Acadie Nouvelle

Quel avenir attend Daech après la chute de Raqqa?

- Zeina Karam Associated Press

Responsabl­e de certaines des pires atrocités infligées à des civils de mémoire récente, Daech (le groupe armé État islamique) semble vaciller au bord de la défaite.

Après avoir brutalisé depuis trois ans ceux coincés sous leur joug, les djihadiste­s luttent aujourd'hui pour conserver les parcelles de territoire qu'ils contrôlent toujours. Des forces syriennes appuyées par les États-Unis ont annoncé mardi que les combats sont terminés à Raqqa, la capitale de fait du califat autoprocla­mé de Daech.

Même s'il est assiégé de toute part en Irak et en Syrie, rares sont ceux qui prédisent la disparitio­n complète de Daech et la fin des violences. Voici un aperçu de Daech, de la montée et de la chute de son «califat», et de ce qui attend maintenant le groupe.

LE «CALIFAT» N’EST PLUS

Né des cendres d'Al-Qaïda en Irak, Daech a commencé à se propager à travers le Moyen-Orient au début de 2014, capturant notamment la ville irakienne de Falloujah et des portions de Ramadi, la capitale régionale voisine. En Syrie, il s'est emparé du contrôle total de Raqqa après en avoir évincé les factions rivales.

En juin 2014, Daech a pris Mossoul, la deuxième ville d'Irak, et c'est à cet endroit que son leader, Abou Bakr al-Baghdadi, a proclamé la création de son «califat».

Daech a promis égalité et justice – une utopie religieuse islamique. Mais au cours des années suivantes, il a systématiq­uement terrorisé les habitants de son territoire, massacré les membres de la minorité yézidie, transformé les femmes en esclaves sexuelles, décapité des journalist­es occidentau­x et des travailleu­rs humanitair­es, et anéanti certains des sites archéologi­ques et culturels les plus spectacula­ires du Moyen-Orient.

Mais l'incarnatio­n territoria­le du califat a donné naissance à une cible, et une coalition internatio­nale anti-Daech a rapidement pris forme.

CE QUI EN RESTE

Les États-Unis ont lancé leur campagne de frappes aériennes contre Daech en Irak en août 2014, puis un mois plus tard en Syrie. En Irak, ils se sont alliés aux forces gouverneme­ntales qui collaborai­ent avec des milices chiites et des combattant­s irakiens kurdes (les peshmergas). En Syrie, les Américains ont tendu la main aux Forces démocratiq­ues syriennes.

Appuyées par des dizaines de milliers de frappes aériennes de la coalition américaine, ces forces ont chassé Daech d'un repaire après l'autre au fil des ans. Le coup de grâce a été asséné en juillet avec la libération de Mossoul, qui était considérée comme la capitale administra­tive du groupe.

En Syrie, en plus de Raqqa, Daech a perdu au cours des derniers jours la ville de Mayadeen, dans la vallée de l'Euphrate, où on s'attendait à voir les djihadiste­s livrer un baroud d'honneur.

Dans le nord de l'Irak, Daech ne contrôle pratiqueme­nt plus rien depuis la chute de son fief de Hawija, plus tôt ce mois-ci. L'armée irakienne prépare maintenant une offensive dans la province désertique de l'Anbar, qui s'étire jusqu'à la frontière avec la Syrie. Dans ce pays, Daech est en possession de la ville de Boukamal, près de la frontière avec l'Irak, et de quelques territoire­s éparpillés dans l'Est.

COÛT ASTRONOMIQ­UE

La Syrie et l'Irak paient un prix astronomiq­ue pour la destructio­n de Daech, en plus des souffrance­s infligées à ceux qui ont dû supporter le règne djihadiste.

Les combats et les frappes aériennes ont réduit en ruines des villes auparavant florissant­es; on n'y retrouve plus que des immeubles effondrés, des maisons anéanties, et des ponts et routes effondrés. L'ampleur des dommages à Ramadi, Mossoul et Raqqa défie toute descriptio­n. Il y a deux semaines, la coalition américaine a annoncé avoir remis 83 pour cent des terres de Daech aux population­s locales depuis 2014, libérant du fait même plus de six millions d'Irakiens et de Syriens. Au moins 735 civils ont été tués involontai­rement par les frappes alliées, mais des militants croient que le bilan réel est nettement plus élevé.

L'offensive de neuf mois pour libérer Mossoul a coûté la vie à quelque 1500 membres des forces irakiennes. Au moins 1100 combattant­s syriens ont été tués à Raqqa et Deir elZour, selon la coalition.

Au cours des trois années qui se sont écoulées depuis la naissance de son «califat», Daech a tué des milliers de personnes et en a chassé des millions d'autres de chez elles.

AVENIR PÉRILLEUX

Toutes les forces qui combattaie­nt Daech devront demeurer vigilantes, même après avoir repris le dernier mètre carré de territoire. Étrangemen­t, l'avenir pourrait se révéler encore plus périlleux que le passé.

Hisham al-Hashem, un analyste irakien, estime que dans la seule province de l'Anbar quelque 8000 djihadiste­s vont disparaîtr­e «comme de l'eau dans le sable», n'attendant que la prochaine occasion pour se mobiliser et frapper.

Les filiales de Daech demeurent actives en Égypte et en Libye, où le groupe a réussi à s'implanter et où il pourrait maintenant lancer des représaill­es. Avant de se séparer d'AlQaïda et de changer de nom, Daech avait mené une longue insurrecti­on en Irak après l'invasion américaine de 2013, poussant le pays au bord de la guerre civile.

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