LGBTQ+ ET L’ARMÉE: UNE ACADIENNE RECEVRA DES EXCUSES DU PM P. 2
Diane Doiron, ancienne militaire de Pointe-Sapin, est «encore sous le choc» après avoir appris que le premier ministre présentera des excuses officielles à la communauté LGBTQ+. L’Acadienne a témoigné le mois dernier dans l’Acadie Nouvelle de son expérience en tant que femme homosexuelle dans la Marine royale canadienne dans les années 1980.
«Vraiment, je suis encore sous le choc. C’est rare qu’une petite Acadienne de Pointe-Sapin se fasse inviter par le premier ministre pour aller à Ottawa pour une excuse. C’est surréel.»
Soupçonnée d’être lesbienne, Mme Doiron a subi de nombreux interrogatoires de la police militaire dans les années 1980. Pendant ses 18 mois de service, elle a vécu l’enfer, souffrant d’un traumatisme psychologique avec lequel elle vit toujours.
Périodiquement, elle a dû faire face à l’unité des enquêtes spéciales. Son niveau d’anxiété ne faisait qu’augmenter.
«Il y avait une peur que tu ne peux pas imaginer. J’étais traitée comme un criminel, comme un espion. Je me sentais comme une déviante sexuelle. Là, tu retournes dans ton coin et tu penses: “il n’y a vraiment personne qui peut m’aider”. Tu te sens comme un prisonnier de guerre. Ils peuvent te faire ce qu’ils veulent, quand ils veulent», avait-elle raconté au journal.
Au début octobre, elle a exprimé son désir d’obtenir des excuses officielles du premier ministre du Canada. Bientôt, son rêve sera exaucé. Elle a été invitée à se rendre à Ottawa afin de recevoir des excuses de Justin Trudeau en personne (lire encadré). Le gouvernement fédéral lui a même offert de payer son billet d’avion et sa chambre d’hôtel.
Mme Doiron a vécu avec de l’anxiété et des dépressions depuis son expérience avec les Forces canadiennes. Elle reçoit, depuis quelques mois, des soins de santé mentale grâce à des programmes du ministère des Anciens combattants.
Elle croit que les excuses du premier ministre aideront dans son cheminement vers la paix intérieure.
«Je sais que ça ne va pas être facile. Ça va être un long processus. Mais au moins, je peux avoir la tête haute et me dire “oui, ça m’est arrivé”. Je n’ai plus besoin de me cacher et d’avoir honte. Je sais qu’il y en a d’autres qui ont vécu la même chose que moi. J’ai donc des gens avec qui parler.»
Quant à savoir si elle s’attend à une compensation financière pour ses souffrances émotionnelles et psychologiques, Mme Doiron n’est pas en mesure de donner une réponse exacte. Elle a l’intention de laisser la question «dans les mains des politiciens et des avocats».
«Comment mettre un prix là-dessus? Comment juger quelqu’un qui a passé à travers autant de dépressions, qui a vécu avec de l’anxiété et des crises d’anxiété, qui a essayé tous les médicaments qu’il y avait pour la dépression? Ça vaut combien?»
Après avoir raconté publiquement son histoire le mois dernier, Mme Doiron a participé pour la première fois à des commémorations du jour du Souvenir avec le statut d’ancienne combattante. L’expérience l’a émue.
À l’école de Baie-Sainte-Anne, tous les élèves lui ont serré la main afin de la remercier pour son service. Lors d’une cérémonie à Pointe-Sapin, un vétéran âgé de 89 ans l’a approchée avec une larme à l’oeil.
«Il m’a dit: “on s’est battu pour être libres dans notre pays, et tu as passé à travers ça dans le militaire? Ce n’est pas excusable, et je suis très désolé”. Pour moi, c’était la confirmation que j’ai fait la bonne chose en parlant de mon expérience.»
Mme Doiron souhaite que la souffrance des anciens combattants de la communauté LGBTQ+ ne soit pas oubliée. Elle rêve de voir un espace commémoratif au Musée canadien de la guerre, que les enseignants en parlent dans les écoles et qu’il y ait des couronnes pour souligner les anciens combattants LGBTQ+ lors des cérémonies du 11 novembre.