger pour échanger un peu avec elle et lui exprimer notre reconnaiss­ance.

On aurait dit qu’elle s’était préparée à nous accueillir comme nous l’avons connu sur les planches et au Pays de la Sagouine: elle se berçait près d’une fenêtre qui laissait entrer timidement quelques rayons de soleil. Elle parlait avec son accent et ses expression­s qui nous l’ont fait aimer. Nous avons évoqué quelques souvenirs de rencontres à Caraquet et à Ottawa. Nous lui avons donné des nouvelles de ses amis de la colonie artistique du Nord.

Lorsque je lui ai dit qu’elle devait être fière de son parcours qui nous a nousmêmes rendus fiers de notre identité, elle a répondu «J’crois ben que j’ai ‘faite’ ce qu’j’avais à faire».

Pour moi, c’était l’écho des serviteurs de l’Évangile: «Nous n’avons fait que notre travail; nous avons fait ce que nous devions faire» (Luc 17, 10). Mais entre faire son travail et le faire avec ardeur en repoussant constammen­t les limites, il y a une marge. Et c’est cette marge qui fait la grandeur de son oeuvre.

Au moment de se quitter, j’ai mis ma main dans la sienne pour lui exprimer ma gratitude. Lui, il a redit l’Acadie reconnaiss­ante à son égard et il a mis sa main sur son front, traçant presque impercepti­blement le signe de la croix avec son doigt. Elle a alors dit «Je vous remercie pour votre bénédictio­n». C’était la bénédictio­n d’un échange. Les bienfaits d’une visite. Et le gage d’une reconnaiss­ance que la maladie ne peut effacer.

Nous avons ensuite longé le détroit de Northumber­land pour apprécier la beauté des villages qui ont le charme de leurs noms: Pointe-du-Chêne, Grande-Digne, Cap-des-Caissie, Cocagne, Saint-Thomas. Après quelques arrêts, arrivés à Bouctouche, nous avons décidé de nous arrêter à l’ancien couvent des NDSC. Nous avons eu la chance de revoir le conservate­ur du Musée de Kent qui nous a fait visiter cet édifice témoin de l’histoire et de l’oeuvre des religieuse­s dans cette région.

Nous déplaçant d’un endroit à un autre, nous avons reconnu une fois de plus le précieux héritage que les communauté­s religieuse­s font à l’Acadie.

Alors que nous parlions en gratitude, nous nous demandions comment certaines personnes peuvent-elles définir l’âge d’or de l’engagement des religieuse­s dans la société comme la «grande noirceur»?

Lorsque les religieuse­s étaient aux commandes des écoles, des hôpitaux et des ouvroirs, la société se portait elle aussi mal que cela? Cette société qui dit s’être libérée de ce joug lors de la Révolution tranquille. Si de l’autre côté de la frontière on peut parler de grande noirceur, force est de reconnaîtr­e que l’éclipse était partielle. Parce qu’ici, il y a eu des épisodes ténébreux, mais beaucoup de clartés qui continuent d’éclairer la route.

Merci, père Saulnier, d’avoir été compagnon de voyage pour cette tournée en terre de cocagne. Au plaisir d’une prochaine escapade pour se bercer de souvenirs et rêver d’un avenir aussi beau. Et surtout pour se fabriquer d’autres souvenirs qui seront nécessaire­s lorsque nous ne pourrons voyager qu’en pensée.

 ??  ?? «J’crois ben que j’ai faite c’que j’avais à faire!» − Viola Léger, Septembre 2017 (Photo Acadie Nouvelle, 2015)
«J’crois ben que j’ai faite c’que j’avais à faire!» − Viola Léger, Septembre 2017 (Photo Acadie Nouvelle, 2015)
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