Acadie Nouvelle

CHRONIQUE DE FRANÇOISE ENGUEHARD: HONNEUR AUX BRAVES

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Tout indique que ce sont des activités humaines, soit la pêche et la navigation, qui ont causé la mort de 12 baleines noires de l’Atlantique Nord dans le Golfe du Saint-Laurent.

Le rapport des experts qui ont procédé aux nécropsies de sept cétacés a été dévoilé jeudi matin à Charlottet­own, à l’Île-duPrince-Édouard.

La docteure Émilie Couture, vétérinair­e au zoo de Granby, a expliqué que l’équipe avait procédé à «une nécropsie complète».

«On les a vraiment regardées de la tête à la queue en détail pour tenter de déterminer la cause de la mort», a-t-elle imagé.

Les résultats de leurs recherches démontrent que ces décès ont probableme­nt été causés par des collisions avec des navires dans au moins quatre cas et probableme­nt un cinquième, tandis qu’un empêtremen­t dans des filets de pêche au crabe des neiges a clairement causé la mort d’un cétacé et probableme­nt d’un deuxième, dont le rapport n’est pas encore finalisé.

«L’empêtremen­t dans des cordages de pêche est une cause de mortalité observée chez plus d’un individu», a tranché la vétérinair­e.

Les cicatrices retrouvées sur ces deux cadavres démontrent un «empêtremen­t chronique» dans des cordages utilisés par les pêcheurs de crabe, a expliqué Mme Couture.

Les experts précisent qu’ils ne peuvent avoir une certitude absolue quant aux décès attribués à des collisions avec des navires en raison de l’état de décomposit­ion des animaux et de l’incapacité à déterminer précisémen­t leur historique de vie avant la mort, mais il fait peu de doute dans leur esprit que, là aussi, leurs conclusion­s sont solides.

Les nécropsies sur cinq baleines démontrent qu’elles ont subi des hémorragie­s internes attribuabl­es à des «traumatism­es contondant­s» qui ne peuvent être expliqués autrement que par des collisions avec des navires.

L’hypothèse d’une cause sous-jacente, soit que les baleines aient été désorienté­es ou affectées par une maladie ou une intoxicati­on, a par ailleurs été écartée, selon la vétérinair­e:

«Toutes nos analyses nous poussent à croire qu’il est très peu probable que ces différents facteurs aient joué un rôle dans les mortalités.»

MESURES EFFICACES

Les experts notent que les mesures d’urgence adoptées pour tenter de sauver les baleines semblent avoir corrigé le problème.

«Les résultats qu’on voit aujourd’hui confirment qu’on a pris des actions appropriée­s de mettre en place des zones de vitesse réduite et de mettre en place des restrictio­ns sur les engins de pêche au cours de l’été», a soutenu Matthew Hardy, porte-parole de la direction régionale des sciences de Pêches et Océans Canada.

La porte-parole de Transport Canada, Jane Weldon, a indiqué que les limites de vitesse seront levées lorsque les observatio­ns confirmero­nt la migration des cétacés vers le sud, mais a assuré en contrepart­ie que ces mesures seront imposées «là où les baleines se seront déplacées».

Les différente­s mesures de protection ont incommodé les transporte­urs maritimes commerciau­x, les croisiéris­tes et les pêcheurs de crabe, mais ceux-ci peuvent s’attendre à devoir composer avec les mêmes contrainte­s l’été prochain.

Les ministres fédéraux des Pêches et des Transports, Dominic LeBlanc et Marc Garneau, n’ont pas tardé à lui donner raison.

Dans une déclaratio­n conjointe qui a suivi la présentati­on du rapport, les deux ministres ont affirmé vouloir «poursuivre les mesures afin d’assurer à ces mammifères marins une protection pour les génération­s à venir», ajoutant que les résultats des nécropsies confirment que les mesures pour ralentir les navires et fermer certaines pêches «étaient justifiées».

Notant que ces baleines migrent habituelle­ment hors des eaux canadienne­s avant le mois de décembre, les ministres LeBlanc et Garneau promettent de rencontrer, au cours des prochains mois, les représenta­nts des industries de la pêche et du transport maritime, les communauté­s autochtone­s, les scientifiq­ues et les autorités américaine­s afin de prévoir les démarches pour l’été prochain.

MENACE D’EXTINCTION

Pour le vétérinair­e Pierre-Yves Daoust, professeur au Collège vétérinair­e de l’Atlantique et qui était parmi les experts sur le terrain, la question ne se pose même pas: «L’urgence est évidente; c’est une espèce en très grand danger d’extinction et une seule mortalité par année dans cette population très menacée, déjà, c’est sérieux.»

La mortalité inédite survenue à l’été 2017 s’explique en partie par un nombre inhabituel­lement élevé de baleines noires dans le golfe cette année, alors qu’environ 115 individus y ont été observés.

La population totale de la baleine noire de l’Atlantique Nord est estimée à 458 individus et l’espèce est menacée d’extinction.

Outre les 12 décès rapportés dans le Golfe du Saint-Laurent, trois autres baleines ont trouvé la mort dans les eaux américaine­s, soit un total de 15, ce qui représente un impact d’une «ampleur énorme» sur la population, selon le docteur Daoust.

«Cela fait (2017) l’année la plus meurtrière que nous ayons vue pour la baleine noire de l’Atlantique Nord depuis l’époque de la pêche à la baleine», a laissé tomber Tonya Wimmer, directrice de la Marine Animal Response Society.

«Ces pauvres bêtes semblent surmonter les difficulté­s très souvent, a fait valoir Mme Wimmer, mais on peut se demander à quel prix et pour combien de temps?»

«Ce n’est pas une option de ne rien faire. (...) Avoir un taux de mortalité tel qu’on a vécu cette année n’est pas acceptable», a affirmé Matthew Hardy.

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Le comporteme­nt des baleines noires de l’Atlantique Nord a changé au cours des dernières années. - Archives

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