QUAND FRANCOS ET ANGLOS VEULENT BÂTIR DES PONTS
«Il faut que les deux côtés se parlent, c’est la seule solution!» - Sharon Buchanan
L’heure est au dialogue entre la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick (SANB) et l’Anglophone Rights Association of NB (ARANB). Leurs présidents, Joey Couturier et Sharon Buchanan, souhaitent se rencontrer «le plus tôt possible» pour bâtir des ponts entre les deux communautés linguistiques de la province.
Ce pourrait être une percée historique. Les échanges sur les enjeux linguistiques entre anglophones et francophones sont souvent acrimonieux au NouveauBrunswick et se tiennent habituellement par le biais des journalistes. Rares ont été les rencontres face-à-face axées sur la création d’un dialogue franc et durable.
Joey Couturier estime qu’il est grand temps d’ouvrir les voies de communication.
Le président intérimaire de la SANB roulait en direction d’Edmundston quand nous lui avons parlé, lundi matin. Il confie avoir remis sa démission à la station de radio CFAI, effective ce vendredi. Il accroche son micro pour se concentrer pleinement sur son mandat, entamé en septembre.
Convaincu de pouvoir trouver des dénominateurs communs entre les positions économiques et linguistiques de la SANB et de l’ARANB, Joey Couturier souhaite rencontrer Sharon Buchanan «le plus tôt possible».
«Les francophones et les anglophones auraient selon moi tout intérêt à pousser dans la même direction sur plusieurs dossiers, surtout que des élections provinciales sont à nos portes.»
Parmi ces enjeux, Joey Couturier cite la privatisation au sein des établissements de santé de la province. À compter de janvier, le programme de soins extramural et le service Télésoins 811 seront gérés par l’entreprise Medavie, qui est déjà responsable de l’administration d’Ambulance NB.
La décision a suscité une levée de boucliers par plusieurs intervenants et organismes provinciaux, dont Égalité Santé en français et la Coalition pour les droits des aînés et des résidents des foyers de soins.
Le président de la SANB y voit une occasion de rassembler les «deux solitudes» linguistiques.
«Nous avons plusieurs défis similaires dans la même province. Nous avons tout avantage à faire front commun pour défendre notre système public et la qualité de nos soins de santé. Ensemble, nous aurons plus de poids, c’est clair.»
DES POSITIONS IRRÉCONCILIABLES?
Malgré la volonté de leurs élus, certaines positions des deux organismes semblent à première vue irréconciliables. L’ARANB prône entre autres l’adoucissement des exigences en bilinguisme de certains employés de l’État et l’abolition du Commissariat aux langues officielles.
La présidente, Sharon Buchanan, affirme comprendre et appuyer le droit des francophones de vivre et d’être servis par l’État dans leur langue, mais estime que le balancier est maintenant en faveur des francophones.
La femme se plaint d’un déséquilibre au détriment des anglophones unilingues.
«La majorité des francophones sont bilingues, alors qu’une minorité d’anglophones le sont. Ça veut dire que les postes dans la fonction publique sont strictement réservés à eux. C’est frustrant. La situation économique est difficile et nous avons de la difficulté à trouver de bons emplois.»
Pas plus tard que la semaine dernière, le gouvernement provincial publicisait des statistiques sur Facebook visant à «rétablir les faits» au sujet du bilinguisme au Nouveau-Brunswick. L’image infographique avançait que 55% des emplois dans la fonction publique sont toujours accessibles aux unilingues.
Sharon Buchanan n’est pas convaincu de cette statistique, soulignant que «plus de 80%» des postes à pourvoir affichés par le gouvernement provincial ont le bilinguisme comme critère d’embauche.
Elle jette la pierre au système d’éducation anglophone et au faible rendement de l’immersion francophone pour les élèves.
«Nous voulons que nos enfants apprennent le français et qu’ils puissent communiquer dans cette langue après l’obtention de leur diplôme, mais ils sont boudés par les employeurs une fois sur le marché du travail. Il faudrait presque changer nos noms de famille pour des noms francophones.»
Au terme de l’année scolaire 2015-2016, 41,7% des élèves inscrits en immersion (sur 451) ont atteint un niveau de langue orale «avancée» en français. Dans le cas de l’immersion intensive, 52% (sur 214) ont satisfait les critères du niveau «intermédiaire».
Ces résultats alimentent une certaine frustration dans les chaumières anglophones, donnant l’impression que les dés sont pipés en faveur des Acadiens.
La présidente réitère son désir de bâtir des ponts entre les deux communautés linguistiques et de mettre fin aux tensions qui persistent. Elle tend la main à la SANB et souhaite favoriser la compréhension des enjeux linguistiques de la province auprès des siens.
«Il faut que les deux côtés se parlent. C’est la seule solution.»
La date de l’entretien entre la SANB et l’ARANB n’as pas encore été arrêtée, mais les enjeux linguistiques et économiques figureront à l’ordre du jour. La tenue de sessions de question-réponse entre les présidents et les membres du public est également envisagée.
«On nous demande de parler français pour des emplois, mais nous n’avons même pas les outils dans nos propres écoles pour former des élèves parfaitement bilingues. Il faut comprendre que certaines personnes soient fâchées.»