Les histoires pêchées de Georges Hannan
Conteurs et philosophes à leurs heures, les nombreux personnages du documentaire Mordu d’éplan, de Georges Hannan, sont d’abord des mordus de la vie. Le cinéaste et son équipe ont marché pendant 20 jours sur la glace pour pêcher non pas de l’éperlan, mais des histoires savoureuses.
Le documentaire aurait pu s’appeler Histoires pêchées, souligne Georges Hannan qui est allé à la rencontre de gens qui pratiquent la pêche à l’éperlan pendant tout l’hiver. Ce grand cinéphile, qui oeuvre comme preneur de son au cinéma depuis près de 40 ans, se retrouve pour la première fois à l’avant-scène en réalisant son premier documentaire. À la veille de la première au Festival international du cinéma francophone en Acadie, c’était un peu la folie médiatique.
«Depuis que je travaille dans le cinéma, une grosse partie de mes tâches comme pre- neur de son consiste à ne pas être vu ni entendu. Tout de suite, c’est complètement l’inverse», a-t-il partagé.
Rares sont les films en Acadie tournés l’hiver. Tourner pendant la saison froide représente certains défis en raison du climat, des intempéries et de la lumière, convient le réalisateur de Moncton. Il confie qu’il a toujours été fasciné par l’hiver. Les images du directeur de la photographie Bernard Fougères sont superbes. Ils ont aussi utilisé des drones pour donner une vue d’ensemble de ces petits villages de cabanes sur la glace. Ayant déjà eu une cabane à éperlan, à l’époque où il vivait à Bathurst, le réalisateur songeait à ce sujet de film depuis longtemps.
«La pêche à l’éperlan est un prétexte pour rencontrer ces gens-là. C’est tellement dépaysant. Si une personne veut faire un voyage en ne brûlant pas beaucoup de gaz, elle va sur le bord de la mer et cogne aux portes de ces cabanes», a mentionné le cinéaste.
Dans ce documentaire, les pêcheurs se livrent avec naturel et beaucoup de générosité. Ils racontent comment la pêche sur la glace leur permet de s’évader des tracas de la vie. Un des personnages un peu philosophe, qui pêche sous un abri temporaire après avoir perdu sa cabane, assume sa situation sereinement.
La caméra suit trois villages de cabanes dans la Péninsule acadienne et dans le havre de Bathurst. Pour arriver à faire des entrevues avec les pêcheurs, Georges Hannan a dû passer beaucoup de temps sur la glace.
«Ce ne sont pas des gens avec qui on peut faire des rendez-vous, qui répondent au téléphone ou avec qui on peut échanger des textos. Il a fallu aller cogner à leurs portes et gagner leur confiance.»
Tout son équipement était contenu dans un traîneau. Ils ont utilisé deux caméras; une pour l’intérieur et une pour l’extérieur. Tourner dans ces cabanes exiguës a exigé beaucoup de créativité de l’équipe et certaines poses de yoga, souligne le réalisateur en souriant.
«J’ai fait aussi le son parce qu’il n’y avait pas de place pour mettre un preneur de son avec moi.»
Les personnages qui ne manquent pas d’humour sont sympathiques. Le cinéaste a voulu leur donner toute la place, en refusant d’inclure une narration classique.
«Pour moi, un bon documentaire, c’est le contenu, les personnages qui sont attachants, généreux et qui sont beaux. Je me suis battu pour ne pas avoir de narration.»
Il a remplacé la narration par la radio avec la comédienne Diane Losier dans le rôle de l’animatrice. Elle est comme le phare pour tout le monde, estime le cinéaste. La musique variée passe de Vivaldi à Menoncle Jason en passant par des rythmes hawaïens.
Comme preneur de son, Georges Hannan a récolté trois nominations aux prix Gémeaux, Génie et Gemini, au cours de sa carrière.
Plusieurs projets en son l’attendent pour la prochaine année, dont celui de la série humoristique les Newbies et du film de fiction de Denise Bouchard et Gilles Doiron. Produit par les Productions du Milieu, le moyen métrage Mordu d’éplan est présenté en première au Cinéplex à Dieppe, mardi à 19h. Cette séance de projection comprend aussi le documentaire Snowbirds, de Joannie Lafrenière, à propos des Québécois du bel âge qui choisissent de passer l’hiver en Floride.