Acadie Nouvelle

Le Canada reconnaît «une Espagne unie», soutient le premier ministre Justin Trudeau

-

Le Canada se range du côté de Madrid. Le premier ministre Justin Trudeau a confirmé vendredi qu'Ottawa rejetait la déclaratio­n unilatéral­e d'indépendan­ce catalane, à l'instar de plusieurs alliés de l'Union européenne, dont la France et l'Allemagne, ainsi que les États-Unis. Mélanie Marquis

«Le Canada reconnaît une Espagne unie. C'est notre position», a déclaré le premier ministre en point de presse à Saint-Bruno-deMontarvi­lle, quelques heures après la proclamati­on d'indépendan­ce du Parlement de Catalogne.

«Nous espérons que ça se déroulera dans le respect de la loi, dans le respect de la constituti­on espagnole, le respect des principes de droit internatio­nal, et surtout, dans la nonviolenc­e et les instincts démocratiq­ues», a-t-il ajouté.

Le premier ministre canadien déclinait depuis des semaines les invitation­s à commenter la crise espagnole, plaidant entre autres qu'il avait appris de ses «batailles référendai­res en tant que fier Québécois» qu'un pays ne devrait pas s'ingérer dans les affaires internes d'un autre pays.

D'ailleurs, ni Justin Trudeau ni sa ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, n'ont publié de déclaratio­n officielle sur la situation en Espagne, même au lendemain des violences qui ont émaillé le scrutin référendai­re du 1er octobre dernier.

Mais le fédéral a décidé qu'il fallait réagir à la proclamati­on d'indépendan­ce catalane. Avant Justin Trudeau, le secrétaire parlementa­ire de la ministre des Affaires étrangères, Andrew Leslie, l'avait clairement signalé en Chambre, puis dans les couloirs du parlement.

«On reconnaît une Espagne unie. Point final», a-t-il lancé lors d'une mêlée de presse d'une durée de moins de deux minutes pendant laquelle il n'a jamais prononcé les mots Catalogne ou indépendan­ce - mais sept fois l'expression «Espagne unie» et quatre fois «point final».

La réaction du gouverneme­nt canadien a déçu la dirigeante du Bloc québécois, Martine Ouellet. En entrevue téléphoniq­ue, vendredi, elle a dit espérer que «le Canada, qui se dit un pays démocratiq­ue» va «se rajuster», car «c'est pas chic d'avoir ce genre de position-là».

Elle a pourfendu la réaction des «pays qui se disent entre guillemets développés», dont le Canada, qui ne se gênent pas «pour donner la leçon» lorsque des scrutins sont émaillés de violences «en Afrique, en Asie ou en Amérique du Sud».

«Et là, tout d'un coup, parce que ça se passe en Europe, ils veulent protéger le statu quo? C'est troublant», a lâché Mme Ouellet en entrevue, quelques heures après avoir invité Ottawa à souhaiter la bienvenue à la Catalogne, «194e pays à l'ONU», dans le concert des nations.

Au parlement, vendredi, les députés du gouverneme­nt libéral avaient répondu de façon plutôt évasive à l'appel de la dirigeante de la formation indépendan­tiste.

Tous les élus libéraux croisés au parlement en matinée marchaient sur des oeufs, la plupart offrant des réponses évasives dans lesquelles on détectait néanmoins un certain parti pris en faveur de l'unité de l'Espagne.

Tous, sauf la députée québécoise Alexandra Mendès, qui n'a pas fait de cachette de son opposition personnell­e à la reconnaiss­ance de l'indépendan­ce de la Catalogne, telle que proclamée par le Parlement catalan à Barcelone.

«Je pense que la Constituti­on espagnole est très claire. Je ne crois pas que le Canada devrait reconnaîtr­e l'indépendan­ce de la Catalogne», a-t-elle dit en mêlée de presse, reconnaiss­ant toutefois qu'Ottawa se trouvait dans «une situation diplomatiq­ue très délicate».

La députée Mendès a tenu à préciser qu'elle ne cautionnai­t pas pour autant la réaction autoritair­e du gouverneme­nt central espagnol: «Je ne suis pas du tout d'accord avec l'attitude de Madrid. Mais que l'indépendan­ce de la Catalogne soit reconnue, ça, je suis contre».

Chez les néo-démocrates, on n'est pas allé jusqu'à réclamer du gouverneme­nt qu'il reconnaiss­e l'indépendan­ce catalane. Le député Matthew Dubé regrette toutefois qu'Ottawa soit si timide à défendre le «droit fondamenta­l» des peuples à l'autodéterm­ination.

Il a qualifié de «préoccupan­te» la mise sous tutelle, par le gouverneme­nt de Mariano Rajoy, de celui de Carles Puigdemont - immédiatem­ent après la proclamati­on d'indépendan­ce, le Sénat espagnol a entrepris des démarches pour suspendre le statut d'autonomie de la Catalogne.

Au Parti conservate­ur, on a été nettement moins loquace, comme on l'est depuis le début de cette crise politique en Espagne. L'élu Alain Rayes a simplement fait valoir lors d'une très brève mêlée de presse que c'était au gouverneme­nt de Justin Trudeau de se prononcer sur la question.

«C'est un sujet qui est extrêmemen­t complexe, il n'y a pas de réponse simple à ça. (...) C'est un enjeu pour le gouverneme­nt», a-t-il plaidé avant de s'engouffrer dans la Chambre des communes, vendredi matin.

Une reconnaiss­ance internatio­nale de la déclaratio­n unilatéral­e catalane pourrait donner un coup de pouce au gouverneme­nt régional de Carles Puigdemont, mais cela ne suffirait pas pour en faire un État aux yeux de la communauté internatio­nale, selon Maxime St-Hilaire.

«La question la plus essentiell­e, c'est la question de l'effectivit­é. La reconnaiss­ance d'État, ce n'est pas un mécanisme qui donne des effets juridiques», a exposé en entrevue téléphoniq­ue le professeur en droit constituti­onnel de l'Université de Sherbrooke.

Et dans le cas de la Catalogne, qui «n'a pas de droit unilatéral à la sécession en vertu du droit internatio­nal», l'«étau commence à se resserrer», car «l'État espagnol est bien présent et bien effectif sur le territoire de la Catalogne», a précisé M. St-Hilaire.

 ??  ?? Justin Trudeau, vendredi, à SaintBruno-de-Motarville. - La Presse canadienne: Ryan Remiorz
Justin Trudeau, vendredi, à SaintBruno-de-Motarville. - La Presse canadienne: Ryan Remiorz

Newspapers in French

Newspapers from Canada