La montage entre nous: un film qui n’ose pas assez
La montagne entre nous, le nouveau film mettant en vedette Kate Winslet et Idris Elba, ne manque pas de qualités. Malheureusement, aucune d’entre elles ne peut faire oublier que l’oeuvre souffre d’une trop grande légèreté et d’un cruel manque d’audace.
La montagne entre nous raconte l’histoire de Ben (Elba) et Alex (Winslet), deux des nombreux voyageurs cloués au sol par une tempête à venir à l’aéroport de Boise, en Idaho.
Ben est neurochirurgien et est attendu à l’hôpital de Baltimore pour y performer une procédure sur un enfant. Alex, de son côté, est une photojournaliste qui doit se rendre à New York pour y célébrer son mariage, prévu le lendemain.
Ben et Alex ne se connaissent pas, mais leur situation désespérée les convainc d’unir leurs forces pour se sortir de ce mauvais pas.
Ils se tournent donc vers le sympathique pilote d’un petit avion privé qui accepte de les conduire à Denver, d’où ils pourront rallier leur destination respective.
Le voyage se transformera en cauchemar quand, en plein vol, le pilote sera victime d’une crise cardiaque. L’avion s’écrase dans une immense réserve naturelle montagneuse de l’Utah.
Blessés, privés de vivre, soumis au froid de janvier et entourés de pitons rocheux à perte de vue, le duo devra puiser dans ses dernières ressources et faire des choix difficiles s’il souhaite regagner la civilisation.
LE REVENANT DES PAUVRES
Il est difficile de ne pas faire de parallèle entre La montagne entre nous et Le Revenant, le film d’Alejandro González Iñárritu qui a remporté trois Oscars en 2016 (dont celui du meilleur réalisateur).
Bien qu’elles se déroulent à des époques différentes, les deux oeuvres ont la survie dans des conditions hivernales comme thème central et ont été tournées dans les Rocheuses canadiennes.
On sent d’ailleurs dans la caméra du réalisateur Hany Abu-Assad un désir d’imiter González Iñárritu. Il multiplie donc les magnifiques panoramas alpins, faisant de la nature sauvage un acteur de son film.
Les efforts d’Abu-Assard ont toutefois l’air de ceux d’un vulgaire amateur face au perfectionnisme du réalisateur du Revenant, dont l’utilisation de la lumière naturelle était aussi novatrice qu’époustouflante.
Autre différence entre les deux oeuvres: leur densité. Si Le Revenant était une réflexion complexe et subtile sur le motivateur que constitue la vengeance, le scénario de La
montagne entre nous manque cruellement de chair sur l’os.
Tout y est simple, générique et convenu. Mis à part un bref questionnement éthique (Ben hésite en quelques occasions entre le besoin de sauver sa propre peau et celui de rester avec Alex, qui le ralentit considérablement en raison d’une vilaine fracture à la jambe), le film est dénudé de toute profondeur et tombe à quelques reprises dans le cliché - surtout dans l’ennuyeuse dernière demi-heure.
En fait, on sent qu’Abu-Assad a voulu jouer de prudence. Tout, ou presque, dans ce film est sécuritaire et confortable, que ce soit les dialogues, les prises de vue ou le scénario. Le réalisateur refuse de provoquer, de surprendre, de faire réfléchir ou d’innover. Il nous transporte plutôt d’un point A à un point B dans un voyage que l’on aurait souhaité diablement plus turbulent.
DU BON Tout n’est toutefois pas mauvais avec La montage entre nous.
En plusieurs occasions, Winslet et Elba parviennent par leurs simples expressions à nous faire sentir que la situation est critique. Les deux parviennent à rendre la douleur et le découragement avec une aisance olympique.
Il faut aussi saluer la qualité de la scène de l’écrasement.
Abu-Assad est parvenu à filmer ce moment charnière de façon à ce ce que l’on puisse assister à la fois au spectacle de l’avion qui rebondit sur les sommets escarpés des montagnes et à la réaction des comédiens qui sont impuissants face au sort qui les attend. Solide.
J’imagine que certains vont aussi trouver que l’oeuvre est inspirante. Il est vrai que les personnages de Ben et Alex sont de beaux exemples de débrouillardise, de courage et de ténacité. Il faut toutefois garder en tête que La
montagne entre nous est l’adaptation d’un roman de fiction.
Ben et Alex ne sont donc courageux qu’en théorie, puisque leurs réactions face à la précarité de leur situation sont tirées de l’imagination d’un romancier et de deux scénaristes.
Si c’est le courage qui vous allume, je me permets de vous suggérer trois adaptations d’histoires vraies qui, en prime, ont davantage de mérites cinématographiques et philosophiques que l’oeuvre d’Abu-Assad:
Le Revenant (évidemment!), 127 heures (2010), avec James Franco, et Vers l’inconnu (2007), de Sean Penn. Ces trois films sont de puissantes réflexions sur la valeur de l’existence et les motivations qui poussent une personne à accomplir l’impossible.
Des oeuvres qui font passer le scénario de La montagne entre nous pour un vulgaire roman d’aéroport... n