IrènesurMars : l’aller sans retour d’une femme déterminée
Avez-vous déjà entendu parler du projet de mission de colonisation humaine de la planète Mars? Essayez d’imaginer un instant que vous faites partie du nombre très restreint de finalistes pour ce long voyage aller sans retour. Que la décision finale de la NASA tombera d’un jour à l’autre. Et que, si vous avez 60 ans, vous savez pertinemment bien que, malgré votre détermination à tenter cette aventure unique en son genre, vous quitterez tout un monde sans y revenir, avec toutes les prises de conscience et les déchirements que la navette portera en son sillage céleste.
La table est mise pour Irène sur Mars, mélodrame scénique signé Jean-Philippe Lehoux et créé à l’été 2016 par le Théâtre À tour de rôle en coproduction avec le Théâtre de la Marée Haute, au Quai des arts de Carleton-sur-Mer, en Gaspésie.
Irène, âgée de 63 ans et campée de manière convaincante par la comédienne québécoise Pauline Martin, décide de s’engager dans l’aventure vers la planète rouge. La pièce se déroule la veille de son hypothétique départ. Au même moment, son fils trentenaire, vivant en Suisse, décide d’inscrire sa mère dans un foyer pour personnes âgées dans le pays où il oeuvre comme astrophysicien. Ce qui ne plaît pas du tout à Irène, explique Pauline Martin en entrevue téléphonique.
«Irène se trouve bien trop jeune pour aller habiter dans une résidence pour personnes âgées, en plus dans un pays qu’elle ne connaît pas et auprès d’un fils qu’elle n’a vu que très rarement dans les dernières années. De toute façon, son projet, c’est de partir vivre sur Mars et elle y tient mordicus, même si elle sait très bien qu’elle ne reverra plus jamais ses proches», souligne la sympathique comédienne native de Chicoutimi et dont son personnage porte le même prénom que sa mère.
Cet aller sans retour pour Mars apparaît alors comme une décision radicale qui déstabilise l’entourage d’Irène, à commencer par son fils unique, qui redécouvre alors sa mère sous un autre jour.
«Son fils n’est pas un monstre. Il a décidé de rapprocher sa mère de lui un peu sans réfléchir. En même temps, il se sent coupable de ne pas la voir plus souvent. Ce qu’il a oublié par contre, c’est qu’Irène s’est en quelque sorte refait une vie depuis qu’il est parti. D’ailleurs, dans la vraie vie, les enfants ont tendance à oublier que, lorsqu’ils quittent le nid familial, leurs pa- rents mènent aussi leur existence de leur côté. Ça peut créer certains conflits intergénérationnels qui sont très bien exploités dans la pièce», souligne la comédienne.
Mais pourquoi Irène est-elle si tentée par la planète Mars? Dans la pièce, elle dit très clairement qu’elle est «écoeurée d’être sur Terre».
«Dans la soixantaine, tu remets ta vie en question, Mais Irène, elle, c’est carrément sa vie sur Terre à laquelle elle réfléchit. Certains peuvent voir son choix comme une forme de suicide; moi, je le vois plutôt comme une aspiration vers une autre manière de vivre. Du coup, comme elle n’a plus rien à perdre, elle dit tout ce qu’elle a à dire de manière franche, en oscillant entre le rire et le drame», précise Pauline Martin.
Pour la comédienne qui célébrera ses 45 ans de carrière en 2018, le rôle d’Irène est arrivé dans sa vie comme un cadeau. Personnage entier, qu’elle juge très proche d’elle-même et de sa défunte mère, Irène pousse Pauline Martin dans des zones qu’elle a toujours aimé explorer comme actrice.
«C’est sûr que les gens associent mon côté humoristique avec Samedi de rire, entre autres, mais autrement, durant ma carrière, j’ai presque toujours joué des rôles au ton mélodramatique au théâtre. Et j’adore ça. Quand on m’a proposé la pièce il y a trois ans, j’ai dit oui tout de suite, car les thématiques du rapport de la mère à son fils et la réflexion d’Irène sur sa vie sont venues me chercher dès que j’ai lu le texte», exprime Pauline Martin avec un sourire dans la voix.
Irène sur Mars sera présentée mardi, à 19h30, au Centre culturel de Caraquet, et le 28 novembre, au théâtre l’Escaouette de Moncton.