Acadie Nouvelle

L’après-Sears au N.-B.

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Les problèmes de Sears Canada ont beau être connus depuis longtemps, nous sommes plusieurs à avoir été pris par surprise par l’annonce de sa fermeture précipitée.

Normalemen­t, ces colosses au pied d’argile repoussent l’inévitable pendant longtemps. Des négociatio­ns ont lieu avec les créanciers. Des dettes sont réduites ou effacées. Des offres d’achat sont annoncées. Des projets de fusion sont étudiés puis approuvés ou rejetés. Des succursale­s sont fermées au compte-goutte.

Puis, un jour, l’agonie prend fin. L’entreprise est sauvée ou ferme ses portes. Le cas de Sears est différent. Pas plus tard que cet été, la célèbre chaîne de magasins offrait à 43 hauts dirigeants et 116 directeurs de magasin des primes totalisant 9,2 millions $, affirmant qu’elles étaient nécessaire­s afin de retenir ses meilleurs éléments pour réussir la restructur­ation.

À moins d’un miracle, il n’y aura pas de restructur­ation. Sears prévoit plutôt liquider toute sa marchandis­e et fermer ses magasins dans un horizon de 10 à 14 semaines. Quelque part au milieu de l’hiver, la dernière affiche Sears aura été déboulonné­e.

Nous laisserons à d’autres le soin de déterminer les raisons de la déconfitur­e de cette chaîne auprès de qui des millions de Canadiens ont acheté leurs électromén­agers, magasiné leurs vêtements et choisi leurs cadeaux de Noël en feuilletan­t le catalogue.

Intéresson­s-nous plutôt à l’impact des récents événements sur le Nouveau-Brunswick.

Nous avons été frappés une première fois en juin avec l’annonce de la fermeture des magasins de Bathurst et de Saint-Jean. Quelque 146 personnes ont perdu leur emploi.

Cette fois, l’impact sera encore plus marquant. De 200 à 300 autres personnes seront mises à pied. Une vingtaine de magasins disparaîtr­ont bientôt.

Certains sont gigantesqu­es, comme celui de Place Champlain de Dieppe. D’autres prennent la forme d’un comptoir, avec seulement quelques employés.

N’oublions pas non plus les deux centres de services ouverts en grandes pompes à Saint-Jean et à Edmundston. Sears devait créer, avec l’aide de fonds publics, pas moins de 530 emplois.

Il était un peu tôt pour crier au scandale et annoncer qu’il s’agit d’un nouveau Atcon, comme se plaisait à le dénoncer l’opposition dans les derniers jours.

D’abord, les chiffres ne sont pas du même ordre. Fredericto­n a perdu 70 millions $ dans la faillite Atcon. De plus, des garanties de prêts ont été accordées alors que le premier ministre (Shawn Graham) était en conflit d’intérêts. Enfin, des fonctionna­ires avaient recommandé de ne pas accorder d’aide à l’entreprise de Miramichi, étant donné sa situation financière plus que fragile.

Or, le gouverneme­nt provincial confirme ne pas avoir encore versé un sou à Sears. L’argent des contribuab­les ne s’envolera pas en fumée.

Cela dit, le gouverneme­nt Gallant devra quand même rendre des comptes.

En effet, s’il a fait preuve de plus de prudence que dans l’affaire Atcon, il a aussi été chanceux. Une subvention de 2 millions $ était sur le point d’être accordée. Sears a simplement déclaré faillite tout juste avant d’avoir eu le temps de remplir les conditions nécessaire­s pour la réclamer.

Quand tout sera terminé, le gouverneme­nt nous devra aussi des explicatio­ns pour ce qui est de son analyse de la gestion du risque. Ce n’était pas un secret d’État que Sears éprouvait des problèmes. Qu’est-ce qui a poussé la province à s’associer de près avec ce navire dont tous les signes montraient qu’il était déjà en train de couler?

Il est possible que les fonctionna­ires aient vu là un risque calculé. Sears est une marque très forte. Il n’était pas utopique de penser qu’en réduisant ses activités, elle aurait pu intéresser un acheteur.

Notons aussi qu’Opportunit­é NB a fait de grands efforts au cours des deux dernières années pour signer des ententes de financemen­t avec des entreprise­s majeures et crédibles. BMM Testlabs (censé créer 1000 emplois d’ici 2020 dans le Grand Moncton) est un géant australien spécialisé dans la vérificati­on des systèmes de jeu de hasard. Westjet (400 emplois promis dans le Sud-Est) est une compagnie aérienne en croissance. La Banque TD (600 emplois promis sur six ans à compter de 2019 à Moncton) n’a pas besoin de présentati­on.

Nous sommes loin de Thing 5 (Virtual Agent Services), cette entreprise qui ouvrait et fermait ses centres d’appels un peu partout dans la province au rythme des subvention­s.

Du point de vue gouverneme­ntal, l’investisse­ment dans Sears s’inscrivait dans cette stratégie de miser davantage sur des entreprise­s dotées d’une bonne réputation.

Il y avait toutefois suffisamme­nt de signaux d’alarme en train de clignoter pour que le gouverneme­nt nous dise pourquoi il les a ignorés. Espérons que cette fois-ci, il ne faudra pas attendre un rapport de la vérificatr­ice générale avant d’obtenir des réponses.

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