Acadie Nouvelle

Quand des hauts gradés jouent à la gardienne

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Voici le scénario. Tard dans la soirée, Donald Trump écoute Fox News. Il voit dans un reportage que la Corée du Nord envisage de lancer un missile capable d’atteindre les ÉtatsUnis. Ce n’est qu’un vol d’essai, mais Trump comprend mal et croit que Pyongyang lancera un missile aux États-Unis. Après tout, on voit sa trajectoir­e à l’écran et il atteint tout à fait les États-Unis.

Trump commande alors à toutes les forces stratégiqu­es américaine­s de déclarer le DEFCON 1: «Defence Readiness Condition One» (l’état de préparatio­n de la défense niveau un). La guerre nucléaire est imminente. La Corée du Nord s’aperçoit de toute l’activité inhabituel­le des forces américaine­s et arrive à la conclusion qu’une attaque préventive américaine sera bientôt lancée.

Les Coréens du Nord déclarent leur propre équivalent du DEFCON 1: la mobilisati­on et la dispersion de leurs forces armées, l’évacuation des directeurs de la capitale à un bunker dans la campagne, etc. Trump est alors convaincu que la Corée du Nord planifie une attaque, alors il ordonne une frappe de neutralisa­tion contre toutes leurs armes et infrastruc­tures nucléaires - à l’aide de leurs propres armes nucléaires, bien entendu. Rien d’autre ne suffirait.

C’est comme ça que commence la deuxième guerre de Corée. Très peu d’Américains ne perdraient la vie, et probableme­nt aucun citoyen, parce qu’en fait, la Corée du Nord ne possède pas encore de missile à longue portée avec lequel elle pourrait lancer une attaque nucléaire avec exactitude contre les États-Unis. Mais des millions de personnes perdraient la vie dans les deux Corées. La Chine, elle, pourrait peut-être rester à l’écart de la guerre, difficile à dire.

Ce n’est qu’un scénario, mais il empêche de nombreuses personnes de dormir le soir - y compris bon nombre d’officiers supérieurs de l’armée américaine. C’est pour cette raison qu’on entend dire que le secrétaire à la Défense, le général James Mattis, le conseiller à la sécurité nationale, le général H. R. McMaster et le chef du cabinet, le général John Kelly ont une entente secrète selon laquelle tous les trois ne peuvent se trouver à l’étranger en même temps.

Pourquoi? Parce qu’au moins un officier militaire du plus haut rang doit toujours être dans le pays pour surveiller les ordres provenant de la Maison-Blanche et les décommande­r si nécessaire.

Je ne peux pas garantir l’exactitude de ces propos, mais j’y crois. En fait, je tenais déjà pour acquis qu’une entente de ce genre était en place. Mattis, McMaster et Kelly sont des officiers militaires profession­nels, sérieux et expériment­és. Ils manqueraie­nt à leur devoir s’ils n’assuraient pas qu’au moins un adulte responsabl­e se trouve entre Trump et le bouton rouge en tout temps.

Je suis convaincu que les généraux ont déjà pensé à cette possibilit­é et je doute qu’ils sachent ce qu’ils feraient au cas où elle deviendrai­t une réalité. Ce n’est pas toujours facile d’être l’adulte responsabl­e de la surveillan­ce, surtout quand l’enfant en question est techniquem­ent son supérieur.

Tout cela étant dit, il me vient à l’esprit que certains officiers militaires supérieurs en Corée du Nord doivent faire face au même dilemme. Ils ont eux aussi un homme enfantin à la tête du pays et savent sûrement que si Rocketman, comme l’appelle Trump, entre en guerre avec les ÉtatsUnis, leur famille, eux-mêmes et essentiell­ement tout le monde qu’ils ont connu mourront.

Une deuxième guerre de Corée n’aura probableme­nt pas lieu. C’est probable qu’aucun officier supérieur - d’un côté comme de l’autre - n’aura à faire face à cette crise majeure. Un adulte assure quotidienn­ement une surveillan­ce discrète dans les deux capitales, car même les gens les plus imprévisib­les nécessiten­t l’approbatio­n d’autres personnes afin que leurs ordres se transforme­nt en actions.

Mais nous sommes de mauvais draps si on peut tenir cette conversati­on sans passer pour un fou.

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Des soldats de la Corée du Nord défilent à Panmunjom, jeudi. - Associated Press: Ahn Young-joon
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