UN FILM D’UNE GRANDE QUALITÉ
Si, dans le cinéma de science-fiction, Star Wars est l’équivalent d’un bon gros cheeseburger bien juteux, Blade Runner 2049, lui, est un peu comme un plat raffiné d’huîtres: son goût est tout en subtilité et ce n’est pas tout le monde qui sait l’appréci
En salle depuis jeudi soir, le nouveau film du Canadien Denis Villeneuve (L’Arrivée,
Sicario) est fidèle au chef d’oeuvre de Ridley Scott, lancé en 1982.
Les deux oeuvres sont visuellement magnifiques et innovatrices, mais, surtout, appuient leur scénario sur une audacieuse dose de poésie et de philosophie.
Blade Runner 2049 est donc un film contemplatif hors-norme, qui se déguste et s’apprécie. Que les amateurs de fast-food se le tiennent pour dit...
LA CHASSE AUX RÉPLICANTS
Californie, 2049. Un nouveau modèle de réplicants - des êtres biologiquement identiques aux humains, mais créés en laboratoire - sont utilisés comme esclaves.
Si les anciens modèles n’avaient qu’une durée de vie de quatre ans, se montraient parfois violents et étaient principalement utilisés dans les colonies spatiales, la nouvelle génération vit sur Terre, est docile et a une durée de vie indéterminée.
Certains anciens modèles ont toutefois trouvé refuge en Californie, où ils essaient de mener une existence affranchie. Puisque ces êtres sont soi-disant dépourvus d’humanité et considérés dangereux, il revient à des policiers appelés Blade Runner de les traquer et de les éliminer.
Lors d’une de ces missions, K (Ryan Gosling) fait une mystérieuse découverte dont l’importance pourrait bouleverser l’ordre établi et plonger la Terre dans une guerre sans merci.
Déterminé à aller au fond des choses et contre l’avis de ses patrons, K enquêtera. Une quête qui le mènera jusqu’à Deckard (Harrison Ford), un Blade Runner mythique que tous croyaient mort depuis 30 ans…
FIDÈLE À L’ORIGINAL
Denis Villeneuve avait tout un défi devant lui: tourner la suite d’un des films de sciencefiction les plus influents de l’histoire. Sans compter que, de son siège de producteur, le père de l’original, Ridley Scott, surveillait les moindres faits et gestes du Canadien. Certains ont donc qualifié le mandat de Villeneuve d’un des plus difficiles de l’histoire du cinéma.
Mais le moins que l’on puisse dire, c’est que le réalisateur livre la marchandise.
Dans ce qui peut être qualifié d’une des meilleures suites de l’histoire, Villeneuve est parvenu à créer un univers qui, même s’il est fortement inspiré du film culte (la pluie, la musique à la Vangelis, le recours aux photographies, les décors tirés d’un monde postapocalyptique, les publicités lumineuses sur les immeubles, l’impression de lourdeur, le thème de l’humanité, l’origami...) lui est propre.
Mieux, et c’est là à mon sens la force d’une suite, il parvient à approfondir certains éléments du film original en nous forçant à les voir d’un oeil nouveau. Pas banal.
VRAI OU FAUX?
Autre point commun entre les deux films: leur utilisation volontairement floue du vrai et du faux.
Il faut comprendre que l’opposition entre ces deux concepts est au coeur de l’oeuvre de Philip K. Dick, l’auteur de la nouvelle dont
Blade Runner est adaptée (Les androïdes rêventils de moutons électriques?).
Souffrant de schizophrénie, Dick a transposé les conséquences de sa maladie dans presque tous ces écrits, alors que le personnage principal remet toujours en question la véracité des souvenirs qui sont à la base de son identité. Blade Runner en est un exemple. Total Recall (1990) aussi.
Blade Runner 2049 pousse davantage le concept, ce qui rend son scénario plus engageant que celui de l’original. Villeneuve nous fait constamment douter. Le spectateur passe la majorité du film a tenté de départager le vrai du faux dans l’enquête et les souvenirs de K.
Et juste au moment où on croyait avoir tout compris, les scénaristes Hampton Fancher et Michael Green nous envoient une déstabilisante balle courbe qui nous force à réévaluer tout ce qu’on vient de voir. Tout simplement génial!
Comme l’oeuvre originale, lente, moralement ambiguë et hautement symbolique,
Blade Runner 2049 force son auditoire à réfléchir, à se poser des questions et à tenter de décrypter le message que le film essaie de nous passer sur l’état actuel de notre société.
Un peu comme après un long et fin repas, on sort de cette longue balade de 160 minutes épuisé, mais aussi et surtout repu d’avoir été témoin d’un événement d’une rare qualité.