Acadie Nouvelle

Zoël Saulnier: l’envie de se dire et de réfléchir en toute compassion

- martin.roy@acadienouv­elle.com

À 85 ans, Zoël Saulnier a encore des choses à dire. S’il s’est bien dévoilé dans la biographie L’Acadie dans le coeur, écrite par Sylvain Rivière et publié en 2010 aux Éditions de la Francophon­ie, cette figure de proue acadienne des milieux spirituel, ouvrier et associatif demeure toujours en mouvement dans sa réflexion sur la vie, dans sa quête de bonheur et de rédemption, dans son regard lucide qu’il pose sur cette Église pour qui il consacre sa vie depuis 60 ans.

Sylvain Rivière et Zoël Saulnier se sont à nouveau réunis dans le cadre d’un projet littéraire commun, Ni Dieu ni diable - Propos

et confidence­s de Zoël Saulnier, publié aux éditions La Grande Marée. Le petit bouquin richement illustré par Raynald Basque a été lancé tout récemment au Salon du livre de la Péninsule acadienne, à Shippagan.

Le recueil écrit par Sylvain Rivière mélange poésie, couleur et réflexions de ce prêtre bien connu et aimé du public, sur des thèmes divers comme la vieillesse, l’enfance, la mort, la foi, et plusieurs autres.

L’écrivain gaspésien et le religieux au coeur tendre se connaissen­t depuis la naissance de L’Acadie dans le coeur et sont amis depuis. L’année dernière, l’idée d’un nouveau duo littéraire a germé dans la tête de Zoël Saulnier, qui l’a ensuite proposée à son compère biographe.

«Quand je l’ai rencontré l’an dernier, il était plus dans une période d’interrogat­ion sur sa vie. Il m’a glissé tout bonnement à l’oreille qu’il avait encore des choses à dire. Je pense qu’il avait besoin de confier d’autres choses, de réactualis­er ses réflexions sur le monde. Je lui ai donc proposé de faire le livre et d’y ajouter le point de vue visuel de Raynald Basque», mentionne Sylvain Rivière.

Dans le livre, Zoël Saulnier y apparaît résolument comme un être de passion, porté par le désir toujours incessant de se nourrir des liens qu’il a créés avec la communauté au fil du temps.

«Ma qualité pastorale a toujours été celle d’aller vers les autres. C’est la réponse du coeur des gens qui m’a permis d’être ce que je suis aujourd’hui. Ce bel aujourd’hui de ma vie, je l’ai découvert dans les autres et c’est dans ce sens-là que j’ai voulu être un intervenan­t à l’intérieur des communauté­s locales, ainsi que de certains organismes», souligne Zoël Saulnier.

Ce lien privilégié n’aurait toutefois pas été possible s’il avait adopté une position religieuse austère. Au contraire, Zoël Saulnier s’évertue depuis qu’il endosse la chasuble à manifester de l’ouverture et de la compréhens­ion envers qui que ce soit.

«La religion, au départ, doit nous relier les uns avec les autres, au-delà d’un code de lois armé de sanctions. Je ne l’impose à personne, mais je la propose. Je voudrais aussi que ce soit la même chose dans mon Église, que nous proposions ce qu’elle vit, mais qu’on n’impose pas», exprime le prêtre d’un ton catégoriqu­e.

«Depuis que je le connais, ajoute Sylvain Rivière, je n’ai jamais vu Zoël comme un prêtre. En même temps, les prêtres ont besoin des païens et c’est peut-être pour ça que nous sommes, lui et moi, Ni Dieu ni

diable et au-delà de tout ça. C’est la rencontre humaine que nous avons eue qui est intéressan­te. Quand nous nous parlons, nous ne jasons pas forcément de religion, mais nous nous parlons à coeur ouvert et c’est là, je crois, la clé de notre amitié.»

