Privatisation en santé: des opposants refoulés à la dernière minute par le CCNB
Le campus de Dieppe du CCNB a décidé d’annuler à la dernière minute une rencontre publique sur la privatisation en santé qui devait avoir lieu mardi soir. L’un des organisateurs de l’événement se demande si ce revirement est le fruit d’une intervention politique. Pascal Raiche-Nogue
La rencontre en question, prévue par plusieurs organismes provinciaux opposés à la privatisation du Programme extra-mural et de Télé-Soins, devait avoir lieu dans l’amphithéâtre du CCNB dans le cadre d’une tournée provinciale.
Lundi matin, moins de 36 heures avant le début de la rencontre, l’Association francophone des aînés du NouveauBrunswick (AFANB) – l’organisme qui avait réservé les locaux au CCNB – a eu la mauvaise surprise d’apprendre que ses plans tombaient à l’eau.
Dans un courriel dont l’Acadie Nouvelle a obtenu copie, la cheffe de service du campus de Dieppe explique que la décision d’annuler la réservation a été prise dans la foulée de la publication d’un article sur la tournée provinciale dans l’Acadie Nouvelle.
«Comme organisme gouvernemental, nous ne pouvons pas permettre des activités sur nos lieux qui vont à l’encontre des politiques gouvernementales et/ou d’avoir des manifestations quelconques. Alors, je suis désolée de l’avis de dernière minute, mais nous devrons annuler votre demande de réservation pour l’amphithéâtre le mardi 7 novembre à 18h30.»
Elle termine son courriel en affirmant que «Dorénavant, nous allons nous assurer que nos politiques sur les activités nonpermises (sic) soient communiqués au moment de la réservation.»
Le directeur de l’AFANB, Jean-Luc Bélanger, dit avoir été pris de court par la décision du campus de Dieppe du CCNB.
«On avait réservé pour une session d’information. L’entente qu’on avait signée, c’était ça. On a souvent loué le collège pour toutes sortes de sujets comme ça. Et il n’y a jamais eu de problèmes», dit-il en entrevue téléphonique.
Il se demande carrément si cette annulation à la dernière minute n’est pas due au fait que le mouvement d’opposition à la privatisation en santé commence à prendre de l’ampleur dans la province.
Il dit en avoir jasé avec la directrice du campus de Dieppe du CCNB, lundi avant-midi.
«Nos interventions commencent à agacer le système politique. Des fois, on se demande s’il y a eu une intervention politique. J’ai posé la question à la directrice. Naturellement, elle a dit non automatiquement.»
Jean-Luc Bélanger dit avoir amené de nombreux arguments contre l’annulation de la réservation lors de cette conversation avec la directrice. Il affirme qu’elle a maintenu le bien-fondé des raisons données par sa collègue pour justifier l’annulation.
«C’est un non-sens. On est tous des contribuables. Ce sont des propriétés publiques. On a le droit d’avoir des rencontres pour discuter. Et puis cette institution n’est pas là pour brimer l’opinion publique ou pour brimer le droit des citoyens et des citoyennes de discuter de choses dans des endroits publics, même s’ils ne sont pas d’accord avec le gouvernement.»
Selon lui, son interlocutrice a défendu les raisons données par sa collègue lundi matin par courriel, mais a offert d’accueillir l’événement malgré tout compte tenu du fait que l’annulation avait été communiquée à la toute dernière minute. Il était cependant déjà trop tard. «On est 10 organisations et on avait annulé à travers nos réseaux. Ça fait qu’il était trop tard pour que l’on revienne. Ça allait mêler les gens.»
La tournée provinciale se poursuit pour l’instant. L’AFANB et les autres organismes opposés à la privatisation se penchent présentement sur un plan B. La rencontre de Dieppe pourrait avoir lieu dans deux semaines.
Nous avons contacté la directrice et la cheffe de service du campus de Dieppe, lundi, afin d’avoir leur point de vue à ce sujet. Elles ont décliné notre offre et nous ont demandé de contacter le siège social du CCNB.
La réponse est venue de la part du premier vice-président et secrétaire général du CCNB, Sylvio Boudreau.
Dans un courriel, il explique que le campus de Dieppe a bel et bien approuvé une demande de location de la part de l’AFANB le 17 octobre et ayant comme objet «rencontre des membres de 7 organismes pour une mise en relation avec l’extra-mural (sic)».
Il ajoute que la direction du campus a vérifié sa politique interne sur la location des salles après avoir lu un article sur la tournée provinciale organisée par les opposants à la privatisation de l’extra-mural et de Télé-Soins.
«À la lumière des modalités de la politique, la direction du Campus a décidé de communiquer avec l’Association francophone des aînés afin d’annuler la rencontre de demain au Campus», dit-il.
Dans son courriel, il cite un extrait de la politique du CCNB portant sur la location de salles. Le passage en question porte sur la neutralité des activités qui ont lieu dans les locaux du Collège.
«Le CCNB reconnaît à chacun et à chacune le droit d’exprimer son opinion dans un esprit de tolérance et de respect d’autrui. Il exige que tous les citoyens de même que toutes les organisations tant publiques que privées qui louent un local s’engagent à respecter les principes de laïcité et de neutralité en matière idéologique, politique ou religieuse.»
Sylvio Boudreau ajoute que «le CCNB se veut une institution ouverte, qui accueille entre autres les organismes communautaires dans ses locaux pour y tenir des rencontres et des activités» et que «dans cette optique, la politique sur la location de salles fera l’objet d’un examen à l’interne».
Il conclut son courriel en disant que le CCNB s’excuse à l’AFANB pour tout inconvénient causé par cette annulation de réservation et dit qu’aucun représentant du CCNB n’accordera d’entrevue à ce sujet «puisque ces informations apportent la lumière sur ce dossier».