Acadie Nouvelle

UN DÉFI QUOTIDIEN

ÊTRE PROCHE AIDANT EN MILIEU RURAL

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Épuisement, anxiété, sentiments de culpabilit­é, frustratio­ns, difficulté d’accès aux ressources: la réalité des proches aidants au Nouveau-Brunswick n’est pas toujours rose. C’est le lourd constat que fait une infirmière clinicienn­e du Réseau de santé Vitalité, qui a débuté une étude pour mieux comprendre le quotidien des proches aidants en milieu rural.

Il y a neuf mois, Raymond et Linda Jean ont accueilli le père de M. Jean dans leur maison de Pointe-Alexandre, sur l’île Lamèque.

Elphège Jean, âgé de 87 ans, souffre d’un début de démence avec des problèmes de mobilité. Pour le couple, accueillir M. Jean à la maison était la meilleure option pour sa santé.

«Au foyer de soins, ils passent vérifier aux deux heures, les gens ne sont pas toujours sous surveillan­ce. Et puis, papa n’a jamais voulu aller au foyer. J’ai visité deux fois avec lui et il ne voulait pas rester là», explique Raymond Jean.

Mais accueillir son père chez lui a eu des conséquenc­es. Les frères et soeurs de M. Jean n’ont pas accepté cette décision et la famille est déchirée par une chicane. Une situation stressante, affirme le couple.

Selon eux, il devrait y avoir plus d’éducation. «Ce serait bien qu’il y ait une meilleure compréhens­ion de ce qu’est le rôle d’un proche aidant et pourquoi c’est important de s’occuper des gens à la maison», estime Linda Jean.

UN PROCHE AIDANT SUR SIX EN DÉTRESSE

La situation des proches aidants n’est pas toujours facile. L’Acadie Nouvelle a rencontré le couple à une conférence de l’infirmière clinicienn­e Sylvie Bernard, le 14 novembre, au Centre des congrès de la Péninsule acadienne à Shippagan.

Devant une salle comble, elle a parlé des défis des proches aidants et a donné des conseils pour les aider à avoir un meilleur équilibre de vie. Mme Bernard s’est basée sur plusieurs études existantes et sur ses expérience­s de travail et de bénévolat.

Selon des statistiqu­es qu’elle a consultées, un proche aidant sur six est en détresse. Ils sont par contre 70% à être satisfaits et à trouver un bon équilibre de vie.

«Le proche aidant vit plusieurs deuils et plusieurs pertes. Il y a le deuil de la relation, le deuil de la normalité, la perte ou la fin de rêves et de plans d’avenir. La relation du passé est perdue, mais la personne est là», explique Sylvie Bernard.

C’est ce qu’on appelle le deuil blanc. Il y a aussi tous les petits défis de la vie de tous les jours. Elle ajoute qu’ils ne sont pas beaucoup à aller consulter et à aller chercher de l’aide.

«Aller travailler quand on s’est fait garder réveillé toute la nuit, ça peut être difficile», souligne l’infirmière.

DIFFICILE EN MILIEU RURAL

Sylvie Bernard a récemment débuté une étude dans le cadre de sa maîtrise en Sciences infirmière­s à l’Université de Moncton. Elle se penche sur la réalité des proches aidants en milieu rural dans le Restigouch­e et qui s’occupent d’un proche souffrant de démence.

Selon elle, les proches aidants en milieu éloigné ont leur part de défi et leur réalité a été très peu étudiée.

«Depuis le début de mon étude, j’ai fait des entrevues et j’ai remarqué que beaucoup de gens sont dépendants de l’aide de leur famille immédiate. Des fois, l’aide n’est pas toujours là. Donc, c’est toujours la même personne qui finit par s’occuper du proche. Parfois les familles sont plus dispersées, il y a moins d’enfants aux alentours», explique Mme Bernard.

Elle montre du doigt l’absence de centre de répit pour les proches aidants qui voudraient souffler un peu et prendre des vacances.

«Une grosse difficulté en milieu rural, ce sont les centres de jour. Nous n’avons pas de centres de jour où les personnes qui souffrent de démence peuvent aller. Nous n’avons pas de lits de répit. Si je prends l’exemple du foyer à Dalhousie, nous sommes vraiment limités. Nous avions seulement un ou deux lits de répit», affirme Mme Bernard.

Elle souligne aussi qu’il peut être difficile d’avoir accès à une marchette ou à un fauteuil roulant, car les listes d’attente de la CroixRouge sont longues.

Mais elle pense que le plan D’abord chez soi du gouverneme­nt devrait aider à changer les choses. Elle espère que son étude, qu’elle veut terminer d’ici la fin de l’année prochaine, aidera à donner un meilleur portrait de la situation.

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 ??  ?? Jolaine Thomas, de l’Associatio­n francophon­e des aînés du Nouveau-Brunswick, en train de donner une formation pour les proches aidants. À la une, Linda, Elphège et Raymond Jean, dans leur résidence sur l’île Lamèque. - Acadie Nouvelle: Anne-Marie Provost
Jolaine Thomas, de l’Associatio­n francophon­e des aînés du Nouveau-Brunswick, en train de donner une formation pour les proches aidants. À la une, Linda, Elphège et Raymond Jean, dans leur résidence sur l’île Lamèque. - Acadie Nouvelle: Anne-Marie Provost
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