Acadie Nouvelle

Caméras routières: avec prudence

- Francios Gravel francios.gravel@acadienouv­elle.com

La Ville de Moncton réclame le droit d’installer des caméras routières près de quelques intersecti­ons achalandée­s de son centre-ville. Le projet se défend, mais à condition que ce soit fait de façon ordonnée et pour les bonnes raisons.

Quiconque passe le moindremen­t de temps dans les secteurs les plus achalandés de Moncton reconnaîtr­a qu’il faut parfois subir le parcours du combattant pour se rendre du point A ou point B. Ce n’est rien de comparable avec une promenade sur l’autoroute Henri-IV de Québec pendant l’heure de pointe, mais ce n’est pas non plus l’équivalent d’une petite balade le dimanche dans la rue principale d’un village de campagne.

Moncton a grandi à une vitesse phénoménal­e au cours des dernières décennies, au point d’être devenue la municipali­té la plus populeuse du Nouveau-Brunswick. Ses banlieues ont subi une courbe de croissance similaire, si bien que l’impact se fait sentir chaque jour sur la circulatio­n.

Beaucoup de véhicules se retrouvent ainsi au même endroit au même moment.

Les autorités ont réalisé à la longue être aux prises avec un problème de respect de la signalisat­ion. Il n’est pas rare de voir un automobili­ste qui est à la queue leu leu derrière une foule d’autres véhicules s’avancer au milieu d’une intersecti­on même si le feu est passé au rouge. D’autres sont plus téméraires.

Le résultat, c’est que bon an mal an, de 1000 à 1500 accidents automobile­s surviennen­t chaque année dans la cité.

Désireux de savoir à quel point le problème est anecdotiqu­e ou plus grave, le coordonnat­eur de transport de Moncton, Stéphane Thibodeau, a dépêché une équipe pour comptabili­ser le nombre d’infraction­s aux feux de circulatio­n à certaines intersecti­ons jugées problémati­ques. Il a été renversé par les résultats. «On avait de la difficulté à toutes les compter tellement il y en avait.»

Sa solution? Installer des caméras de surveillan­ce, ce qui permettrai­t d’envoyer des constats d’infraction aux fautifs à la maison.

Nous ne sommes pas fous de ce genre d’initiative­s. S’il y a un problème de respect de la signalisat­ion routière, la Ville de Moncton devrait plutôt exiger du Service régional Codiac de la GRC qu’elle surveille la situation de plus près.

Nous ne sommes d’ailleurs pas les seuls à observer une certaine méfiance à l’endroit des systèmes automatisé­s basés sur l’utilisatio­n de caméras ou d’appareils photo. Les citoyens en général et les automobili­stes en particulie­r détestent ces appareils. Il y a une raison pour laquelle il n’y en a pas au Nouveau-Brunswick. Les élus provinciau­x savent bien qu’ils seraient mal reçus au sein de l’électorat.

La ligne est en effet très mince entre un appareil qui permet de changer les habitudes des automobili­stes ainsi que de sauver des vies et un autre qui sert surtout de machine à imprimer de l’argent.

Un agent de police sait généraleme­nt quand faire preuve de jugement. Il ne forcera pas un citoyen à s’arrêter sur le bord de la route parce que celui-ci a dépassé les limites de vitesse de seulement quelques kilomètres/ heure. Un appareil dont les paramètres sont contrôlés par un fonctionna­ire ne fera pas cette distinctio­n, surtout si le but premier est d’aller chercher des sous.

Néanmoins, force est de constater que lorsqu’ils sont utilisés convenable­ment, les caméras routières ont obtenu des résultats impression­nants. Au Québec, les cinémomètr­es ont été installés en priorité sur des routes où le taux d’accidents était particuliè­rement élevé. Une grande améliorati­on a été enregistré­e sur ce front à la suite de cette initiative.

À Moncton, le principal problème ne semble cependant pas en être un d’excès de vitesse, mais bien du respect des feux de circulatio­n en certains endroits bien précis. L’installati­on d’une caméra (et d’une pancarte annonçant sa présence) pourrait permettre de réaliser de petits miracles, et à faible coût.

Si le gouverneme­nt provincial décide de répondre favorablem­ent à la requête de la Ville de Moncton, nous l’invitons à le faire dans l’ordre. Cette tentative pourrait par exemple faire l’objet d’un projet-pilote qui serait limité dans le temps.

Au bout de quelques mois, le gouverneme­nt et la municipali­té partagerai­ent leur analyse, à savoir s’il y a eu un impact positif sur la quantité d’infraction­s constatées et sur le nombre d’accidents, tout en révélant les coûts et surtout les revenus recueillis grâce aux amendes.

La prudence s’impose. Au Québec, la Cour provincial­e a décrété que les contravent­ions imposées à l’aide d’un cinémomètr­e sont illégales et inadmissib­les, puisqu’aucun policier n’est témoin direct de l’infraction ni du bon fonctionne­ment du radar.

Toute initiative qui peut permettre de rendre nos routes plus sécuritair­es doit être étudiée avec la plus grande attention. À condition, toutefois, que ces appareils ne se transforme­nt pas en taxe cachée qui sert plus à remplir les poches du gouverneme­nt qu’à protéger les automobili­stes d’eux-mêmes.

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