UNE ÉGLISE QUI «PROPOSE» PLUTÔT QUE D’«IMPOSER»

Si Zoël Saulnier fait preuve de compassion et d’ouverture, il ne tait pas pour autant son sens critique. Dans Ni Dieu ni diable, il approfondi­t d’ailleurs sa réflexion sur l’Église catholique et ose franchir la ligne de l’orthodoxie régnante, notamment sur le célibat des prêtres.

«La valeur du célibat (pour les prêtres), j’y crois, mais on n’impose pas une valeur. On la propose et on laisse le choix au futur pasteur s’il veut s’en prévaloir. On devient alors responsabl­e de nos choix est c’est dans ce sens-là que l’on devrait ouvrir les portes à cette liberté de choisir.»

Il se garde bien cependant de vouloir pulvériser les colonnes du temple, même s’il estime que l’Église a le devoir de se remettre en question.

«Ma vision de l’Église n’est pas critique pour démolir, mais pour faire avancer. Qu’on le veuille ou qu’on ne le veuille pas, au coeur de notre société d’aujourd’hui, l’Église présente un visage plutôt terne et fait face à un certain abandon, à une certaine défection des gens. Elle n’a peut-être pas la présence qu’elle voudrait avoir. J’ai donc osé parler pour dire que ce qui est important, c’est que l’Église puisse faire passer l’Évangile et le message de Jésus. Et j’ose dire que l’Église n’atteint pas toujours cet objectif.»

«ZOËL»… TOUT COURT

Bien que Zoël Saulnier ait été ordonné prêtre en 1957, il avoue avoir toujours été inconforta­ble avec le titre de «père». Il se voit avant tout comme un pasteur, habitant sur le même étage que ses semblables, avec pour dénominate­ur commun une humanité parsemée de hauts et de bas et un besoin de tendresse qu’il comble en se faisant un témoin d’amour, qu’il ne se lasse pas de donner.

«Il n’y a rien qui me rend plus heureux que l’on m’appelle simplement par mon prénom, sans utiliser le mot ‘‘père’’. Je suis prêtre, c’est vrai, mais je ne le vois pas comme une fonction qui nécessite de la déférence. Je le dis ouvertemen­t: je ne suis pas un ange; j’ai moi-même mes doutes, j’aurais pu fermer boutique à certains moments sur ma vocation ou mes autres activités. C’est pour ça que je ne suis pas une fonction; je suis avant tout un être de tendresse qui a besoin d’être aimé et de donner l’amour à travers tout ce que je fais. Et je veux être le témoin de ce Jésus qui fait en sorte que je reste fidèle à ce partage d’amour qui me guide chaque jour», déclare Zoël Saulnier avec douceur.

Ce Jésus qui lui permet aussi de s’affranchir de ses zones d’ombre, un pas qu’il considère salutaire.

«Le jour où j’ai accepté ma fragilité, j’ai compris que Dieu m’avait sauvé. C’est ça qui est beau dans l’aujourd’hui de ma vie. Chaque jour peut être un bel aujourd’hui si l’on s’accepte dans la totalité de son être et que l’on sait où on veut aller», soutient Zoël Saulnier.

«Il ne fitte pas vraiment dans l’décor (de l’Église). Et tout compte fait, il est peut-être ni Dieu, ni diable, mais il est peut-être aussi mi-Dieu, mi-diable!», lâche quant à lui Sylvain Rivière dans un éclat de rire.

 ??  ?? Zoël Saulnier (à gauche) et Sylvain Rivière (à droite) se sont confiés à notre journalist­e Martin Roy à la suite de la sortie du livre Ni Dieu ni diable – Propos et confidence­s de Zoël Saulnier au Salon du livre de la Péninsule acadienne, récemment. –...
Zoël Saulnier (à gauche) et Sylvain Rivière (à droite) se sont confiés à notre journalist­e Martin Roy à la suite de la sortie du livre Ni Dieu ni diable – Propos et confidence­s de Zoël Saulnier au Salon du livre de la Péninsule acadienne, récemment. –...
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