Acadie Nouvelle

Ignorer les avertissem­ents de voyage du gouverneme­nt peut s’avérer risqué

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Les globe-trotteurs qui ignorent délibéréme­nt les avertissem­ents du gouverneme­nt sur les voyages à l’étranger se mettent en danger et s’éloignent des organisati­ons pouvant leur venir en aide si une catastroph­e survenait, préviennen­t des experts en matière de sécurité.

Le cas d’un Canadien tenu en otage en Afghanista­n pendant cinq ans rappelle les nombreux risques de s’aventurer dans des pays où le gouverneme­nt a peu de recours pour aider ses citoyens.

Joshua Boyle et sa femme d’origine américaine Caitlan Coleman ont été kidnappés en octobre 2012 et tenus en otage pendant cinq ans par le réseau Haqqani, un groupe lié aux talibans. Pendant leur captivité, Mme Coleman a donné naissance à quatre enfants, dont l’un a été tué, avant d’être secourus mercredi par des commandos pakistanai­s.

Des spécialist­es en sécurité estiment que la longueur de leur captivité n’est pas surprenant­e étant donné la position du Canada sur les négociatio­ns avec les terroriste­s et les ressources limitées en matière de renseignem­ent dans la région.

Le consultant en sécurité David Hyde indique que le Canada communique sa capacité à aider les citoyens avec ces avertissem­ents de voyage, qui regroupent les pays dans quatre catégories – l’Afghanista­n est placé avec l’Irak et la Corée du Nord, des destinatio­ns que le gouverneme­nt suggère d’éviter complèteme­nt.

Ceux qui ne respectent pas ces directives mettent les responsabl­es du gouverneme­nt dans une situation délicate en les forçant de tenter d’intervenir dans des zones où ils disposent de peu de ressources.

«Officielle­ment, on dit qu’on ne fait pas cela, mais évidemment, on s’en soucie et on tentera d’avancer des informatio­ns pour faciliter la libération, a expliqué M. Hyde en entrevue téléphoniq­ue. En coulisses, le gouverneme­nt s’implique beaucoup dans un éventail d’échanges pour essayer et avancer vers un rapatrieme­nt.»

Le gouverneme­nt canadien n’avait pas répondu à La Presse canadienne au moment d’écrire ces lignes, mais il a toujours affirmé clairement qu’il ne négociait pas avec les terroriste­s et qu’il ne leur payait pas de rançon.

Selon M. Hyde, plusieurs pays occidentau­x adoptent cette approche parce qu’ils craignent que leurs citoyens ne deviennent des cibles de choix pour les organisati­ons terroriste­s.

Mais dans les cas où des citoyens canadiens seraient mal pris, le gouverneme­nt utilisera généraleme­nt toutes les ressources à sa dispositio­n pour intervenir, avance ce spécialist­e.

Il pourrait notamment solliciter ses contacts locaux, qui sont généraleme­nt rares dans des pays où le Canada dissuade fortement ses voyageurs d’aller.

Une autre approche serait de travailler avec d’autres pays qui ont un réseau plus robuste là-bas, a ajouté M. Hyde.

C’est ce qui est peut-être arrivé lorsque le Torontois Colin Rutherford, a été secouru par hélicoptèr­e en 2016 après avoir passé cinq ans sous le joug des talibans. Le gouverneme­nt canadien avait reconnu la contributi­on essentiell­e du Qatar pour assurer sa libération, mais il n’avait pas révélé le rôle précis du pays dans l’opération.

LES FAMILLES LAISSÉES À ELLES-MÊMES

Cependant, il arrive parfois un moment où le gouverneme­nt canadien épuise ses ressources et la famille des victimes se retrouve laissée à elle-même.

Ce fut le cas de la journalist­e albertaine Amanda Lindhout, qui, avec le photograph­e australien Nigel Brennan, avaient été enlevés par des hommes masqués en réalisant un reportage en Somalie. Ils sont restés un an en captivité.

La mère de la journalist­e avait raconté en cour comment sa famille et celle de M. Brennan avaient essayé de ramasser les 2,5 millions $US réclamés par ses ravisseurs. Les familles avaient finalement récolté 700 000$ US.

Lorsque le gouverneme­nt vient à court de ressources, certaines familles contactent les entreprise­s privées pour qu’elles négocient elles-mêmes, selon Chris Mather, consultant en sécurité et ancien agent de la Gendarmeri­e royale du Canada (GRC).

Ces entreprise­s utiliseron­t les mêmes stratégies que le gouverneme­nt, en interpella­nt leurs contacts sur le terrain.

DIFFICILE DE PRÉVOIR LE SORT DES VICTIMES

Mais même avec de l’aide supplément­aire, les chances de retrouver une victime vivante dépendent largement des motifs des ravisseurs.

Les groupes qui sont motivés par une idéologie sont plus enclins à tuer leurs otages, alors que d’autres qui réclament une rançon en promettant leur libération sont plus souvent associés à des groupes locaux et au crime organisé.

«Si une personne est kidnappée, leur survie dépend largement d’où le groupe est situé sur cette échelle», a indiqué M. Mathers.

«Est-ce qu’ils sont encore dans la phase idéologiqu­e ou ont-ils commencé à migrer vers la criminalit­é? Plus ils migrent vers la criminalit­é, plus les chances de survie sont fortes.»

MM. Mathers et Hyde s’entendent pour dire que la meilleure façon d’éviter de tels scénarios est de se respecter les avertissem­ents du Canada et d’éviter les zones où le gouverneme­nt dispose de peu de ressources.

«Ce qui est arrivé a été tragique et horrible pour les gens impliqués», a affirmé M. Hyde, faisant référence aux gens qui ont été kidnappés dans les dernières années.

«Mais en tant que personne qui prend la décision consciente d’aller là-bas, vous devez savoir que vous allez dans une zone où il n’y a pas vraiment de protection du gouverneme­nt. Vous êtes seuls.»

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Joshua Boyle et Caitlan Colemen apparaisse­nt dans une vidéo tournée pendant leur captivité en Afghanista­n. Gracieuset­é

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