Pas facile de tourner un film en Acadie
Les cinéastes font face à de nombreux défis, à commencer par le financement
«Quand tu dis que des fois, c’est notre propre province qui arrive en dernier dans le financement et qui nous dit non parce qu’il n’y a plus d’argent, on ne peut pas bâtir une industrie comme ça et on ne peut pas grandir. J’ai l’impression que depuis un bout de temps, on tient le cinéma à bout de bras et qu’on est toujours soumis au ballottage des élections», a déclaré la cinéaste de Caraquet.
Si l’Acadie traverse en ce moment une période florissante en terme de fiction télévisuelle, il reste que le financement du long métrage en cinéma fait face à de grands défis. La cinéaste Renée Blanchar sonne l’alarme.
Les réalisateurs Renée Blanchar et Phil Comeau, ainsi que la productrice Maryse Chapdelaine (Ça tourne Productions), la directrice nationale de l’unité long métrage à Téléfilm Canada, Marie-France Godbout, et le producteur Laurent Allaire ont participé à une table ronde sur les multiples défis de la production en région.
Cet événement s’est tenu dans le cadre du 31e Festival international du cinéma francophone en Acadie.
Une quinzaine de cinéastes et de producteurs ont assisté à la table ronde. Bien que les échanges ont été pertinents, Renée Blanchar aurait souhaité qu’il y ait davantage de gens à cette discussion qui a porté sur des enjeux fondamentaux de l’industrie du cinéma.
Le financement et la distribution des films acadiens ont été au coeur des discussions. Les démarches pour obtenir du financement en cinéma sont souvent complexes et très longues.
Malgré les nombreux cris d’alarme lancés par les artisans du milieu au cours des dernières années, Renée Blanchar se désole encore du manque de volonté politique à Fredericton pour faire rayonner cette industrie.
Le programme provincial de financement de l’industrie du cinéma et de la télévision de 2, 5 millions ne suffit pas à la demande, surtout dans un secteur hautement compétitif.
L’Acadie vit une sorte d’âge d’or de la fiction en télévision, mais aussitôt qu’un projet sort des normes télévisuelles comme un long métrage destiné aux salles de cinéma, il y a beaucoup moins de répondant du côté du gouvernement provincial, note la réalisatrice.
À Téléfilm Canada, les démarches sont complexes et les critères rigoureux. Dans l’ensemble, le taux de refus pour le volet des longs métrages francophones (budget total autour de 24 millions $), se situe entre 60 et 75%.
Pour les productions à gros budget (plus de 2,5 millions$), les producteurs ont besoin d’un distributeur. Or, il n’y a pas de distributeur en Acadie.
«En fait, on se rend souvent compte que pour avoir un projet de long métrage en salle, on va nous demander d’avoir un distributeur et le distributeur est au Québec, donc quand on porte des projets à partir d’ici, ce n’est pas évident d’intéresser un distributeur parce que déjà c’est une chasse gardée féroce.»
Renée Blanchar et Maryse Chapdelaine qui ont entrepris de distribuer elles-mêmes leur plus récent documentaire Nos hommes dans l’ouest, songe éventuellement à fonder leur propre boîte de distribution.
Marie-France Godbout a rappelé qu’il existe des enveloppes pour les productions à micro budget (maximum 250 000$ pour un premier film) et à budget mitoyen (2,5 millions $) qui ne nécessitent pas de distributeur. Elle reçoit très peu de propositions de l’extérieur du Québec.
«Ça me fait un peu de peine quand on dit que Téléfilm ne nous finance pas parce qu’on ne reçoit pas tant de projets que ça. Mon taux de refus pour les francophones hors Québec est nul parce que je n’ai pas assez de projets», a partagé Mme Godbout qui a encouragé les cinéastes à continuer de cogner à la porte.
D’après Renée Blanchar, cette ouverture est toute récente. Si la somme de 2,5 millions $ peut sembler énorme, la réalisatrice précise qu’il est difficile de produire un film en deçà de ce budget, surtout avec une vraie distribution et une équipe aguerrie.
«On ne peut pas beaucoup aller en bas de ça parce que déjà quand on vient faire un film en région, il y a au moins 250 000$ de coûts parce qu’on déplace son équipe. On peut lancer des carrières avec des micros budgets, mais on ne peut pas construire une industrie. Il faut aussi que des cinéastes plus chevronnés aient accès au fonds.»