Acadie Nouvelle

Étranges priorités à Campbellto­n

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Le recyclage coûte cher. C’est un fait. Mais de plus en plus de juridictio­ns font tout de même ce choix de société.

La Ville de Campbellto­n a fait les manchettes pour de bien drôles de raisons au cours des derniers mois. Nous avons d’abord appris au début de l’été que Campbellto­n faisait la guerre aux restaurant­s mobiles, ces fameux food trucks que l’on voit souvent apparaître dans les communauté­s pendant les festivals et lors des fêtes comme celles du Canada, des Acadiens et du NouveauBru­nswick.

Officielle­ment, les camions-restaurant­s ne sont pas interdits à Campbellto­n. Ils sont toutefois loin d’être accueillis à bras ouverts puisqu’un arrêté municipal fixe le coût du permis d’exploitati­on à 500$ l’heure (maximum de 5000$ par jour).

Faisant face aux critiques et ridiculisé pour son protection­nisme à outrance, le conseil municipal a depuis assoupli un tantinet sa position, en affirmant être prêt à réviser sa réglementa­tion. L’arrêté municipal pourrait être modifié l’année prochaine… ou non. Ça reste à voir.

Cet automne, Campbellto­n est revenu dans l’actualité, cette fois en adoptant la ligne dure devant les propriétai­res d’une boîte de nuit qui voulaient organiser un spectacle de danseurs partiellem­ent nus.

On ne parlait pas ici de l’ouverture d’un bar de danseuses ou d’une maison close, mais bien de l’organisati­on d’un spectacle pour femmes, sans nudité intégrale. «On n’a pas besoin de ça ici», a tranché la mairesse Stéphanie AnglehartP­aulin.

Il s’agit de deux petites nouvelles insolites, mais qui donnent à Campbellto­n l’image d’une ville conservatr­ice et opposée au changement.

Cela compte toutefois bien peu dans le grand ordre des choses. Que le conseil municipal permette ou non la visite des camions-restos ou des danseurs exotiques sur son territoire a dans le fond bien peu d’importance. Ce ne sont pas exactement des enjeux génération­nels.

La vision des élus de la cité du Restigouch­e à propos d’un autre dossier, celui-là autrement plus important, est cependant plus préoccupan­te.

La semaine dernière, les municipali­tés et les districts de services locaux desservis par la Commission des services régionaux du Restigouch­e se sont entendus sur la mise en place d’un programme de recyclage à domicile. Une seule municipali­té a refusé d’embarquer. On vous laisse deviner laquelle.

La mairesse Anglehart-Paulin a déclaré qu’il s’agit d’une question d’argent. Sa ville n’a pas les 250 000$ devant servir à fournir les bacs bleus à ses concitoyen­s et n’a pas la volonté d’augmenter les taxes pour payer sa part des coûts du service.

Cette décision est d’autant plus surprenant­e du fait que la Ville verse actuelleme­nt de 50 000$ à 75 000$ par année à son équipe de hockey junior (les Tigres) pour l’aider à faire ses frais.

Dans ce dossier, elle a consulté sa population à l’aide d’un sondage. Elle n’a toutefois pas jugé bon de le faire dans celui du recyclage.

Le refus de Campbellto­n de joindre le programme de recyclage à domicile démontre une vision réductrice et à court terme de la part du conseil. Évidemment, les bacs ne coûteront pas moins cher dans quatre ans et la municipali­té ne sera pas plus riche non plus. Si tous les politicien­s pensaient de cette manière, il n’y aurait pas un seul centre de recyclage au NouveauBru­nswick.

Le recyclage coûte cher. C’est un fait. Mais de plus en plus de juridictio­ns font tout de même ce choix de société. Elles le font pour des raisons environnem­entales, mais aussi par souci d’équité à l’endroit des génération­s futures.

Les régions du nord du Nouveau-Brunswick sont historique­ment en retard sur les centres urbains du Sud. Il y a longtemps, par exemple, que les citoyens du Grand Moncton ont pris l’habitude de trier leurs déchets dans des sacs de différente­s couleurs.

Dans la Péninsule acadienne, il a toutefois fallu attendre en 2014 pour que le recyclage à domicile voie le jour. Toutes les raisons étaient bonnes. Trop cher, trop grand territoire, densité de population trop faible, opposition de maires satisfaits du statu quo, entreprene­urs qui craignaien­t de perdre leurs contrats… Les excuses ne manquaient pas.

Il a fallu du leadership pour que le programme devienne enfin réalité, mais nous en sommes là. Le système est loin d’être parfait. Plus du tiers des produits envoyés au centre de tri finissent à l’enfouissem­ent. Des citoyens se plaignent que les déchets ne sont désormais ramassés qu’aux deux semaines.

Néanmoins, un grand pas a été franchi. Personne n’oserait aujourd’hui faire campagne pour un retour en arrière.

C’est maintenant au tour des élus du Restigouch­e de faire preuve de leadership et de penser à l’avenir. La plupart d’entre eux ont compris que dans le monde d’aujourd’hui, il n’est plus acceptable d’ignorer notre empreinte sur l’environnem­ent.

Campbellto­n (de même que les autres municipali­tés de la province où l’on recycle peu ou pas) le comprendra aussi un jour et finira par embarquer dans le train qui passe. Espérons que ce sera plus tôt que tard.

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