«Je ne voulais pas parler parce que j’avais peur que le monde me juge»
Nicolette Belliveau est sur une lancée. Un premier diplôme universitaire en poche, elle travaille présentement afin d’en décrocher un deuxième. Tout ça dans sa deuxième langue. Mais la route qui l’a amenée jusqu’ici n’a pas été sans embûches. Son intégration à l’Université de Moncton a parfois été tumultueuse. En classe, elle a longtemps hésité à prendre la parole, raconte-t-elle. «J’avais peur. Je ne voulais pas parler parce que j’avais peur que le monde me juge. Alors, lors des deux ou trois premiers mois, je n’ai pas parlé (en français devant ses collègues de classe).» De plus, comme l’accent avait été mis sur le français à l’oral en immersion lors de ses dernières années au secondaire, elle avait des croûtes à manger à l’écrit. «Dans un de mes cours, j’ai eu une dissertation à faire en français. Je n’avais jamais fait ça même si j’avais fait l’immersion toute ma vie. Puis là, je me dis “Oh, mon Dieu! Comment vais-je faire cela?”» Elle a même failli jeter l’éponge à la fin de sa première session au campus de Moncton. «J’étais prête à aller dans une université anglophone. J’ai commencé à faire les démarches.» Ses collègues de classe et sa famille ont fini par réussir à la convaincre de prendre son mal en patience. Au final, elle a trouvé son rythme de croisière, en bonne partie grâce à l’encadrement du Groupepont (voir le texte en page 2). Elle a aussi eu un coup de pouce de certains professeurs. Lors de sa deuxième session à l’U de M, elle est allée voir l’une de ses profs pour l’aviser qu’elle était issue de l’immersion. Elle ne voulait pas être traitée différemment des étudiants francophones, mais voulait tout de même la mettre au parfum de son parcours. Ces informations ne sont pas tombées dans l’oreille d’une sourde. En classe, cette prof s’est mise à faire appel régulièrement à Nicolette Belliveau afin de la pousser à se dégêner. «Elle nous faisait souvent lire à haute voix et elle me choisissait tout le temps par exprès. Chaque fois, je me disais “Oh, mon Dieu! Tu vas me faire lever devant la classe, devant des gens que je ne connais pas, pour lire ce texte en français?”» La stratégie a fait mouche. «Elle m’a dit après “tu peux parler, tu t’exprimes super bien en français, tu n’as juste pas la confiance pour le faire”. C’était sa manière de me pousser à avoir confiance. Après deux, trois ou quatre fois, ça me dérangeait un peu moins.»