Acadie Nouvelle

Russie: un avenir olympique incertain entre la méfiance et la colère

Devant le risque d’une éventuelle exclusion des Jeux olympiques d’hiver, la scène sportive russe s’est transformé­e en véritable panier de crabes.

- James Ellingwort­h

Les enquêtes sur le dopage n’ont pas encouragé les athlètes russes à parler des abus. Au lieu de cela, il y a une chasse aux dénonciate­urs, ou «traîtres à la patrie», comme les qualifie la présidente de la fédération de ski de fond, Yelena Valbe.

Pendant ce temps, le président russe Vladimir Poutine a prétendu que le Comité internatio­nal olympique - qui rendra une décision finale sur l’admissibil­ité de la Russie - est manipulé par d’obscurs intérêts américains désireux d’utiliser des scandales de dopage pour déshonorer son gouverneme­nt avant les élections de mars.

Avant la décision du CIO, les dirigeants russes sont conviés pendant deux jours à des réunions de l’Agence mondiale antidopage (AMA) cette semaine, ce qui aidera à déterminer l’avenir olympique de la Russie.

Officielle­ment, le sujet sur la table est le statut de l’agence russe antidopage, pas la participat­ion olympique.

L’AMA a rétabli la plupart des principaux pouvoirs de l’agence russe en juin et décidera cette semaine si elle doit la réintégrer pleinement. Le point de désaccord ne concerne pas la performanc­e de l’agence, mais la réticence du gouverneme­nt russe et des organisati­ons sportives à accepter toute responsabi­lité pour ce que l’AMA considère comme un vaste programme de dopage et de dissimulat­ion, notamment aux Jeux olympiques de 2014 à Sotchi.

Comme le gouverneme­nt finance la RUSADA et que les instances sportives sont représenté­es à son conseil d’administra­tion, elles doivent convaincre l’AMA qu’elles sont dignes de confiance.

L’AMA aborde son sommet en position de force après avoir révélé vendredi qu’elle a maintenant ce qu’elle croit être la base de données des résultats des tests du laboratoir­e antidopage de Moscou de 20122015, période où le prétendu système de dissimulat­ion était à son plus fort. Cela pourrait confirmer les révélation­s antérieure­s des dénonciati­ons ou mener à encore plus de cas contre des athlètes.

Les deux principale­s demandes de l’AMA sont que la Russie accepte les conclusion­s du rapport de son enquêteur Richard McLaren, l’année dernière. et qu’elle libère un lot d’échantillo­ns d’urine saisis au laboratoir­e de Moscou. La Russie a refusé de le faire. «Il est impossible d’être d’accord avec (le rapport), car le rapport contient beaucoup de contradict­ions», a déclaré le ministre des Sports, Pavel Kolobkov, ajoutant qu’il serait «difficile pour nous» de convaincre l’AMA de réintégrer l’agence russe.

Accepter les conclusion­s de McLaren signifiera­it l’abandon de la ligne du Kremlin, qui a déclaré régulièrem­ent et avec véhémence que le gouverneme­nt russe n’a jamais eu aucune implicatio­n dans le dopage.

L’enquête de McLaren a allégué que plusieurs fonctionna­ires du ministère des Sports ont supervisé une dissimulat­ion des cas de dopage, opposant un veto aux sanctions pour les athlètes vedettes «protégés». La plupart des fonctionna­ires du ministère cités dans le rapport McLaren ont démissionn­é ou ont été limogés l’an dernier, mais le ministre des Sports Vitaly Mutko a été promu vice-premier ministre et continue de superviser les préparatif­s pour la Coupe du monde de soccer en Russie.

Les relations de la Russie avec le CIO se sont détériorée­s à la suite de l’exclusion d’athlètes russes pour des infraction­s de dopage aux Jeux olympiques de Sotchi. Six ont été sanctionné­s jusqu’à présent, y compris deux médaillés, et les verdicts sont attendus dans quelques jours pour plusieurs autres.

Pourtant, le président du CIO, Thomas Bach, soutient depuis longtemps la Russie et a déclaré ce mois-ci qu’il était «inacceptab­le» d’exiger une exclusion totale de la Russie «avant la procédure régulière».

L’année dernière, la Russie a critiqué l’AMA, mais elle était restée en bons termes avec le CIO, qui a exclu une exclusion des Jeux olympiques de Rio de Janeiro et a confié la décision aux fédération­s sportives individuel­les. Seuls l’athlétisme et l’haltérophi­lie ont imposé des sanctions à l’échelle de l’équipe. Cette année, le ton de la Russie envers le CIO est moins chaleureux.

«Venez dans mon pays et essayez de me prendre (mes médailles)», a déclaré le bobeur russe et député fédéral Alexei Voevoda, dans un entretien avec le président du comité disciplina­ire du CIO, Denis Oswald.

Des lanceurs d’alerte ont quitté la Russie en invoquant leur sécurité personnell­e, mais seulement après s’être manifestés. Les sanctions du CIO ont déclenché une chasse aux sorcières dans les sports d’hiver russes. Un skieur de fond et un entraîneur de biathlon ont dû faire des déclaratio­ns niant avoir travaillé avec l’AMA après avoir été dénoncés par d’anciens collègues.

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Des athlètes de la Russie avaient pu prendre part aux Jeux olympiques d’été de Rio, en 2016, malgré le scandale de dopage d’État révélé quelques mois plus tôt. - Archives

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