MISER SUR UNE BONNE CAUSE
Les Chasses à l’as ont le vent en poupe dans la Péninsule acadienne. Alors que celle de Lamèque doit revenir ce moisci, d’autres loteries de ce type se tiennent toutes les semaines, dans différentes communautés. Et elles font le bonheur des organisateurs.
Avant, lorsqu’une association ou un comité voulait fonctionner, il devait compter sur la générosité de la population et des structures institutionnelles pour renflouer sa trésorerie. Désormais, les responsables de club ont trouvé une autre source de financement: la Chasse à l’as. Et elle leur rapporte.
«C’est comme une collecte de fonds moderne, qui nous permet de nous maintenir à flot. On ne roule pas sur l’or, mais grâce à ça, on peut payer nos factures dès qu’on les reçoit», déclare André Pinet.
Pour le gérant du Centre des loisirs de Paquetville, cela signifie beaucoup.
«Ce n’est pas négligeable, on a 4000$ d’électricité par mois à payer en hiver.»
Déjà, avec les sommes récoltées, les responsables de l’infrastructure ont payé les arriérés d’impôts fonciers qu’ils avaient accumulés – «il y en avait de 20 000 à 30 000$» – et ils ont repeint l’intérieur de la salle principale. Ils songent à changer la cuisine.
Fin septembre, ils ont lancé leur quatrième Chasse à l’as de pique, avec tirage sur place les mardis soir. Cette semaine, la cagnotte a dépassé les 4200$, un montant en dessous des 53 875,50$ de la précédente initiative remportée début août.
Mais c’est sur la durée que le succès d’une Chasse à l’as se construit. Les membres du Comité de gestion de la communauté chrétienne Saint-Simon et SaintJude de Grande-Anse s’en rendent compte.
«Nos premiers tirages rassemblaient une trentaine de joueurs. Pour le dernier, ils étaient une centaine. On voit des gens de chez nous, mais aussi d’Allardville et de Lamèque», renseigne Raymonde Thériault, du presbytère de Grande-Anse.
En 21 semaines de jeu, la communauté chrétienne a amassé 104 000$.
«Avec cet argent, on va rénover notre église. Il faut changer la toiture et poser de nouvelles fenêtres. Mais la priorité, c’est le chauffage. Notre système actuel est désuet.»
Au Comité de sauvegarde de l’église de Bas-Caraquet, l’enthousiasme est aussi de rigueur. Ses responsables fondent beaucoup d’espoirs en leur loterie lancée début octobre et qui se rapproche aujourd’hui d’un pactole de 10 000$. Chez eux, les joueurs convoitent l’as de trèfle.
«On voit nos ventes de billet augmenter de semaine en semaine. Les gens se donnent le mot. C’est encourageant», commente Lucie LeBouthillier, la présidente du comité.
Les bénévoles ont besoin de baume au coeur. Il leur faut encore 425 000$ pour financer les travaux de réfection de l’édifice religieux.
«Monter une collecte de fonds n’est pas évident de nos jours. Nous continuons à solliciter des compagnies et les organismes officiels, mais avec la Chasse à l’as, on a le sentiment de redonner à la communauté.»
Dans ce contexte où chacun mène à bien ses affaires, nos interlocuteurs voientils d’un bon oeil le retour de la Chasse à l’as de Lamèque qui a déchaîné les rêves de fortune en début d’année? Redoutent-ils qu’elle leur «dérobe» involontairement des participants?
«Tant que c’est pour une bonne cause, ça ne me gêne pas», répond André Pinet.
Raymonde Thériault sait que l’intérêt des joueurs croît en fonction du montant de la cagnotte.
«On est plus avancé qu’eux (cette semaine, leur gros lot avoisinera les 78 000$).»
Au comité de Bas-Caraquet, des bénévoles ne cachent pas leurs appréhensions.
«Certains m’ont dit qu’ils ne comprenaient pas pourquoi la paroisse de Lamèque se relançait là-dedans. Ils considèrent qu’après tous les bénéfices qu’ils ont faits, ils n’en ont pas besoin et qu’il faut laisser la chance aux autres», indique Lucie LeBouthillier.
La présidente se veut moins catégorique.
«Il y a de la place pour tout le monde. J’ai peur des choses qui nous divisent. Il faut dépasser ça, il faut être solidaires.»