Le nombre de décès liés à l’aide médicale à mourir est en augmentation au Canada
Le nombre de patients qui se sont prévalus de l’aide médicale à mourir au Canada a bondi de près de 50% au cours des derniers mois. Et selon des données fragmentaires, près du quart des personnes qui l’avaient réclamée sont décédées avant d’y avoir accès.
Selon un bilan du gouvernement fédéral publié vendredi après-midi, 1179 Canadiens dont la mort naturelle était devenue raisonnablement prévisible ont obtenu légalement l’aide d’un médecin pour abréger leurs souffrances entre le 1er janvier et le 30 juin 2017.
Il s’agit d’une augmentation de 46,8% par rapport aux six premiers mois de l’entrée en vigueur de la législation fédérale - on avait alors recensé 803 cas entre le 17 juin et le 31 décembre 2016.
La hausse notée dans la deuxième portion de la première année de mise en oeuvre de la loi est cependant «conforme à l’expérience internationale», note le ministère de la Santé dans un communiqué accompagnant son deuxième rapport intérimaire sur l’aide médicale à mourir.
Dans les faits, le nombre de cas pourrait être plus élevé. Il ne faut «pas considérer que les chiffres présentés ici représentent l’ensemble des cas d’aide à mourir au Québec», note-t-on dans le rapport.
Le bilan national pourrait donc être revu à la hausse lorsque la Commission sur les soins de fin de vie du Québec fera le sien.
On devrait avoir les données québécoises très bientôt.
«La Commission des soins de fin de vie transmet au ministre, au plus tard le 30 septembre de chaque année, un rapport annuel de ses activités, qui doit être déposé à l’Assemblée nationale par le ministre dans les 30 jours suivants. C’est ce rapport qui est le rapport officiel de la situation», a expliqué Julie White, attachée de presse du ministre de la Santé du Québec, Gaétan Barrette.
DÉCÈS AVANT L’ACCÈS
Pendant la période de six mois couverte par le rapport, 832 Canadiens ont déposé une demande d’aide à mourir. Près du quart d’entre eux, soit 202, sont morts «avant la fin du processus d’évaluation», est-il indiqué dans un tableau du bilan fédéral.
Les motifs les plus souvent mentionnés par les provinces qui ont fourni ces chiffres sont la «perte de capacité», «autre», ou le fait que le décès est «non raisonnablement prévisible».
Ces données, qui excluent l’Ontario, la Colombie-Britannique et les trois territoires, pourraient amener de l’eau au moulin de ceux qui jugeaient la législation trop restrictive par rapport à l’arrêt Carter, la décision de la Cour suprême du Canada dont elle découle.
La décision du gouvernement libéral de réserver l’accès à des patients dont «la mort est raisonnablement prévisible» avait été critiquée par l’opposition néo-démocrate à Ottawa, par des sénateurs, ainsi que par des spécialistes et constitutionnalistes qui avaient témoigné pendant l’étude du projet de loi C-14.
Le ministre Gaétan Barrette faisait partie des détracteurs les plus farouches de ce critère. Il l’avait qualifié d’«inapplicable», cliniquement parlant, et de carrément «cruel», humainement parlant.
En août 2016, après qu’une septuagénaire atteinte de sclérose en plaques se fut laissée mourir de faim et de soif car sa mort n’était pas raisonnablement prévisible, il avait vu rouge.
Il avait averti que tant que la loi demeurerait en place dans sa mouture actuelle, des gens ne verraient aucune autre échappatoire que celle de s’affamer jusqu’à ce que mort s’ensuive.
«Il va y en avoir d’autres. Et oui, c’est cruel et inhumain. Mais nul ne peut ignorer la loi», avait-il regretté en entrevue à La Presse canadienne.