Acadie Nouvelle

Washington ignore les impacts d’un retrait de l’Aléna

- Alexander Panetta La Presse canadienne

Ni les élus américains ni l’exécutif à la MaisonBlan­che n’ont réclamé d’étude d’impact sur un éventuel retrait de l’Accord de libre-échange nordaméric­ain (Aléna), même si le président Donald Trump brandit périodique­ment cette menace.

Le service de recherche du «Government Accountabi­lity Office» au Congrès - l’équivalent aux États-Unis du Directeur parlementa­ire du budget au Canada - a confirmé à La Presse canadienne qu’il n’avait reçu aucune demande en ce sens de la part des élus à la Chambre des représenta­nts ou au Sénat.

Ce bureau d’experts, indépendan­t des pouvoirs exécutifs et législatif­s, a par exemple produit récemment une estimation des coûts de l’abrogation de l’«Obamacare» aux États-Unis. Ce bureau admet qu’il a déjà mené par le passé des études d’impact sur des enjeux internatio­naux, comme la surveillan­ce du programme nucléaire iranien, mais personne ne lui a demandé jusqu’ici une étude d’impact sur un éventuel retrait américain de l’Aléna.

À la Maison-Blanche, le représenta­nt américain au Commerce et responsabl­e des négociatio­ns pour un renouvelle­ment de l’Aléna, Robert Lighthizer, a admis cette semaine qu’il n’avait pas commandé une telle étude d’impact. M. Lighthizer a plaidé qu’il misait plutôt sur le succès des négociatio­ns en cours. «S’il n’y a pas d’entente, je suppose que les trois pays s’en tireront bien», a-t-il répondu à des journalist­es américains.

Certains observateu­rs à Washington sont renversés par cette apparente désinvoltu­re. Duncan Wood, un expert du commerce avec le Mexique au centre Wilson, n’est pas convaincu par l’argument d’optimisme de M. Lighthizer. Il s’inquiète plutôt de voir la Maison-Blanche brandir la menace d’un retrait unilatéral de l’Aléna alors que l’administra­tion américaine n’aurait même pas en mains toutes les données sur les impacts économique­s d’une telle décision.

«S’ils décidaient (de se retirer de l’Aléna) avec en mains des années et des années d’études (...), je comprendra­is le point de vue américain - même si je ne le partagerai­s pas. Mais (cette absence de données) me préoccupe.» Protection­nisme galopant? M. Wood craint par ailleurs que les demandes américaine­s à la table de l’Aléna ne constituen­t que le prélude à de prochaines exigences de Washington devant l’Organisati­on mondiale du commerce, afin de modifier les règles du système internatio­nal.

«Je ne veux pas exagérer - je n’aime pas l’inflation verbale -, mais je suis terrorisé par ce qui se trame actuelleme­nt.»

Le plus récent prédécesse­ur républicai­n de Donald Trump est plutôt de cet avis. Dans un discours sombre, cette semaine, George W. Bush a mis en garde ses compatriot­es contre la déliquesce­nce de la démocratie américaine, la mesquineri­e, le racisme, les menaces de complot et... le protection­nisme. Sans jamais prononcer, bien sûr, le nom de Donald Trump.

Si M. Bush a souhaité que l’on se préoccupe du sort de certains secteurs économique­s malmenés par la mondialisa­tion, il a néanmoins estimé qu’il ne fallait pas jeter le bébé avec l’eau du bain. «On ne peut pas faire disparaîtr­e la mondialisa­tion, pas plus qu’on aurait pu nier la révolution agricole ou la révolution industriel­le.»

Le gouverneme­nt canadien a indiqué qu’il étudiait les différente­s éventualit­és depuis le mois d’août, quoique ces études soient davantage consacrées aux aspects juridiques et politiques d’une abrogation de l’Aléna.

Un ancien responsabl­e de la modélisati­on mathématiq­ue au ministère des Affaires étrangères planche actuelleme­nt sur différents scénarios pour le compte de l’Institut C.D. Howe. Selon les estimation­s préliminai­res de Dan Ciuriak, le scénario le plus extrême - la fin du libreéchan­ge en Amérique du Nord - entraînera­it une contractio­n de l’économie canadienne de 2,5 pour cent à long terme, et davantage encore à court terme.

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